Une réponse à un gréviste de Vale à Sudbury: les Métallos persistent dans leur recommandation d’appui mensongère de l’entente de principe

La grève des 2450 mineurs de Vale à Sudbury, en Ontario, est entrée mardi dernier dans sa sixième semaine. Les grévistes résistent aux demandes du conglomérat multimilliardaire pour des réductions salariales réelles, la réduction des soins de santé et des prestations de retraite, et la poursuite de la mise en place d’une grille détestée de salaires et d’avantages sociaux à plusieurs échelons.

Ligne de piquetage des mineurs de Vale à Sudbury (Photo: USW Local 6500)

Dans un commentaire sur un récent article du World Socialist Web Site (Un haut dirigeant de Vale menace 2450 mineurs en grève dans le nord de l’Ontario) qui décrivait la tentative de la compagnie d’extorquer des concessions contractuelles considérables au complexe géant de mine, usine et fonderie de métaux de base de Vale à Sudbury, un mineur en grève, Bruce, a écrit ce qui suit:

«Cet article est très bien écrit, mais l’auteur a tort sur un point. Je suis un membre de la section locale 6500 en grève pour nos droits.... Le syndicat n’a approuvé le premier contrat que parce que les négociateurs de Vale les ont forcés à nous le présenter. S’ils ne l’avaient pas fait, ils ne nous auraient fait aucune offre de contrat et auraient quitté les négos... Ils ont donc fait ce que Vale voulait et nous avons refusé l’offre. Il n’y a aucune raison d’avoir un contrat avec des concessions à une époque où ils gagnent des milliards – sans compter que Vale a pris 67 millions du gouvernement du Canada en aide pour la COVID!!!! Il est temps de partager la richesse!»

Lors de discussions avec d’autres mineurs en grève, les reporters du WSWS ont été informés à plusieurs reprises que les représentants de la section 6500 des Métallos leur avaient présenté des arguments similaires, à eux et à leurs collègues, pour tenter d’expliquer l’approbation unanime par le comité de négociation de la misérable entente de principe au rabais qu’ils ont conclue avec Vale. En fait, les travailleurs ont montré qu’ils savaient reconnaître une entente pourrie quand ils en voyaient une, et ont rejeté massivement le contrat proposé.

Abasourdis par le rejet de l’accord de principe et craignant que leur approbation ouverte des demandes de concessions de la direction de Vale ne compromette leur position auprès de la base au tout début d’un conflit amer, les représentants des Métallos ont entamé la grève en recourant à diverses versions d’un mensonge éhonté. Le comité de négociation n’avait pas le choix, ont-ils plaidé. Nous devions le faire, sinon Vale aurait ordonné un lock-out, se sont-ils plaints. Nous étions légalement tenus de recommander le contrat ou, comme notre lecteur Bruce s’est fait dire, «Le syndicat n’a approuvé le premier contrat que parce que les négociateurs de Vale les ont forcés à nous le présenter. S’ils ne l’avaient pas fait, ils ne nous auraient fait aucune offre de contrat et auraient quitté les négos.»

Le fait est que, même dans le cadre du système de négociation collective anti-ouvrier auquel les syndicats subordonnent toute lutte ouvrière, absolument rien n’empêchait le comité de négociation de présenter l’entente de principe au rabais de la société aux membres, de démasquer ses menaces de chantage et de recommander un vote massif en faveur du «non». C’était même son devoir élémentaire.

Ces dernières années, les responsables syndicaux ont souvent soumis les offres concessionnaires de la direction à des votes «sans recommandation», espérant ainsi échapper à la responsabilité de leur acquiescement aux patrons et de leur refus catégorique d’organiser une contre-offensive de la classe ouvrière. Cependant, les bureaucrates des Métallos n’ont pas eu recours à une telle manœuvre. Ils étaient si déterminés à faire passer les demandes de reculs de la direction qu’ils ont mis tout le poids du syndicat pour intimider les travailleurs et les amener à les accepter. Une conséquence de cela est qu’ils ont réussi à convaincre les travailleurs de Port Colborne d’accepter le contrat rempli de concessions, sapant et isolant ainsi la lutte des mineurs de Sudbury dès le début.

Ce qu’il faut retenir de tout cet épisode sordide, c’est que les dirigeants syndicaux ont pensé que si l’accord était si bon pour la direction – et il l’était certainement –, il devait sûrement être bon pour les travailleurs. Ce point de vue propatronal pathétique découle de la loyauté des Métallos envers le système capitaliste: son insistance sur le fait que les moyens de subsistance et la vie des travailleurs doivent être subordonnés au profit des investisseurs.

La direction de Vale a donc eu le champ libre pour continuer à essayer d’intimider les grévistes, les menaçant, ainsi que toute la communauté, de priver ses opérations à Sudbury d’investissements futurs et de délocaliser la production de nickel ailleurs dans son vaste empire mondial, si les travailleurs ne se rendent pas.

Il n’est pas nouveau que les dirigeants d’entreprise, que ce soit chez Vale ou dans toute autre société, utilisent de telles tactiques pour extorquer des concessions. Les menaces de fermeture d’usines et de mines, de réduction des investissements et d’externalisation de la production vers d’autres pays ont fait partie de presque toutes les négociations dans les secteurs de l’automobile, de l’acier et d’autres industries de base au cours des 40 dernières années. Les syndicats, depuis les Travailleurs unis de l’automobile (UAW) et Unifor dans l’industrie automobile jusqu’aux Métallos dans l’acier, les mines et d’autres industries, se sont révélés totalement incapables de résister à ces attaques. Cela est dû à leur orientation procapitaliste et nationaliste, qui les a rendus impuissants face à des sociétés mobiles à l’échelle mondiale.

Tandis que les travailleurs subissaient des attaques incessantes, les bureaucrates qui dirigent les syndicats ont cherché à protéger leur position privilégiée en renonçant à toute association avec les traditions de lutte militante de la classe ouvrière et en agissant de plus en plus ouvertement comme des partenaires juniors du patronat et de l’État.

Les travailleurs constituent un immense pouvoir social puisque leur travail crée toute la richesse de la société, et ils peuvent exercer ce pouvoir dans la mesure où ils refusent d’accepter que leurs besoins fondamentaux soient subordonnés au profit des investisseurs et adoptent une stratégie mondiale, basée sur l’unification de leurs luttes au-delà des frontières nationales et des continents.

Lorsqu’elle a reçu l’offre misérable de la direction de Vale prévoyant de nouvelles réductions massives d’effectifs alors que la société réalise des milliards en bénéfices, une véritable organisation ouvrière aurait rendu public et dénoncé son contenu dans des déclarations et lors de réunions, et fait campagne pour un vote «non». Pour vaincre la campagne d’intimidation de Vale, elle aurait immédiatement lancé un appel aux autres travailleurs de la communauté locale, du Canada et du monde entier pour une lutte unifiée contre toute accélération de la cadence, toute suppression d’emplois, toute échelle salariale à plusieurs niveaux, toute réduction des pensions et toute autre concession. Il aurait contré l’utilisation par Vale de ses vastes ressources financières et de ses opérations dans plus d’une douzaine de pays pour intimider les travailleurs avec la menace de la destruction de leurs moyens de subsistance, en appelant tous les travailleurs de Vale à mettre un terme aux opérations mondiales de la multinationale. C’est la seule façon de faire plier la société et de sécuriser les demandes légitimes des grévistes pour de meilleurs salaires, avantages sociaux et sécurité d’emploi.

Les mineurs de Sudbury sont en position de force pour être le fer de lance d’une telle lutte internationale. Le nickel est une matière première essentielle pour les activités de Vale en raison de l’expansion rapide du marché des batteries et des véhicules électriques. Cette situation a été soulignée par une hausse substantielle du prix du nickel sur le marché mondial, due en partie à l’arrêt de travail à Sudbury.

De plus, les grévistes de Vale mènent leur lutte au milieu d’une rébellion de larges sections de travailleurs contre le gangstérisme des directions patronales et de leurs partenaires juniors syndicaux. Au moment où les travailleurs de Vale établissaient une ligne de piquetage le 1er juin, les membres du Syndicat des Métallos étaient en grève dans le nord-est du Québec chez ArcelorMittal, et dans les aciéries d’Allegheny Technologies dans six États américains contre des demandes de reculs similaires. À l’usine d’assemblage New River Valley de Dublin, en Virginie, 3000 travailleurs de Volvo Trucks ont débrayé la même semaine que le début de la grève chez Vale. Ils avaient auparavant formé le Comité des travailleurs de base de Volvo (VWRFC) pour lutter contre les efforts déployés par les Travailleurs unis de l’automobile (UAW), dans une stratégie similaire à celle des Métallos à Vale, pour imposer deux contrats assortis de reculs. Au cours du mois qui s’est écoulé, le VWRFC a, avec l’aide du World Socialist Web Site, brisé l’isolement délibéré de la grève des travailleurs de Volvo par l’UAW en menant une campagne auprès des travailleurs de l’automobile et d’autres travailleurs industriels aux États-Unis, au Canada et dans le monde.

Dans ces conditions, il n’y a absolument aucune raison pour que la grève de Vale soit isolée et se limite à ce que les Métallos lancent des appels serviles aux dirigeants impitoyables de Vale pour qu’ils «reviennent à la table des négociations». C’est le produit direct des efforts déterminés du syndicat depuis le début pour saboter la grève des mineurs. Bien que le syndicat possède des centaines de millions de dollars d’actifs, il affame les grévistes avec une maigre indemnité de grève de 370 dollars par semaine. Soyons clairs: si on laisse les Métallos poursuivre cette stratégie, la position courageuse et militante adoptée par les grévistes de Vale sera vouée à la défaite.

La première étape pour empêcher cette issue est que les travailleurs de Vale élisent immédiatement un comité de grève de la base capable d’agir indépendamment des Métallos et en opposition à leur programme propatronal. Le comité de grève devrait partir de ce dont les travailleurs ont réellement besoin, et non de ce que Vale et les Métallos prétendent que la société peut se permettre. Les travailleurs devraient avancer une série de revendications non négociables, telles qu’une augmentation de salaire de 25 % pour compenser les années de reculs, une assurance médicale complète pour tous les travailleurs, l’abolition des salaires et des avantages sociaux à plusieurs niveaux, et le rétablissement du programme de retraite à prestations définies pour tous les travailleurs et les retraités.

Les indemnités de grève doivent être augmentées de manière significative par rapport à la somme dérisoire qui est actuellement distribuée.

Par-dessus tout, le comité devrait tisser des liens avec les mineurs en grève, les travailleurs industriels et les employés de Vale sur d’autres sites sur la base des intérêts de classe des travailleurs, qui sont opposés à la volonté impitoyable de Vale d’augmenter les profits de l’entreprise. Si Vale met en place une opération de briseurs de grève, les appels à l’intensification des moyens de pression dans l’ensemble de la compagnie transnationale doivent être intensifiés, y compris dans ses opérations canadiennes à Voisey’s Bay, Terre-Neuve, Thompson, Manitoba et Port Colborne.

Nous sommes tout à fait d’accord avec le commentaire du gréviste Bruce selon lequel la richesse doit être partagée – en fait, elle devrait être possédée par ceux qui la produisent, c’est-à-dire les travailleurs eux-mêmes. Mais il s’agit d’une question révolutionnaire. Les travailleurs ne partageront pas la richesse en mendiant auprès des patrons ou en comptant sur les laquais propatronaux de la bureaucratie des Métallos, mais seulement en mobilisant toute la puissance sociale de la classe ouvrière internationale en opposition à la campagne mondiale de Vale pour les profits de leurs dirigeants.

(Article paru en anglais le 8 juillet 2021)

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