«Ce que j’ai compris, c’est que les responsables syndicaux sont payés pour nous mettre au pas.»

À la veille du vote sur la convention, un vétéran de Volvo Trucks met en garde contre le bourrage des urnes de l’’UAW et appelle à une lutte unifiée contre la capitulation.

L’opposition des travailleurs en grève de Volvo Trucks en Virginie continue de croître contre l’accord de principe que le syndicat United Auto Workers cherche à faire passer lors d’un vote de ratification précipité vendredi. Près de 3.000 travailleurs sont en grève depuis un mois pour réclamer des améliorations substantielles des salaires et des avantages sociaux et pour annuler plus d’une décennie de concessions accordées à la multinationale par l’UAW.

L’UAW a rejeté les demandes des travailleurs qui souhaitaient obtenir la publication de l’intégralité du contrat et de toutes les lettres d’accord parallèles signées par l’UAW et Volvo, qui dicteront leurs salaires et leurs conditions de travail au cours des six prochaines années. Ils ont également ignoré les demandes des travailleurs pour le report du vote jusqu’à ce que les travailleurs aient suffisamment de temps pour étudier l’accord. Les responsables locaux, régionaux et internationaux de l’UAW sont effrayés par l’hostilité des travailleurs, qui ont déjà rejeté deux accords soutenus par l’UAW, au point qu’ils n’ont même pas convoqué de réunions de masse des membres pour discuter du contrat avant le vote.

L’opposition à l’usine de New River Valley est menée par le Comité de base des travailleurs de Volvo (VWRFC), qui a publié cette semaine une série de déclarations qui appellent les travailleurs à rejeter le dernier accord et exigent que l’UAW publie le contrat complet, organise des réunions de masse pour répondre aux questions des travailleurs et donne aux travailleurs 10 jours pour étudier et discuter de l’accord avant tout vote. Le VWRFC appelle également à «la supervision par la base du comptage des bulletins de vote, afin de garantir que tous les votes soient comptés équitablement».

Le «World Socialist Web Site» s’est entretenu avec un vétéran de Volvo Trucks, qui travaille depuis près de trois décennies dans l’usine, au sujet du vote à venir sur le contrat, du rôle de l’UAW et de la nécessité de construire et d’étendre le réseau de comités de la base afin de donner une voix et une direction véritables à la lutte des travailleurs. Pour protéger le travailleur des représailles de l’entreprise et du syndicat, on l’appellera «Jimmy».

«Je suis convaincu que nous rejetterons à nouveau ce contrat, mais l’avance pourrait être plus étroite cette fois-ci», a déclaré Jimmy, citant la pression économique exercée sur les travailleurs en raison des indemnités de grève médiocres versées par l’UAW. «Certains gars veulent retourner au travail, mais la majorité votera contre», a-t-il dit.

«Plus le résultat est serré, a-t-il averti, plus l’UAW sera effrontée pour faire passer quelques votes négatifs dans la colonne des votes positifs. Ils ne commencent à compter les votes que lorsque le parking est vide et qu’il n’y a plus personne dans le bâtiment à part les représentants locaux et internationaux de l’UAW. De nombreux travailleurs prennent des photos de leur vote négatif, mais les bulletins de vote sont des feuilles de papier génériques sur lesquelles ne figurent pas nos noms. Je ne fais pas confiance au syndicat et je ne connais personne qui lui fait confiance. Il n’y a aucune raison pour que les bulletins de vote ne soient pas comptés publiquement, par souci d’intégrité.»

Les informations révélées sur le contrat montrent qu’il ne s’agit guère plus que d’un remaniement des deux contrats précédents rejetés par les travailleurs. Malgré les affirmations selon lesquelles le système de salaires et d’avantages à deux niveaux a été supprimé, les nouveaux employés devront travailler six ans avant d’atteindre le salaire le plus élevé. Dans un secteur où les ralentissements et les licenciements sont chroniques, un travailleur coincé sur ce tapis roulant de six ans de «progression» pourrait, en fait, être obligé de travailler une décennie ou plus avant d’atteindre le salaire maximum, si jamais il l’atteint.

Les augmentations de 2 pour cent par an en moyenne pour les travailleurs les mieux rémunérés seront plus qu’absorbées par l’augmentation du coût de la vie et les fortes hausses des contributions aux soins de santé. Ces augmentations comprennent une prime d’assurance pour la première fois pour les travailleurs du «core group» qui ont une plus grande ancienneté.

«Je travaille ici depuis près de 30 ans et je n’ai jamais payé d’assurance maladie. Maintenant, cela va coûter 100 dollars par mois, plus les 70 dollars que nous payons en cotisations à l’UAW. Les nouvelles recrues paient des primes depuis des années, alors certaines d’entre elles disent: “Pourquoi ne pouvez-vous pas payer? Je paie déjà. C’est une tactique pour diviser les jeunes et les anciens. Aucun d’entre nous ne devrait payer la prime”, a déclaré Jimmy, “C’est la compagnie qui devrait le faire”.

Jimmy a dénoncé le caractère unilatéral des précédents contrats soutenus par l’UAW, qui semblaient n’être contraignants que pour eux, mais pas pour l’entreprise. D’autres travailleurs de NRV ont signalé au WSWS que les responsables de l’UAW laissent volontiers Volvo modifier les termes du contrat quand cela leur convient. Cela inclut le fait de laisser Volvo embaucher des travailleurs temporaires non syndiqués et de lui permettre de voler le paiement des heures supplémentaires, les allocations de chômage supplémentaires et les congés annuels».

«Au cours du dernier contrat, Volvo a supprimé 30 emplois de nettoyeurs de cabines de peinture à NRV et les a remplacés par des sous-traitants extérieurs qui touchent des salaires de misère. C’était une rupture de contrat. Certains d’entre nous étaient prêts à se mettre en grève pour défendre ces 30 travailleurs. Ils avaient besoin de nous pour les défendre, et Volvo ne pouvait en aucun cas licencier les 3.000 d’entre nous. Mais tout ce que l’UAW a dit, c’est de “déposer un grief”».

«Un grief ne veut rien dire. C’est humiliant. On se bat et on pense qu’on va avoir quelque chose et puis, rien. Au milieu du contrat de 2015, ils ont arraché l’assurance maladie des retraités à qui on avait promis des prestations médicales. Ils ont dit que la VEBA (Voluntary Employees Beneficiary Association, un fonds géré par l’UAW pour les prestations médicales des retraités) était à court d’argent».

«Si tu prends ta retraite après 30 ans, tu touches environ 1.500 dollars par mois de pension. On peut s’en sortir avec cette somme si la maison et la voiture sont payées. Mais si on doit payer 800 dollars pour maintenir son assurance, c’est impossible qu’un homme puisse vivre avec 700 dollars par mois. Tous ceux qui ont pris leur retraite dans le cadre du dernier contrat ont perdu leur assurance. Le syndicat a déclaré que ce point avait été “négligé” lors des dernières négociations contractuelles».

«Voilà ce que Volvo et l’UAW pensent d’un contrat. Ils le modifient bon gré mal gré. Si j’avais un dollar pour chaque “lettre d’entente” secrète qu’ils ont signée, je pourrais déjà prendre ma retraite. Pourquoi devrions-nous respecter le contrat si quelque chose ne nous plaît pas? Mais si nous ne le faisions pas, Volvo ne déposerait pas de grief: ils nous licencieraient.»

En ce qui concerne l’UAW, Jimmy a déclaré: «Je me suis rendu compte que les responsables syndicaux sont payés pour nous mettre au pas. La section locale n’est pas du tout un syndicat. Nos cotisations vont toutes à l’international. Volvo paie les membres de nos comités et leur dit essentiellement: “Voici votre caravane [sur le terrain du NRV] pour jouer aux jeux vidéo”. La section locale cherche n’importe quelle raison pour ne pas se battre pour nous sur n’importe quelle question».

«J’ai connu quelques contrats à la NRV. J’ai entendu l’UAW dire à chaque fois, “nous les aurons la prochaine fois” et cette “prochaine fois” n’est pas encore arrivée. C’est vraiment une guerre sur deux fronts, comme vous le dites, contre l’entreprise et le syndicat».

Contrairement aux innombrables grèves que l’UAW et d’autres syndicats ont isolées et trahies, la formation du comité de base de Volvo a donné aux travailleurs une voix et une direction pour s’opposer au sabotage de leur lutte. Avec l’aide du WSWS, les travailleurs de Volvo ont établi des lignes de communication avec les travailleurs de Mack-Volvo en Pennsylvanie et dans le Maryland, avec les travailleurs de l’automobile à Detroit, à Chicago et dans d’autres villes, et avec les travailleurs de Volvo en Australie, au Canada et en Belgique.

“Sans le WSWS, il n’y aurait aucune autre information sur notre grève”, a déclaré Jimmy. L’UAW “passe plus de temps à se battre contre vous (le WSWS) qu’à se battre contre Volvo”. Ils disent que le comité de base des travailleurs de Volvo veut nous diviser. De toute évidence, le comité est pour les travailleurs et contre l’entreprise. Pour moi, c’est idiot qu’ils s’opposent à la base. C’est-à-dire nous! En dehors du VWRFC et du “World Socialist Web Site”, il n’y a eu aucun effort pour informer les travailleurs et nous unifier, pour faire connaître aux autres notre lutte. Pendant ce temps, la page Facebook de la section 2069 est fortement censurée. Ils ont tendance à supprimer les commentaires critiques et à renforcer les messages de leurs béni-oui-oui».

«Je n’ai jamais participé à une grève où l’on ne peut même pas se tourner vers le syndicat pour obtenir des informations. Si nous sommes arrivés jusqu’ici, c’est principalement grâce au comité de la base et aux articles du WSWS. Nous nous sommes réunis avec les travailleurs de Mack et de Volvo dans le monde entier. Tout ce que nous gagnons, c’est grâce à cela. Quoi qu’il arrive vendredi, nous ne faisons que commencer ce combat».

(Article paru en anglais le 8 juillet 2021)

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