Le ministre britannique de la Santé Sajid Javid annonce 100.000 cas quotidiens possibles de COVID après la levée des restrictions.

«Je tiens à souligner d’emblée que cette pandémie est loin d’être terminée. Comme nous l’avions prévu dans la feuille de route, nous assistons à une augmentation des cas. Il pourrait y avoir 50.000 cas par jour. Nous constatons une augmentation des admissions dans les hôpitaux et nous devons nous réconcilier avec davantage de décès».

Avec ces mots, le premier ministre britannique Boris Johnson annonçait lundi soir la levée de toutes les restrictions contre le COVID-19 en Angleterre et se déclarait criminel politique.

Le lendemain matin, le nouveau secrétaire à la Santé Sajid Javid révélait toutes les implications des plans du gouvernement. Il déclarait à l’émission «Today» de BBC Radio 4 que le Royaume-Uni se trouvait en «territoire inconnu» et que le nombre de nouveaux cas quotidiens «pourrait atteindre 100.000» d’ici août. Javid a refusé de répondre à la question de savoir ce que cela signifiait pour les hospitalisations. Le nouveau secrétaire à la Santé avait été recommandé à Johnson car il était un défenseur plus énergique de la fin de toutes les restrictions.

À partir du 19 juillet, les masques ne seront plus obligatoires dans les magasins, lieux d’accueil ou transports publics, l’obligation légale de porter le masque étant supprimée. Aucune mesure en fait de contacts sociaux ne sera maintenue, la règle de la distance sociale de plus d’un mètre prenant également fin. Tous les commerces seront autorisés à ouvrir. Toutes les règles COVID à l’intérieur de lieux d’accueil seront supprimées et les limites de capacité abandonnées. Les événements de masse, tels que les festivals de musique, seront autorisés, tout comme les fêtes à domicile. Dans les maisons de soins, où des dizaines de milliers de personnes ont péri à cause de la politique de meurtre social du gouvernement, la limite de cinq visiteurs nommés sera abandonnée.

À partir du 16 août, les adultes doublement vaccinés et tous les moins de 18 ans ne devront plus s’auto-isoler s’ils ont été en contact étroit avec une personne testée positive au COVID-19.

Le mois dernier, Johnson avait retardé une dernière levée des restrictions au 14 juin après une flambée d’infections provoquées par la réouverture d’une grande partie de l’économie le 17 mai. Cela permit aux cas, tombés alors à moins de 2.000 par jour, d’augmenter à vitesse éclair alors que le variant Delta, plus transmissible, devenait dominant.

La situation est aujourd’hui bien pire. En Angleterre, une personne sur 260 est actuellement atteinte du coronavirus, selon l’Office national des statistiques. Plus de 20.000 nouvelles infections sont signalées chaque jour, les cas augmentant de 74 pour cent d’une semaine à l’autre. Hier, 28.773 cas de coronavirus ont été enregistrés, soit le total quotidien le plus élevé depuis la fin du mois de janvier. Cela porte le total des sept derniers jours à 186.422, soit une moyenne quotidienne de 26.631 cas. Bien que près des deux tiers des adultes britanniques aient reçu les deux doses de vaccin requises, 142 décès ont été signalés la semaine dernière et 2.092 patients COVID sont hospitalisés.

Au plus fort de la pandémie, le 8 janvier 2021, la moyenne des cas sur 7 jours au Royaume-Uni avait atteint un pic de plus de 67.000 cas par jour. Javid admet maintenant que des dizaines de milliers d’infections de plus pourraient frapper la population d’ici quelques semaines, des dizaines de millions de personnes, principalement des écoliers et des jeunes, n’étant toujours pas vaccinées.

L’Écosse, le Nord-est et le Nord-ouest de l’Angleterre présentent des taux parmi les plus élevés d’Europe. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé publiés cette semaine, sept des neuf régions les plus touchées d’Europe se trouvent en Grande-Bretagne. Seules deux autres régions au Kazakhstan et en Russie, figurent sur cette liste. L’Écosse, avec une population de 5 millions, a le taux de COVID le plus élevé de Grande-Bretagne ; on estime qu’une personne sur 150 y est infectée. Le taux le plus élevé sur la liste de l’OMS se trouve dans le Tayside, 1.146 cas pour 100.000 personnes.

On impose l’abandon de mesures qui, avec le programme de vaccination, ont sauvé de nombreuses vies, contre l’avis des scientifiques. Avant le discours de Johnson, Mark Woolhouse, professeur d’épidémiologie des maladies infectieuses à l’université d’Édimbourg, a mis en garde: «Le Royaume-Uni est dans une position absolument unique… Nous avons la plus grande épidémie de Delta dans un pays bien vacciné. Nous sommes une boîte de Petri pour le monde entier».

La majorité de la population s’oppose également à la fin de toutes les restrictions. Selon les résultats du sondage YouGov publiés lundi, près des trois quarts des Britanniques (71 pour cent) souhaitent que les masques faciaux restent obligatoires dans les transports publics. Deux tiers (66 pour cent) ont déclaré qu’ils devaient être maintenus dans les magasins et certains espaces publics fermés. Plus des deux tiers (70 pour cent) ont déclaré qu’ils se sentiraient moins en sécurité dans un lieu bondé ou non ventilé si les gens ne portaient pas de masque.

Le droit de travailler dans des conditions sûres est bafoué. Interrogé sur le fait de savoir si les travailleurs auraient le droit légal de ne pas se rendre au travail s’ils sont inquiets pour leur santé, le porte-parole de Johnson a déclaré que le gouvernement n’introduisait aucun nouveau droit du travail avec l’abandon des restrictions.

C’est là la politique collective de la classe capitaliste. Johnson a annoncé la fin des restrictions en compagnie de ses béni-oui-oui, le médecin en chef Chris Whitty et le directeur scientifique Sir Patrick Vallance. Le gouvernement du Parti national écossais s’oriente vers la fin des restrictions obligatoires quelques semaines seulement après Johnson, le 9 août.

Dimanche, Javid a tweeté: «Nous allons devoir apprendre à vivre avec le Covid et trouver des moyens d’y faire face, comme nous le faisons déjà avec la grippe», et a renvoyé à un article qu’il avait rédigé pour le journal anti-confinement Mail on Sunday.

Le Mail de lundi a consacré deux pages intérieures à la défense de Javid contre les «pessimistes» scientifiques qui s’opposaient à sa comparaison du COVID-19 avec la grippe. Parmi les personnes ridiculisées figurait le professeur Stephen Reicher, membre du sous-comité du Scientific Advisory Group for Emergencies (SAGE) du gouvernement. Reicher a déclaré qu’il était « effrayant d’avoir un secrétaire à la Santé qui pense encore que le Covid est la grippe. Qui ne se préoccupe pas des niveaux d’infection. Qui ne réalise pas que ceux qui font le mieux pour la santé, font aussi le mieux pour l’économie. Par-dessus tout, il est effrayant d’avoir un secrétaire à la Santé qui veut faire de toutes les protections une question de choix personnel alors que le message clé de la pandémie est que ce n’est pas une question de “moi”, mais de “nous”».

Les politiques d’immunité collective menées par le gouvernement Johnson ont massivement contribué à la propagation du COVID par la circulation de variants plus mortels, dont le variant Alpha à l’automne dernier. On a laissé le variant Delta se propager, passant de cas isolés en Grande-Bretagne à des dizaines de milliers par jour en quelques mois.

Une autre scientifique attaquée dans les médias de droite est la professeure Susan Michie de l’University College London, elle aussi membre du sous-comité comportemental du SAGE. Elle a tweeté sur la politique du gouvernement : «Permettre la montée en puissance de la transmission communautaire revient à construire de nouvelles “usines à variants” à un rythme très rapide».

Les éditoriaux de lundi n’auraient pu être plus clairs sur le fait que l’élite dirigeante considère les restrictions du COVID comme des obstacles à l’accaparement des richesses et à l’accumulation des profits.

Décrivant Hancock comme un «obsédé du confinement», le Mail commente que depuis l’arrivée de Javid, «le changement de ton des ministres a été étonnant… Javid semble avoir une envie rafraîchissante de remettre la Grande-Bretagne sur les rails». Javid avait raison, car «… santé et richesse du pays sont inextricablement liées, l’une ne pouvant exister sans l’autre. Nous saluons donc le feu de joie du premier ministre concernant le contrôle des coronavirus.» Il conclut en dénonçant les «scientifiques et les médecins qui jouent à nous faire peur» comme des «prophètes de malheur» qu’il « fallait affronter».

Le Daily Telegraph a exigé de Johnson qu’il ne recoure plus à aucune mesure de confinement, déclarant: «Les écoles doivent reprendre leurs activités à l’automne, sans qu’elles se trouvent gênées par l’obligation pour les élèves de s’isoler lorsqu’un enfant contracte le Covid… Comme nous l’affirmons depuis des mois, ce virus est endémique et on doit vivre avec, tout comme nous vivons avec d’autres maladies telles que la grippe».

La population «ne doit pas se faire d’illusions: à l’approche de l’hiver, les maladies respiratoires comme le Covid et la grippe vont augmenter, des gens vont tomber malades et des milliers vont mourir, comme cela arrive chaque année. Lorsque ce sera le cas, le gouvernement devra résister aux inévitables appels à de nouvelles mesures de confinement si le 19 juillet doit vraiment être un moment irréversible».

Le secrétaire d’État travailliste fantôme à la Santé, Jonathan Ashworth, réagissant à l’appel de Javid à mettre fin aux restrictions, s’est plaint que son annonce de lundi «ne garantissait pas la fin des restrictions – seulement ce à quoi cela ressemblera». Il a demandé à Javid de permettre aux gens de continuer à porter le masque, car «nous ne sommes pas sortis de l’auberge…»

De même, les syndicats, qui travaillent avec les travaillistes en tant que partenaires de fait des Tories (conservateurs), ne feront rien pour empêcher le démantèlement des restrictions.

La principale leçon de l’année et demie écoulée est que la classe ouvrière mondiale fait face non seulement à une catastrophe de santé publique mais aussi à une crise politique. Les travailleurs sont traités avec mépris par une élite dirigeante qui ne cherche qu’à s’enrichir, quel qu’en soit le coût en vies humaines et en santé ; et qui gouverne par le biais de partis qui, quelle que soit leur couleur officielle, servent servilement les intérêts de la grande entreprise. L’agenda meurtrier de la classe dirigeante ne peut être stoppé que par une lutte unifiée des travailleurs, basée sur le combat pour un programme socialiste qui met la vie avant les profits capitalistes.

(Article paru d’abord en anglais le 7 juillet 2021)

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