Le syndicat des Métallos laisse les grévistes de Sudbury dans l’ignorance alors qu’il reprend les négociations avec Vale

Grévistes de Vale (Photo: Section locale 6500 du syndicat des Métallos)

Alors que 2450 travailleurs du complexe minier Vale à Sudbury, en Ontario, approchent de la fin de leur deuxième mois de grève contre les demandes de concessions de la société transnationale, le syndicat des Métallos a repris les négociations à huis clos avec la direction. Jusqu’à présent, le syndicat a refusé catégoriquement de dire quoi que ce soit de substantiel sur ses discussions avec Vale, pas plus qu’il ne s’est engagé à s’opposer à de nouvelles concessions.

La grève dans ce qui était le centre de l’empire minier du nickel d’Inco jusqu’à ce que Vale l’achète en 2006 a éclaté le 1er juin, après que les travailleurs aient rejeté de manière décisive un accord de principe sur un contrat de travail assorti de reculs et approuvé par les Métallos.

Les négociateurs du syndicat et de l’entreprise sont retournés à la table des négociations le 19 juillet après avoir choisi conjointement Charlie Sheppard pour faciliter les pourparlers. Sheppard, qui a joué ce rôle lors de négociations précédentes entre les Métallos et Vale, agira à titre de consultant et non de médiateur/arbitre nommé par le gouvernement. Toute recommandation qu’il fera sera non contraignante.

À la lumière du sabotage honteux par le syndicat des Métallos de la lutte des métallos d’Allegheny Technologies, qui ont mené une grève déterminée de trois mois dans cinq États américains, il ne fait aucun doute que les bureaucrates des Métallos complotent avec la direction pour préparer un autre accord de principe qui donnera à Vale presque tout ce qu’elle veut.

Les membres du comité de négociation de la section locale 6500 du syndicat des Métallos ont déjà prouvé qu’ils sont des laquais achetés par l’entreprise en recommandant à l’unanimité une entente de principe qui aurait réduit les prestations de retraite et de santé et imposé des réductions de salaire en termes réels (après inflation). De plus, ils ont continué à défendre farouchement leurs actions en faisant circuler le mensonge éhonté selon lequel ils n’avaient pas d’autre choix que d’accepter les demandes de Vale et de les présenter sous la forme d’une entente de principe.

Leur véritable objectif, hier comme aujourd’hui, est de consolider et d’étendre leur relation corporatiste corrompue avec Vale. Exprimant les véritables sentiments de l’administration du syndicat des Métallos, Jamie West – un ancien dirigeant de la section locale 6500 et président du Conseil du travail du district de Sudbury, qui est maintenant député néo-démocrate au Parlement provincial de Sudbury – a déclaré que l’entente conclue à la fin mai «n’était pas nécessairement mauvaise».

Les travailleurs n’étaient pas de cet avis et ont rejeté à 70% l’accord approuvé par le syndicat. Cependant, la recommandation unanime des Métallos a eu pour effet de convaincre les travailleurs de l’usine de Vale à Port Colborne de ratifier l’entente, isolant davantage les travailleurs de Sudbury et affaiblissant considérablement leur grève.

La bureaucratie des Métallos, démasquée par son soutien à l’entente de principe au rabais et sentant la colère des membres, a alors brusquement changé de tactique et a demandé le rejet d’un accord qui était pratiquement le même lors d’un deuxième vote, tenu 10 jours après le début de la grève.

Ce bilan démontre que les mineurs de Sudbury, qui ont une longue tradition de lutte de classe militante, mènent une guerre sur deux fronts. D’une part, ils sont opposés aux exigences rapaces de Vale et de ses actionnaires multimillionnaires. D’autre part, ils se heurtent au syndicat propatronal USW qui affame les travailleurs en leur versant des indemnités de grève dérisoires; les tient dans l’ignorance totale des négociations, y compris à quelles demandes des travailleurs, si c’est même le cas, il donne priorité; et isole délibérément la grève.

La direction de Vale a clairement indiqué que son objectif est de réduire massivement les coûts de main-d’œuvre afin de rendre son exploitation minière de nickel, de cuivre, de cobalt et de métaux précieux de Sudbury «compétitive» à l’échelle mondiale. Lors d’une assemblée générale en ligne de Vale qui s’est tenue le mois dernier, Dino Otranto, chef de l’exploitation des opérations de l’Atlantique Nord et des raffineries asiatiques de la transnationale brésilienne, a cherché à menacer les mineurs en grève en se vantant que Vale a les moyens de résister à une longue grève. Il a dénoncé les travailleurs de Sudbury comme étant responsables des «coûts de main-d’œuvre les plus élevés» des opérations mondiales de la société et a averti que les investissements futurs se «tariraient» si des concessions radicales n’étaient pas acceptées. En réalité, le marché rentable du nickel, pour lequel Sudbury est un fournisseur clé, contribue à des versements généreux pour les actionnaires de Vale et à des bénéfices considérables pour l’ensemble de l’entreprise.

À la suite de la défaite d’une grève d’un an en 2009-2010, que les Métallos ont isolée et étouffée alors que l’entreprise avait massivement recours aux briseurs de grève, les mineurs de Sudbury ont déjà été contraints d’accepter des reculs considérables. Parmi ceux-ci, mentionnons la fin des régimes de retraite à prestations déterminées pour les nouveaux employés, la sous-traitance d’un plus grand nombre d’emplois à des fournisseurs non syndiqués et moins rémunérés, ainsi qu’un plafonnement strict de la populaire prime de nickel, qui récompensait les travailleurs par un salaire supplémentaire lorsque le prix du minerai dépassait un certain niveau. Depuis la grève qui a duré un an il y a dix ans, Vale a supprimé environ 800 emplois dans ses installations de Sudbury.

Les grévistes en contact avec les journalistes du World Socialist Web Site ont déclaré qu’ils se préparent à une longue bataille. «J’ai l’impression que Vale veut que nous soyons en grève pendant un certain temps encore pour servir ses propres intérêts... pour négocier un meilleur contrat pour ses propriétaires! Je pense que la société ne retirera pas les demandes de reculs de la table et que nous serons en grève jusqu’en septembre ou octobre, voire plus longtemps», a déclaré un travailleur.

Un autre gréviste a ajouté: «On a l’impression que soit nous serons en grève pendant une année de plus, soit ce sera fini quand la compagnie voudra que ce soit fini. Certains disent en automne, car cela permettrait à l’entreprise d’annuler les contrats qu’elle a actuellement.»

Le syndicat des Métallos, dont les actifs sont évalués à 1,5 milliard de dollars, verse aux grévistes de Vale qui gagnent le salaire de base de l’entreprise la somme dérisoire de 370 dollars par semaine en guise d’indemnité de grève, soit beaucoup moins que ce qu’ils gagneraient avec l’assurance chômage.

Il s’agit d’une politique délibérée, visant à affaiblir et à démoraliser les grévistes, de sorte qu’en fin de compte, ils n’aient d’autre choix que d’accepter l’accord pourri que Vale et les Métallos élaborent. Comme l’a déclaré un gréviste au WSWS, «Beaucoup (de grévistes) ont un autre travail pour un salaire légèrement supérieur au salaire minimum pour s’en sortir».

Les grévistes de Vale doivent rejeter la conception fataliste selon laquelle l’entreprise a le champ libre pour dicter la durée de la grève et les conditions dans lesquelles elle sera conclue. Il n’y a aucune raison légitime pour que les grévistes soient isolés pendant des mois sur le piquet de grève tout en recevant des indemnités de grève minimales.

Les grévistes de Vale mènent une lutte courageuse dans des conditions où des milliers de travailleurs au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays sont engagés dans des grèves et des actions de revendication pour annuler les reculs passés ou s’opposer à de nouvelles concessions et défendre leurs droits. À la fonderie d’aluminium de Rio Tinto à Kitimat, en Colombie-Britannique, 900 métallurgistes représentés par Unifor ont débrayé le week-end dernier pour protester contre la croissance de la main-d’œuvre contractuelle et les attaques contre leurs droits à la retraite. Dans le nord-est du Québec, 2500 membres des Métallos ont récemment fait grève pendant près d’un mois chez le géant mondial de l’acier ArcelorMittal. Mardi, les travailleurs d’une usine aérospatiale de Bombardier et de De Havilland à Toronto, représentés par Unifor, ont débrayé pour obtenir une plus grande sécurité d’emploi et protester contre la réduction des droits au travail et des avantages sociaux des retraités.

Dans chacune de ces luttes, les travailleurs se battent sur des questions similaires et affrontent des ennemis semblables. Les sociétés transnationales qui ont forcé les travailleurs à travailler dans des conditions dangereuses pendant la pandémie de COVID-19 profitent de ses retombées économiques pour intensifier l’exploitation des travailleurs afin d’augmenter les salaires des dirigeants, la rémunération des actionnaires et les profits des sociétés. Cependant, les syndicats procapitalistes, qu’il s’agisse des Métallos, d’Unifor ou de l’UAW aux États-Unis, mettent systématiquement en quarantaine les luttes des travailleurs, les divisant les unes des autres, tout en présentant divers politiciens des grandes entreprises, dont le premier ministre Trudeau au Canada et le président américain Joe Biden, comme «favorables aux travailleurs», jetant ainsi les bases de leur défaite.

Pour sortir de l’isolement imposé par le syndicat, les grévistes de Vale ont besoin de toute urgence de leur propre organisation de lutte qui puisse agir indépendamment du syndicat des Métallos pour s’opposer à toutes les concessions, à l’accélération de la cadence et aux suppressions d’emplois, et lutter pour unir les travailleurs de Sudbury aux mineurs en grève de Rio Tinto en Colombie-Britannique, aux travailleurs de l’aéronautique en Ontario, et aux travailleurs de l’industrie et d’autres secteurs à travers le Canada et les États-Unis. Les travailleurs de Vale devraient immédiatement former un comité de grève de la base dirigé par les travailleurs les plus fiables et les plus militants afin de retirer la conduite de la lutte des mains de la bureaucratie des Métallos.

Ce comité exigerait que le syndicat des Métallos verse aux travailleurs 100 % de leur salaire normal pendant toute la durée de la grève, afin d’envoyer un message clair à la direction de Vale: les travailleurs sont prêts à lutter sérieusement. Il lancerait également un appel spécial aux employés de Vale au Brésil, en Indonésie et dans des dizaines d’autres pays pour qu’ils mènent une grève de solidarité afin de mettre le conglomérat minier à genoux et le forcer à accepter les revendications des travailleurs.

Ces revendications doivent être basées sur les besoins réels des travailleurs, et non sur ce que les dirigeants de Vale et leurs laquais des Métallos prétendent être «abordable». Elles doivent inclure une augmentation salariale significative pour compenser tous les contrats au rabais de ces dernières années, la fin du système de salaires et d’avantages sociaux à plusieurs niveaux, une couverture médicale complète pour tous, payée par Vale, et des régimes de retraite à prestations définies pour tous les travailleurs. En se battant pour un tel programme, les travailleurs de Vale peuvent faire de leur grève le point de départ d’une mobilisation de masse de la classe ouvrière à travers le Canada et à l’international, en opposition à l’austérité et aux reculs dictés par les sociétés, et pour des emplois décents et sûrs pour tous.

(Article paru en anglais le 28 juillet 2021)

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