Le premier ministre britannique autorise la levée de toutes les restrictions COVID-19 le 19 juillet alors qu’on avertit de 4.800 hospitalisations par jour

Le premier ministre Boris Johnson a confirmé que toutes les restrictions liées au coronavirus en Angleterre seraient levées le 19 juillet.

La distance sociale, déjà réduite à un mètre ou plus, sera supprimée et le port du masque sera volontaire.

Cette mesure intervient alors qu’on a enregistré 218.503 nouveaux cas de COVID-19 au cours des sept derniers jours, contre 170.856 la semaine précédente. Au cours de la semaine dernière, 203 vies ont été perdues dû au COVID-19 soit une augmentation de 66 pour cent par rapport aux 122 de la semaine précédente.

Le premier ministre britannique Boris Johnson lors de sa conférence de presse sur le Covid-19 à Downing Street, le 12 juillet. (Crédit: Photo par Andrew Parsons/No 10 Downing Street/Flickr)

Ce qui est en train d’être mis en œuvre est une intensification du meurtre social perpétré par le gouvernement conservateur et qui a déjà coûté la vie à plus de 152.000 personnes. Une nouvelle modélisation publiée hier par l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres estime qu’une réduction de 80 pour cent de toutes les mesures de protection, y compris le port de masques et la distanciation sociale, pourrait entraîner 46.000 décès d’ici la fin de l’année.

Autorisant la fin des contrôles de sécurité dans un contexte de recrudescence du virus en Grande-Bretagne, Johnson a déclaré lors d’une conférence de presse à Downing Street qu’il était « absolument vital que nous procédions maintenant avec prudence, et je ne saurais le dire avec assez de force ou d’insistance – cette pandémie n’est pas terminée».

Les gens devaient être prudents et ne pas «aller trop loin» le 19 juillet, et il « escomptait et recommandait» que les gens continuent à porter des masques dans les espaces intérieurs bondés. La levée des restrictions légales liées au coronavirus ne devait «pas être considérée comme une invitation pour tout le monde à faire un grand jubilé et à se libérer de toute forme de prudence ou de retenue».

Rien de plus grotesque que la pose de la retenue prise par Johnson. Il s’exprimait le lendemain du jour où son gouvernement avait autorisé le plus grand événement super-propagateur dans le monde depuis le début de la pandémie. Des dizaines de millions de gens ont été encouragés à aller dans des foules pour regarder la finale de la coupe d’Europe. Plus de 60.000 personnes, la plupart sans masques, étaient au stade de Wembley à Londres, des milliers étaient massées autour du stade et des des centaines ont brisé les barrières de sécurité et forcé l’entrée du stade. Plusieurs milliers d’autres ont rempli les principales places de la capitale et autres «zones pour fans» du centre-ville, et les pubs, tandis que des millions de gens s’étaient réunis chez eux.

Des supporters anglais applaudissent pendant la finale de l’Euro 2020 entre l’Italie et l’Angleterre au stade de Wembley à Londres, dimanche 11 juillet 2021. (Facundo Arrizabalaga/Pool via AP)

L’annonce de la réouverture par Johnson était prévue pour coïncider avec la coupe d’Europe. Il avait assisté au match de demi-finale Angleterre-Danemark à Wembley la semaine dernière, célébrant sans porter de masque. L’Angleterre s’étant qualifiée pour sa première grande finale depuis 55 ans, Johnson avait l’intention d’utiliser l’événement comme célébration de «l’unité nationale» et une démonstration de la joie que susciterait la fin des restrictions. Il était même question qu’il annonce un jour férié si l’Angleterre gagnait.

Le match ayant été une débâcle pour l’Angleterre, avec notamment des attaques racistes sur les médias sociaux à l’encontre de trois joueurs anglais noirs ayant manqué des penaltys – et l’inévitable autopsie de pourquoi l’Angleterre est incapable de remporter des tournois de football – l’argument commercial de Johnson était détruit. Mais le résultat ne saurait le détourner de sa mission de terminer toutes les mesures anti-coronavirus restantes en plein essor des infections, propulsé par la réouverture de la majeure partie de l’économie il y a près de deux mois, le 17 mai.

À la fin de la finale, la responsable technique du programme Covid-19 de l’Organisation mondiale de la santé, Maria Van Kerkhove, a fait un résumé brutal des événements choquants dont elle avait été témoin: «Suis-je censée prendre plaisir à regarder la transmission du virus se dérouler sous mes yeux?. La pandémie #COVID19 ne fait pas de pause ce soir… Le #SARSCoV2 #DeltaVariant va profiter de gens non vaccinés, dans des endroits bondés, non masqués, hurlant/criant/chantant. Dévastateur».

Johnson s’exprimait alors que les cas quotidiens dépassaient 30.000 dans le pays pour le 6e jour consécutif. Des documents récents du SAGE (Groupe consultatif scientifique du gouvernement pour les urgences) estiment qu’entre 1.000 et 2.000 malades du COVID-19 pourraient être  hospitalisés en Angleterre au plus fort de la présente vague, et entre 100 et 200 personnes mourir, chaque jour. Dans le pire des cas, le nombre d’hospitalisations quotidiennes atteindrait 4.800, dépassant le pic pandémique de 4.000 de janvier 2021 ; cela démentirait l’affirmation sans cesse répétée que la vaccination avait brisé le lien entre infection, hospitalisation et décès.

Le premier ministre s’est exprimé après que le secrétaire à la santé Sajid Javid eut déclaré au Parlement que le 19 juillet « nous rapprocherait encore un peu plus de la vie que nous menions auparavant ».

«C’est le bon moment pour rapprocher notre nation d’une vie normale», s’était-il vanté. «À ceux qui disent “pourquoi prendre cette mesure maintenant”, je réponds “si ce n’est pas maintenant, quand?”. Il n’y aura jamais de moment parfait pour prendre cette mesure».

Javid avait déclaré sans détour: «Le nombre de cas va beaucoup s’aggraver avant de s’améliorer… Mais nous ne pensons pas que les taux d’infection vont exercer une pression insoutenable sur le NHS [National Health Service].»

L’affirmation que le NHS peut faire face à des milliers d’hospitalisations liées au COVID-19 est un mensonge. Plusieurs hôpitaux ont déjà déclaré des situations d’urgence au cours des dernières semaines. Il y a deux semaines, la Royal Infirmary de Manchester a déclaré un incident majeur alors que la pression augmentait sur son service des urgences dans un contexte de pénurie de personnel et de lits. Mercredi dernier, trois hôpitaux d’Écosse, l’Aberdeen Royal Infirmary, le Dr Gray’s Hospital d’Elgin (Moray) et le Raigmore Hospital d’Inverness, ont reporté des opérations électives non urgentes en raison de la montée en flèche du nombre de patients atteints de COVID-19 et ont déclaré une situation «code noir», ayant atteint leur pleine capacité.

Javid lui-même avait déclaré au Sunday Telegraph 24 heures plus tôt que les listes d’attente du NHS, déjà au niveau record de plus de 5 millions en raison des centaines de milliers de personnes traitées à l’hôpital avec le COVID-19, pourraient atteindre 13 millions en quelques mois. Le niveau d’infection prévu empêcherait les gens de chercher un traitement pour toute une série d’affections débilitantes et dangereuses et verrait des milliers de personnes souffrir des terribles conséquences du COVID-19 de longue durée.

La campagne meurtrière de suppression de toutes les restrictions dans la poursuite des profits continue malgré les avertissements du Dr Mike Ryan, responsable des programmes d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé et de 122 scientifiques ayant publié une lettre dans la revue médicale Lancet la semaine dernière. La levée des restrictions le 19 juillet était «une expérience dangereuse et contraire à l’éthique», avertissaient les scientifiques.

Le gouvernement sait tout cela très bien. Le député conservateur Dan Poulter, vice-président du groupe parlementaire multipartite (APPG) sur le coronavirus, a déclaré au Guardian que des «mutations difficiles» du virus allaient probablement apparaître et retarder un «retour à la normale» jusqu’en 2022 au moins. Le variant Delta, hautement transmissible et mortel, est devenu dominant en quelques semaines en Grande-Bretagne. Poulter a prévenu qu’une «plus grande quantité de virus» signifiait «une plus grande probabilité de mutation». Le plus grand danger est l’émergence d’un variant capable d’échapper aux vaccins actuels.

La majorité de la population s’oppose à la levée des restrictions. Un sondage commandé par le journal Observer a révélé que près de 73 pour cent des personnes interrogées étaient favorables au maintien du port du masque dans les transports publics. Malgré un barrage de propagande de droite, 50 pour cent des personnes interrogées ont déclaré que la levée des restrictions devait être reportée.

Johnson et sa bande de criminels ne peuvent donner le feu vert à de nouvelles morts et à plus de misère sociale que parce qu’ils ne rencontrent aucune opposition dans l’establishment politique. Le secrétaire d’État fantôme à la Santé du Parti travailliste Jonathan Ashworth a répondu à Javid en déclarant: «Nous voulons voir la réouverture de l’économie d’une manière équilibrée, sûre et durable.» Il a juste suggéré que le port du masque continue d’être obligatoire et demandé s’«il ne serait pas plus raisonnable d’avoir des dates de révision régulières en place tout au long de l’été alors que nous sommes devant cette troisième vague?»

(Article paru d’abord en anglais le 13 juillet 2021)

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