120 millions de personnes poussées dans l'extrême pauvreté par la COVID-19

Selon un rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU) publié mardi, outre les quatre millions de morts dus au COVID-19 dans le monde, entre 119 et 124 millions de personnes ont été replongés dans la pauvreté et la faim chronique et 255 millions d’emplois à temps plein ont été perdus à cause de la pandémie.

Ces chiffres sont tirés du Rapport 2021 sur les objectifs de développement durable de l’ONU, qui indique que la pandémie a entraîné des reculs majeurs dans les efforts visant à éliminer la pauvreté. En rendant le rapport public, le secrétaire général adjoint de l’ONU, Liu Zhenmin, a déclaré: «La pandémie a stoppé, voire inversé, des années, voire des décennies de progrès en matière de développement.»

Avant la pandémie, 700 millions de personnes souffraient de la faim et 2 milliards de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire. Les données de l’ONU montrent que 83 à 132 millions de personnes supplémentaires ont probablement souffert de la faim pendant la pandémie en 2020.

L’espérance de vie, qui avait augmenté, a été également réduite, car la pandémie a stoppé ou inversé les progrès en matière de soins de santé et a créé des menaces majeures en plus de COVID-19. Entre-temps, les chiffres de la mortalité et l’impact réel de la pandémie restent incomplets en raison du manque de données précises dans de nombreuses régions du monde.

La pandémie intensifie les inégalités à l’intérieur des pays et entre eux, et touche plus durement les personnes les plus vulnérables et les pays les plus pauvres. Le rapport des Nations unies révèle l’ampleur de l’impact dévastateur et sans précédent du coronavirus sur les populations pauvres et ouvrières du monde entier au cours de l’année écoulée.

Il examine l’état de dix-sept indices à l’échelle mondiale et indique dans l’avant-propos – signé par le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres – «Plus d’un an après le début de la pandémie mondiale, on a perdu des millions de vies, le bilan humain et économique est sans précédent et les efforts de redressement ont jusqu’à présent été inégaux, inéquitables et insuffisamment orientés vers la réalisation du développement durable.»

Parmi les autres indices examinés figurent une augmentation de l’inégalité entre les sexes, une diminution de la disponibilité d’eau potable et d’assainissement, une diminution de l’énergie propre et abordable, une réduction des investissements dans les infrastructures et une intensification de l’exploitation des enfants.

Chacun des dix-sept objectifs de développement durable (ODD) – définis par les Nations unies il y a six ans et assortis de cibles à atteindre d’ici 2030 – a connu une nette détérioration au cours de l’année écoulée. Bien que le mot «capitalisme» n’apparaisse pas dans ce rapport de 68 pages, son résumé des conditions dévastatrices auxquelles des milliards de personnes sur la planète sont confrontées depuis un an est une condamnation de la réponse du système de profit et de l’establishment au pouvoir à la crise sanitaire du COVID-19.

Ces données sont également un constat de faillite de l’ONU-même. Cette institution capitaliste mondiale, créée après la Seconde Guerre mondiale et parrainée par les États-Unis en tant que puissance impérialiste hégémonique, ne peut répondre à aucun des besoins sociaux fondamentaux de la population mondiale.

Si l’ONU fait référence à la hausse de l’inégalité des richesses durant la pandémie, elle évite soigneusement toute discussion sur l’accumulation de grandes fortunes par l’élite financière. Elle ne dit rien non plus sur l’augmentation du nombre de millionnaires et de milliardaires pendant la pandémie. C’est un fait que les élites dirigeantes de tous les pays ont profité de la crise sanitaire pour accaparer une plus grande part de la richesse de la société que celle possédée avant la pandémie. Une partie de cette augmentation de leurs fortunes a été alimentée surtout par l’injection de milliers de milliards de dollars dans les marchés financiers par les banques centrales. Pour payer ces dettes, les entreprises ont augmenté l’exploitation de la classe ouvrière en intensifiant les attaques sur les salaires, le temps de travail et les avantages sociaux.

Indiquant que la pandémie a bien accéléré les tendances économiques et politiques présentes dans la situation mondiale avant son déclenchement, Guterres a déclaré: «Malheureusement, les objectifs de développement durable (ODD) étaient déjà hors piste avant même l’apparition de COVID-19. Des progrès ont été réalisés dans la réduction de la pauvreté, la santé maternelle et infantile, l’accès à l’électricité et l’égalité des sexes, mais pas assez pour atteindre les objectifs d’ici 2030».

Dans une section intitulée «Regards sur la pandémie: réalités brutales, choix cruciaux», signée par Zhenmin, le rapport indique que depuis le début de la deuxième année de la pandémie, «il est tout à fait clair qu’il s’agit d’une crise aux proportions monumentales, avec des effets catastrophiques sur la vie et les moyens de subsistance des gens».

Le rapport des Nations unies se fonde sur «les dernières données et estimations disponibles pour révéler les effets dévastateurs de la crise sur les ODD» et a été préparé par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU en collaboration avec plus de 50 agences internationales.

Il est significatif que l’analyse de l’ONU pointe la contradiction entre la collaboration internationale au sein de la communauté scientifique dans le développement de «vaccins et de traitements qui permettent de sauver des vies en un temps record» et l’inégalité mondiale dans la distribution des vaccins. Comme l’écrit Zhenmin: «au 17 juin 2021, environ 68 vaccins ont été administrés pour 100 personnes en Europe et en Amérique du Nord, contre moins de 2 en Afrique subsaharienne».

Les chiffres sur la hausse de l’extrême pauvreté dans le monde durant l’année écoulée sont spécialement importants, car les défenseurs du capitalisme, de droite ou libéraux, avaient brandi les deux décennies précédentes de baisse de ces chiffres comme preuve de la viabilité du système de profit. Le rapport de l’ONU indique que la part de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté – ceux vivant avec moins de 1,90 dollar par jour (1,6 euro) – était « passé de 10,1 pour cent en 2015 à 9,3 pour cent en 2017.»

Les données de projection de l’ONU montrent que la part de l’extrême pauvreté est passée de 8,4 pour cent en 2019 à 9,5 pour cent en 2020 et qu’elle dépassera les 10 pour cent en 2021. La conclusion tirée par l’ONU est que la hausse de l’extrême pauvreté montre «l’importance de la préparation aux catastrophes et de systèmes de protection sociale robustes» ; mais le retour d’une hausse spectaculaire de la pauvreté est une démonstration de l’échec du capitalisme et un signe avant-coureur des luttes révolutionnaires de la classe ouvrière dans le monde.

Le rapport de l’ONU confirme l’analyse donnée par le World Socialist Web Site et le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) depuis le début de la pandémie, dans les premiers mois de 2020. Le 28 février 2020, le CIQI a lancé un appel à une réponse d’urgence à la pandémie, coordonnée à l’échelle mondiale, à travers la mobilisation de la classe ouvrière afin de rendre disponibles «les ressources nécessaires pour contenir la propagation de la maladie; traiter et soigner les personnes infectées; et assurer les moyens de subsistance des centaines de millions de personnes qui seront touchées par les retombées économiques».

Cette déclaration avertit que les dommages économiques de la pandémie «pourraient dépasser l’ampleur de la crise financière de 2008» et que «la réponse des élites dirigeantes et des gouvernements qu’elles contrôlent à la crise mêle l’incompétence à un degré d’indifférence criminel».

Avant que les gouvernements du monde entier ne fassent main-basse sur les trésors des banques centrales sous forme de milliers de milliards de dollars illimités de «stimulus» en soutien aux portefeuilles d’investissement de l’oligarchie financière, la déclaration du CIQI appelait à «un soutien financier direct et une compensation des revenus pour tous ceux impactés par les conséquences économiques.»

La déclaration avertit également que «les principaux gouvernements capitalistes, menés par la Réserve fédérale américaine, ont alloué des sommes d’argent pratiquement illimitées pour faire monter la valeur marchande des actions» suite au crash de 2008 et que «la classe ouvrière [devait] exiger des gouvernements qu’ils imposent des taxes d’urgence sur les fortunes des oligarques dans la mesure requise par la crise».

Enfin, la déclaration du CIQI dit: «En exigeant que les gouvernements capitalistes mettent en œuvre ces mesures d’urgence, la classe ouvrière internationale n’abandonne pas son objectif fondamental: la fin du système capitaliste… La crise actuelle démontre à nouveau que le capitalisme est un système économique dépassé et un obstacle au progrès humain. Le danger posé par cette pandémie et les implications catastrophiques du réchauffement planétaire prouvent que le système capitaliste doit céder la place au socialisme mondial».

(Article paru d’abord en anglais le 14 juillet 2021)

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