Le «gouvernement du changement» d’Israël montre combien il est de droite

Le Parlement israélien a rejeté la proposition du nouveau «gouvernement du changement» du premier ministre Naftali Bennett d’étendre une loi manifestement raciste, semblable aux lois d’apartheid de l’Afrique du Sud, qui interdit les droits de résidence ou de citoyenneté aux Palestiniens des territoires occupés mariés à des Israéliens.

Le premier ministre israélien Naftali Bennett, assis, sourit en attendant de poser pour une photo de groupe avec les ministres du nouveau gouvernement à la résidence du Président à Jérusalem, lundi 14 juin 2021. (AP Photo/Maya Alleruzzo)

Le vote à égalité de 59 contre 59, trois semaines après que le nouveau gouvernement ait renversé le premier ministre Benjamin Netanyahou et prêté serment, est largement considéré comme une défaite pour Bennett, qui n’a pas été en mesure d’unir ses partenaires de coalition dans ce qu’il a appelé un «référendum» sur son nouveau gouvernement.

Bennett, qui est encore plus à droite que Netanyahou, a une emprise ténue sur le pouvoir. Loin d'être résolue, la crise politique israélienne va s'aggraver.

Si le vote signifie que des dizaines de milliers de Palestiniens peuvent désormais demander la résidence et la citoyenneté israéliennes, il n’aura aucun effet en pratique. Leurs demandes seront rejetées par la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked, notoirement connue pour sa haine des Palestiniens, en attendant une nouvelle législation pour renouveler la loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël.

Adalah, un groupe de défense juridique des citoyens palestiniens d’Israël, a déclaré: «Cette loi est l’une des plus discriminatoires et racistes promulguées par Israël, et elle doit donc être condamnée et abrogée». Il a ajouté: «Aucun pays démocratique au monde ne refuse la résidence ou la citoyenneté aux conjoints de ses propres citoyens sur la base de l’affiliation nationale, raciale ou ethnique de leurs conjoints, tout en les qualifiant simultanément d’ennemis».

Selon les groupes de défense des droits de l’homme, la loi sur la citoyenneté et l’entrée empêche près de 45.000 familles palestiniennes qui vivent en Israël et à Jérusalem-Est de retrouver leurs conjoints et leurs enfants. Cette loi a été conçue comme un moyen de limiter le nombre de Palestiniens qui possède la citoyenneté israélienne, ou la résidence dans le cas de Jérusalem-Est.

La loi, introduite en 2003 durant la deuxième intifada palestinienne, doit être renouvelée chaque année, comme c’est le cas depuis 17 ans. Cette année, elle a été torpillée par les partis d’opposition, menés par Netanyahou, non pas parce qu’ils s’opposent au renouvellement, loin de là, mais parce qu’ils y ont vu l’occasion de déstabiliser le nouveau gouvernement, une coalition hargneuse de huit partis qui couvrent presque tout le spectre de la politique israélienne officielle.

S’exprimant lundi avant le vote, Netanyahou a déclaré: «Avec tout le respect dû à cette loi, c’est plus important de renverser le gouvernement.» Il a ajouté: «Ce n’est pas seulement une loi. C’est une loi qui montre la ligne de faille de ce gouvernement, dont le but est de faire avancer un programme antisioniste.»

Cette tentative de marquer la coalition comme antisioniste se concentre sur l’inclusion du parti islamiste Ra'am dirigé par Mansour Abbas. Netanyahou faisait référence au «compromis» sur la loi sur la citoyenneté que Bennett avait proposé à ses partenaires «libéraux» de la coalition, le Meretz, qui soutient la «solution à deux États», et le Ra'am, selon lequel la législation serait renouvelée pour six mois, tout en offrant des droits de résidence à 1.600 familles palestiniennes: une infime partie des personnes concernées. Cette décision a été prise après deux tentatives infructueuses pour obtenir un accord de ses partenaires, ce qui l’a contraint à reporter le vote à deux reprises. Mais son compromis a été rejeté par deux législateurs de Ra'am, qui se sont abstenus, ainsi que par un membre du parti de droite Yamina de Bennett, qui a voté contre la prolongation.

Netanyahou avait cherché à transformer le vote en une motion de défiance, mais cela aurait nécessité une majorité absolue de 61 députés sur les 120 que compte le Parlement, et le gouvernement a donc survécu.

Lundi, le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, qui, en tant que chef du deuxième plus grand parti de la Knesset, a bricolé la difficile coalition de huit partis et deviendra premier ministre dans deux ans si la coalition survit aussi longtemps, a clairement indiqué que le compromis n’était pas motivé par un quelconque sentiment démocratique. Il a déclaré sans ambages que la loi relevait davantage de l’ingénierie démographique et «revêt une importance de sécurité». Il a tweeté: «[Il n’y a] pas besoin de cacher l’objectif de la loi [sur la citoyenneté]. C’est l’un des outils destinés à garantir une majorité juive en Israël. Israël est l’État-nation du peuple juif, et notre objectif est qu’il ait une majorité juive».

Le bloc Bennett-Lapid n’est guère uni que sur la nécessité d’écarter Netanyahou, qui est impopulaire auprès du nouveau gouvernement démocrate du président Joe Biden et qui risque un procès pénal pour corruption. Tous les dirigeants du bloc ont été des collaborateurs de Netanyahou, ont occupé des postes importants au sein du gouvernement sous sa direction et n’ont pas de divergences politiques notables avec lui. Leur mission est de sauver l’élite financière et patronale de la tempête économique, sociale et politique imminente. Mais cela va se faire aux dépens des travailleurs juifs et palestiniens en Israël/Palestine et de la classe ouvrière dans tout le Moyen-Orient riche en ressources.

Promettant de se concentrer sur les politiques qui les unissent, les infrastructures et l’économie, et qui évitent le conflit israélo-palestinien, ils se sont empressés de renforcer les liens avec l’administration Biden et de lancer une enquête sur le pèlerinage religieux au mont Meron en avril dernier qui a fait 45 morts. Mais en dépit de leurs déclarations futiles, ils ne peuvent éviter le conflit israélo-palestinien qui est lié à l’établissement de l’État d’Israël en tant que patrie juive sous la forme d’un État capitaliste créé par la dépossession du peuple palestinien et maintenu par la guerre et la répression, ainsi que par l’inégalité sociale au pays.

Le premier acte de Bennett en tant que premier ministre a été d’approuver la décision de Netanyahou d’autoriser une marche provocatrice de milliers d’extrémistes juifs dans les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est pour marquer l’anniversaire de la prise de Jérusalem-Est par Israël lors de la guerre de 1967 entre Israël et ses voisins arabes, et de son annexion illégale. Conçue à l’origine comme un moyen de faire échouer les efforts de Lapid pour former une coalition anti-Netanyahou, la marche a reçu le feu vert de Netanyahou dans les derniers jours de son mandat pour apaiser ses partisans d’extrême droite et déstabiliser le nouveau gouvernement. La marche a bénéficié d’une protection policière complète, tandis que des forces policières et militaires supplémentaires avaient été déployées près de la bande de Gaza et dans les villes à population juive et palestinienne mixte.

Deux jours plus tard, Bennett a autorisé des frappes aériennes sur Gaza, suite au lancement de ballons incendiaires depuis Gaza qui ont provoqué quelques incendies dans des champs ouverts dans le sud d’Israël. Cette décision est intervenue juste après l’assaut criminel de 11 jours mené par Israël, sous la présidence de Netanyahou et du ministre de la Défense de Bennett, Benny Gantz, contre l’enclave assiégée, qui a tué plus de 250 Palestiniens, dont 66 enfants et 39 femmes, et blessé 1.900 autres, détruit de nombreux bâtiments et déplacé au moins 60.000 personnes. Depuis lors, Bennett a empêché toute aide financière et matérielle pour la reconstruction d’entrer à Gaza, dont la Banque mondiale estime le coût à 485 millions de dollars. Dans Gaza, 62 pour cent de la population fait face à l’insécurité alimentaire. Bennett a refusé d’alléger le blocus israélien jusqu’à ce que le Hamas, le groupe affilié aux Frères musulmans qui dirige l’enclave, accepte de rendre les corps de quatre Israéliens disparus au combat à Gaza.

Bennett, un ancien chef de conseil de colonie qui, en 2012, a déclaré qu’il refuserait un ordre militaire d’expulsion des colons de Cisjordanie, a signalé que l’avant-poste de colonie Evyatar en Cisjordanie occupée, illégal même en vertu du droit israélien, sera autorisé à aller de l’avant. L’avant-poste, mis en place rapidement au cours des derniers mois, a suscité des manifestations quotidiennes de la part des Palestiniens de la région, au cours desquelles au moins quatre personnes ont été tuées et des centaines blessées par des soldats israéliens tirant à balles réelles.

Les 50 familles de colons doivent quitter le site, mais leurs habitations de fortune resteront sous la protection d’une nouvelle base militaire qui doit y être établie. Si, après avoir examiné la propriété du terrain, le gouvernement décide que tout ou partie du terrain appartient à l’État israélien et non aux agriculteurs palestiniens locaux qui en sont propriétaires depuis des décennies, comme l’attestent des déclarations de revenus remontant aux années 1930, les colons seront autorisés à construire une école religieuse sur le site, ce qui aura pour effet de légaliser l’avant-poste.

(Article paru en anglais le 9 juillet 2021)

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