Un programme de lutte pour la grève salariale des enseignants au Sri Lanka

La grève de l’«apprentissage en ligne» des enseignants des écoles publiques sri-lankaises est entrée dans sa troisième semaine. Les enseignants réclament une augmentation de salaire, l’abolition des «anomalies salariales» existantes et le retrait de la Loi sur la défense nationale de l’université de Kotelawala (KNDUA).

Manifestation des enseignants devant le Secrétariat de Colombo, le 23 juillet (Photo: WSWS Media)

Plus de 200.000 enseignants à travers le pays sont impliqués dans la grève appelée par le Ceylon Teachers Union (CTU), le Ceylon Teacher Service Union, le United Teachers Union et plusieurs autres syndicats.

Les syndicats d’enseignants ont été contraints d’appeler à la grève de «l’apprentissage en ligne» après que la police ait brutalement réprimé une manifestation contre la loi KNDUA le 8 juillet. Plusieurs participants, dont le secrétaire général du CTU, Joseph Stalin, ont été arrêtés et détenus dans un centre de quarantaine de l’armée de l’air.

Le ministère de la Défense a présenté le projet de loi KNDUA au Parlement et celui-ci sera débattu au début d’août. Si elle est adoptée, la loi donnera à cette institution tertiaire, contrôlée par l’armée et créée à l’origine pour former des officiers supérieurs, les mêmes pouvoirs que les autres universités, sous l’égide de la Commission des subventions universitaires, y compris celui de créer davantage de cours particuliers payants. La transformation de l’université s’inscrit dans le cadre des mesures prises par le gouvernement pour privatiser l’éducation et militariser la société. Des responsables des syndicats d’enseignants et d’autres personnes ont été libérés devant à la colère générale suscitée par la répression policière. Les syndicats ont été contraints de poursuivre la grève nationale, car les enseignants sont déterminés à faire aboutir leurs revendications de longue date.

Le Comité de sécurité enseignants-étudiants-parents (TSPSC) et le Parti de l’égalité socialiste (PES) préviennent que la grève nationale des enseignants est à un tournant critique. Malgré l’intransigeance et les menaces du gouvernement, les syndicats continuent d’insister sur le fait que la pression l’obligera à se plier aux demandes des enseignants. Ils limitent délibérément l’action industrielle, en vue de mettre fin à la lutte.

Le 22 juillet, plus de 2.000 enseignants ont défilé jusqu’au secrétariat présidentiel dans le centre de Colombo. Les dirigeants syndicaux ont été convoqués à une réunion avec de hauts fonctionnaires à laquelle le ministre de l’Éducation, G.L. Peiris, a participé par téléphone.

À l’issue des discussions, le secrétaire général du CTU, Stalin, a déclaré aux enseignants que des discussions auraient lieu mardi avec le ministre et les fonctionnaires, concernant un «document de cabinet» sur leurs revendications. Ces discussions seraient suivies d’une discussion avec le président Gotabhaya Rajapakse le 30 juillet.

Le ministre avait préparé un «document de cabinet» similaire lorsque les enseignants avaient organisé une grève d’une journée pour congé de maladie en janvier 2020. La bureaucratie syndicale a salué cette grève comme une victoire, mais elle a admis par la suite qu’il n’y aurait aucun changement dans les salaires ou les conditions des enseignants.

Les syndicats ont appelé à «l’élimination des anomalies salariales», en comparant les salaires des enseignants avec ceux des autres employés de l’État. Mais au lieu d’unir tous les travailleurs dans une lutte commune pour des salaires décents, les syndicats divisent les travailleurs. De même, les différents syndicats d’enseignants divisent ces derniers et attisent les griefs concernant les différences de grade.

Les syndicats exigent également que le service des enseignants soit classé comme un «service fermé» distinct, ce qui signifie que les employés ne peuvent se faire transférer qu’au sein du secteur de l’éducation, et non vers d’autres secteurs publics. Les syndicats prétendent à tort que cela améliorerait les salaires et les conditions de travail. Les «services fermés» dans d’autres secteurs publics, tels que les chemins de fer et les services postaux, n’ont apporté aucune amélioration pour les travailleurs.

La direction des syndicats d’enseignants se vante maintenant que les syndicats n’ont jamais été aussi «unis», qu’ils sont mieux à même de faire pression sur le gouvernement et d’obtenir leurs revendications. Depuis 1997, les enseignants n’ont cessé d’entendre cette rhétorique, lors des manifestations des 24 dernières années, lorsque les syndicats ont demandé pour la première fois l’abolition des «anomalies salariales».

Les enseignants doivent rejeter les affirmations des syndicats selon lesquelles une pression accrue fera bouger le gouvernement. En fait, le gouvernement Rajapakse, qui fait face à une profonde crise économique, exacerbée par la pandémie de coronavirus, se prépare à déclencher des attaques encore plus importantes contre la classe ouvrière.

Le 24 juillet, le ministre du Commerce, Bandula Gunawardena, a déclaré aux médias que le gouvernement consacrait 86 pour cent de ses revenus aux salaires des fonctionnaires et qu’une augmentation des salaires des enseignants était «impossible, étant donné la profondeur de la crise économique induite par la pandémie».

Si le gouvernement accédait aux revendications salariales des enseignants, il devrait augmenter les impôts et accabler la population, a-t-il déclaré, dans le but de monter les autres travailleurs et les pauvres contre les enseignants.

Le gouvernement Rajapakse, cependant, a déjà augmenté les impôts sur les masses, tout en accordant d’énormes concessions fiscales et des capitaux bon marché aux grandes entreprises.

La semaine dernière, Basil Rajapakse, le nouveau ministre des Finances, a demandé aux fonctionnaires de réduire les dépenses du secteur public et de ne pas embaucher de nouveaux travailleurs. Colombo a réduit les importations et forcé les employés à travailler dans des conditions dangereuses de pandémie, dans une tentative désespérée de gagner des devises étrangères pour payer les énormes dettes extérieures.

Le budget de l’éducation a également été réduit cette année à 126 milliards de roupies (630 millions de dollars US), contre 166 milliards de roupies en 2019. Seulement environ 1,2 pour cent du produit intérieur brut est alloué aux dépenses d’éducation.

Ces derniers mois, des milliers de travailleurs de la santé, de la poste et des plantations ont mené des actions industrielles contre les attaques du gouvernement et des grandes entreprises contre les conditions de vie et les conditions sociales. D'autres sections de la population, notamment les paysans et les pêcheurs pauvres, ont manifesté, exigeant un soutien financier du gouvernement.

Ces luttes font partie d’une vague de résistance de la classe ouvrière qui se développe dans le monde entier. À l’instar de ses homologues internationaux, le gouvernement Rajapakse répond à la montée de l’opposition sociale par des mesures antidémocratiques et des avancées vers une dictature présidentielle.

Les syndicats ont répondu à la montée de l’opposition en faisant tout leur possible pour empêcher les travailleurs d’entrer en lutte. Lorsqu’ils sont contraints d’appeler à une action industrielle, ils s’efforcent perfidement de la contenir puis de la saborder, trahissant ainsi les revendications de leurs membres.

Les syndicats ont pleinement soutenu la demande de Rajapakse d’une réouverture de l’économie, en pleine pandémie, mettant ainsi les travailleurs et leurs familles en danger. De même, les syndicats d’enseignants appuient la réouverture des écoles dans des conditions dangereuses.

Les 27 mai et 2 juin, le président Rajapakse a imposé la loi sur les services publics essentiels, qui interdit toute action de grève et de protestation des travailleurs de 12 entités du secteur public. Alors que le gouvernement continue de renouveler cette mesure répressive toutes les deux semaines, aucun syndicat, y compris les syndicats d’enseignants, ne s’y est opposé.

Le Janatha Vimukthi Peramuna, le Samagi Jana Balavegaya, l’Alliance nationale tamoule et des groupes de pseudo-gauche, comme le Frontline Socialist Party, ont soutenu cette attaque antidémocratique. Le Parti de l’égalité socialiste est la seule organisation à s’y opposer et à appeler les travailleurs à se préparer à la lutte pour la vaincre.

La lutte contre les attaques de Colombo, et la défense des droits de vie et des droits sociaux, nécessite une lutte politique contre le gouvernement et l’ensemble du système capitaliste. Les syndicats sont totalement hostiles à une telle lutte.

Les enseignants ne peuvent pas permettre que leur grève reste sous la direction des syndicats. Ils doivent prendre leur lutte en main.

Nous exhortons les enseignants à mettre en place des comités de sécurité enseignants-étudiants-parents indépendants dans chaque école afin de rallier les parents, les étudiants et les autres sections de la classe ouvrière, ainsi que les opprimés, dans une lutte unie pour défendre l’éducation publique gratuite avec les revendications suivantes:

  • L’augmentation du salaire mensuel minimum des enseignants à 60.000 roupies, indexé sur le coût de la vie!
  • Des pensions complètes pour tous les enseignants!
  • 10 pour cent du PIB à l’éducation publique!
  • Des ordinateurs et des services en ligne gratuits pour tous les enseignants et étudiants!
  • Pas de réouverture des écoles en cas de pandémie dangereuse!
  • Des prêts aux logements adéquats avec des taux d’intérêt bas!

Ces demandes vitales ne peuvent être satisfaites dans le cadre du système capitaliste de profit. Les milliards de roupies nécessaires ne peuvent être trouvés qu’en refusant de payer les prêts étrangers et en nationalisant les grandes entreprises, les grands domaines et les banques sous le contrôle démocratique des travailleurs. Un gouvernement ouvrier et paysan doit être porté au pouvoir pour mettre en œuvre ces politiques. Cette lutte ne peut être menée que dans le cadre de la lutte pour le socialisme international.

C’est le programme avancé par le PES au Sri Lanka, dans le cadre de la lutte du Comité international de la Quatrième Internationale pour développer l’«Alliance ouvrière internationale des comités de base».

Le TSPSC tiendra une réunion publique en ligne sur le programme de lutte des enseignants le vendredi 30 juillet à 19 h. Nous invitons les enseignants, les étudiants et les travailleurs à participer à cette réunion et à cette discussion. Veuillez vous inscrire à la réunion ici.

(Article paru en anglais le 27 juillet 2021)

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