Espagne: alors que les incidences de COVID-19 montent brusquement, l'Izquierda Diario moréniste appelle à une «vie nocturne sûre»

Sur fond de résurgence massive des cas de coronavirus en Espagne, le CRT moréniste (Courant révolutionnaire des travailleurs) et sa publication en ligne Izquierda Diario ont lancé une campagne politiquement criminelle encourageant les jeunes à faire fi de toute prudence et à retourner dans les boîtes de nuit et les bars.

Des personnes portant des masques pour se protéger du coronavirus marchent dans une rue commerçante du centre-ville de Madrid, en Espagne, le samedi 5 juin 2021. (AP Photo/Manu Fernandez)

Les taux d'infection ont augmenté en Espagne ; les cas quotidiens ont plus que quadruplé en deux semaines. Hier, la moyenne glissante des cas sur sept jours était de 24 049, contre 3 574 il y a un mois, plus qu'à tout moment depuis la mi-février. Le 15 juillet, l'Espagne a enregistré 32 680 nouveaux cas de COVID-19, le chiffre quotidien le plus élevé de toute la pandémie qui a débuté en février 2020.

Les jeunes ont jusqu'à présent fait les frais de la recrudescence de la pandémie, avec des taux d'incidence parmi ce groupe d'âge plusieurs fois supérieurs à la moyenne nationale de 600 cas pour 100 000. Chez les adolescents de 12 à 19 ans, ce chiffre est de 1 488 jeunes infectés pour 100 000. Pour les 20 à 29 ans, il a atteint le chiffre catastrophique de 1 794 pour 100 000, soit près d'un individu sur 50. Cela augmente le danger que les décès dus au COVID-19 augmentent parmi les moins de 30 ans, et également que les taux d'infection augmentent parmi les couches plus âgées et plus vulnérables de la population.

Conformément aux politiques menées par l'élite dirigeante de toute l'Europe, le gouvernement espagnol « progressiste » du Parti socialiste (PSOE) et de Podemos poursuit une politique d'« immunité collective » effrénée et n’a aucune intention d’appliquer des mesures sanitaires qui sont vitales face à la recrudescence massive des infections

Il y a une semaine, le premier ministre Pedro Sánchez (PSOE) a écarté l’imposition de nouvelles mesures à l'échelle nationale, déclarant que les pouvoirs conférés aux gouvernements régionaux décentralisés leur permettaient déjà d’« apporter une série de réponses » à la pandémie. « Il n'est pas nécessaire », a insisté Sánchez, « d'approuver plus de [mesures] que ce que le ministère de la Santé a convenu avec les régions ».

Une grande partie de cette nouvelle vague d'infections a été déclenché par la réouverture des bars et discothèques dans tout le pays, les jeunes étant encouragés à y retourner sous le prétexte mensonger qu'ils y sont en sécurité et qu'il y a peu de chances d'une nouvelle vague du virus. De nombreux cas ont été liés à des voyages de classe de fin d'année vers des destinations touristiques telles que Majorque.

Les lieux de divertissement nocturne ont été rouverts en juin par une annonce du Conseil inter-territorial du système national de santé (CISNS) du gouvernement. Les boîtes de nuit et les bars ont été autorisés à ouvrir jusqu'à 2h00 ou 3h00 du matin, avec une distanciation sociale et des limites de capacité nominalement en place, mais largement ignorées par de nombreuses régions.

Malgré le risque sanitaire évident et croissant posé par la réouverture de ces établissements, le CRT moréniste a non seulement refusé d'appeler à la fermeture des opérations commerciales dangereuses et non essentielles comme les boîtes de nuit, il a activement appelé à ce qu'elles restent ouvertes et en a encouragé la fréquentation. Il justifie cela piètrement en écrivant que « les jeunes ont le droit de s'amuser. »

L’article du CRT tente bien de masquer sa position derrière une prétendue opposition à faire des jeunes des boucs émissaires et des responsables de la flambée d’infections, mais son article du 1er juillet, intitulé « La cinquième vague déclenche une autre campagne de criminalisation des jeunes », est un appel sans vergogne à la fin de toute politique de distanciation sociale.

« La lutte contre cette cinquième vague ne peut se faire par la criminalisation, la persécution et de nouveaux confinements de jeunes », affirme l'article d'Izquierda Diario .

« Il est temps », poursuit l’article, « d'exiger un retour en toute sécurité de la vie sociale, culturelle et éducative, avec des mesures qui garantissent des loisirs sûrs, avec des tests antigéniques de masse aux frais des patrons qui profitent généreusement de la vie nocturne et des divertissements des jeunes, avec l'extension et l'intensification de la campagne de vaccination à toutes les tranches d'âge et la demande de lever tous les brevets possibles, non seulement dans l'État espagnol mais sur toute la planète, en particulier dans les pays semi-coloniaux où les vagues actives continuent à causer de véritables ravages avec des dizaines de milliers de morts par jour. »

Les appels à rendre ces lieux « sûrs » en testant régulièrement les jeunes et en élargissant les campagnes de vaccination ne sont qu'une façade pour l'adoption par le CRT d'une politique d'ouverture de l'économie et de suppression des mesures de distanciation sociale. Les campagnes de dépistage et de vaccination à elles seules sont tout à fait insuffisantes pour lutter contre la propagation de la maladie. Elles doivent faire partie d'une campagne généralisée visant à réduire les contacts sociaux, principalement par la fermeture des lieux de travail non essentiels, pour arrêter la contagion.

« La responsabilité de cette épidémie a été attribuée à l'attitude ‘décontractée’ et ‘irresponsable’ de tous les jeunes qui ont voyagé avec leurs amis », poursuit l'article d' Izquierda Diario. « Cependant, organiser des événements de masse sans les mesures sanitaires nécessaires, auxquels les jeunes et les adolescents, qui ont vu pendant plus d'un an leur vie sociale réduite ou annulée, vont évidemment assister, est de la responsabilité conjointe des administrations [centrales et régionales] et des grands patrons du secteur des loisirs. »

Si le CRT se pose en critique de la politique du gouvernement PSOE-Podemos et des grandes entreprises, sa position s'aligne en réalité sur celle du gouvernement dans tous ses aspects fondamentaux. Leurs appels à un retour à la vie nocturne montrent qu'ils se sont pleinement rangés derrière cette politique criminelle de l'élite dirigeante: il faut apprendre à « vivre avec le virus ».

Tout en reconnaissant brièvement que les taux d'incidence ont augmenté chez les jeunes dans les dernières semaines, l'article du 1er juillet ne fait aucune mention des implications drastiques de cette flambée des infections. Les énormes risques d’hospitalisation et de décès, d'incapacité de longue durée (long COVID) et d'émergence possible de nouveaux variants potentiellement plus mortels, toujours posés par le virus, sont passés sous silence par le CRT.

Les morénistes ont largement ignoré la pandémie ces derniers mois, Izquierda Diario ne publiant presque rien sur la catastrophe sanitaire et sociale à laquelle sont confrontées des millions de personnes en Espagne et des milliards à travers le monde. Les quelques déclarations que leur site internet a publiées se sont caractérisées par l'opposition à une campagne scientifiquement guidée pour éradiquer le virus et l'indifférence aux dizaines de milliers de vies perdues et aux milliers touchés par une maladie grave et de longue durée.

En janvier, le CRT a publié un article dans Izquierda Diario, intitulé sarcastiquement « Plus de restrictions, la recette pour affronter la troisième vague », dans lequel il dénonce (article en anglais) les mesures de santé publique nécessaires telles que le confinement et la distanciation sociale comme « autoritaires et palliatives ». « Comme s'il s'agissait d'un robinet », ont déclaré les morénistes, « il [le gouvernement PSOE-Podemos] limite nos libertés et nos mouvements à sa guise. »

En mai, alors que le gouvernement mettait fin à l'état d'alarme – le mécanisme juridique permettant aux gouvernements régionaux d'imposer des mesures sanitaires contre le coronavirus comme les confinements, les couvre-feux et les restrictions de déplacements – le CRT n'a fait aucune critique de cette mise en danger irresponsable de la vie de millions de travailleurs en Espagne. Son analyse de la fin de l'état d'alarme expliquait simplement (article en anglais) quelles mesures les gouvernements régionaux pouvaient et ne pouvaient pas imposer, sans avertir du tout des risques graves pour la santé, ni exigé la poursuite des efforts pour lutter contre la pandémie.

L'opposition du CRT aux mesures d’endiguement de la pandémie n'est pas juste une erreur passagère ou une confusion. Elle reflète les intérêts matériels de classe sur lesquels s’appuie cette tendance. Les morénistes parlent au nom des couches aisées de la classe moyenne supérieure et des membres de la bureaucratie syndicale, dont la position et le mode de vie dépend de la hausse des marchés boursiers et de l'exploitation continue des travailleurs. Ces intérêts sont incompatibles avec les mesures sanitaires telles que la distanciation sociale et la fermeture d'entreprises non essentielles, qui empiètent sur les profits des entreprises.

Contre la politique réactionnaire et antiscientifique du CRT et d'autres organisations de la pseudo-gauche, le Comité international de la Quatrième Internationale a toujours lutté pour un programme entièrement financé de mesures sanitaires et sociales pour combattre la pandémie. Une véritable lutte menée scientifiquement pour éradiquer le coronavirus ne peut être menée à bien sans un assaut frontal contre le système capitaliste, qui privilégie le profit avant tout le reste. Cela nécessite une rupture politique d’avec tous les représentants de la pseudo-gauche, dans le cadre d'une lutte indépendante des travailleurs et des jeunes pour le socialisme, en Espagne et à l'international.

(Article paru en anglais le 20 juillet 2021)

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