Le variant Delta commence à impacter l'économie mondiale

Les signes se multiplient que la propagation incontrôlée du variant Delta du coronavirus a un impact significatif sur l'économie mondiale, en raison de pénuries dans la production de puces informatiques.

La semaine dernière, les problèmes de chaînes d'approvisionnement affectant un certain nombre d'entreprises ont été mis en évidence par l'annonce de Toyota, le plus grand constructeur automobile du monde, qu'il réduirait sa production de 40 pour cent pour septembre. Il produirait ce mois-là 540 000 véhicules, contre 900 000 prévus initialement.

Un panneau d'embauche à l’entrée d’un magasin de détail à Morton Grove, dans l'Illinois, le mercredi 21 juillet 2021. (AP Photo/Nam Y. Huh)

La société a été touchée par une vague de cas de COVID-19 au Vietnam et en Malaisie, ce qui a contribué à une pénurie de puces informatiques déjà existante et affecté l'approvisionnement en autres pièces de véhicules. Elle est également affectée par une hausse du nombre de cas en Thaïlande où se trouve son plus grand centre de fabrication en Asie du Sud-Est.

« Il est devenu difficile d'obtenir le volume nécessaire pour plusieurs pièces, ce qui a conduit à cette réduction soudaine et à grande échelle de la production », a déclaré Kazunari Kumakura, le responsable mondial des achats de l'entreprise, en annonçant la décision.

Jusqu'à présent, Toyota avait pu maintenir sa production grâce à la réserve de ses stocks.

D'autres constructeurs automobiles, dont Ford et General Motors, sont également touchés par les problèmes d'approvisionnement et ont annoncé des réductions de production. Ford a déclaré qu'il arrêtait l'assemblage d'une camionnette pendant une semaine et GM a annoncé un arrêt de ses chaînes de production.

Le constructeur automobile chinois Geely a également mis en garde contre « l'incertitude » de la production en raison de la pénurie de puces et Jaguar Land Rover a réduit de moitié pour la même raison ses prévisions de ventes le mois dernier.

La décision de Toyota touchera presque toutes ses usines de production au Japon, où 27 lignes de production seront perturbées. Les usines d’Amérique du Nord et de Chine réduiront chacune leur production de 80 000 véhicules ; sa production en Europe sera réduite de 40 000.

La pénurie de puces n'est pas le seul problème, loin s’en faut, auquel l'économie mondiale est confrontée. Il est de plus en plus évident que l'économie chinoise, qui a rebondi l'année dernière après la prise de mesures efficaces pour faire face à la pandémie, a commencé à ralentir.

Comme le Financial Times (FT) l'a rapporté la semaine dernière, les dernières données en provenance de Chine « suggéraient que l'augmentation de la production industrielle et d'autres indicateurs clés a ralenti au cours de ces derniers mois d'été ».

L'un des indicateurs les plus significatifs de ce processus est la chute des prix des matières premières, en particulier du minerai de fer.

Jeudi dernier, son prix au comptant a chuté de près de 15 pour cent, poursuivant une forte tendance à la baisse au cours des trois derniers mois. Au début de l'année, le prix du minerai de fer était de 160 $ la tonne. Il a plafonné à 230 $ la tonne en mai. Depuis lors, il a chuté de 44 pour cent et est maintenant retombé en dessous de 160 $.

Une partie de la chute peut être due à une épidémie du variant Delta en Chine. Mais celle-ci est désormais maîtrisée et la chute du prix du minerai de fer est attribuée à des problèmes plus larges.

Une note publiée la semaine dernière par Kieran Cleary de Capital Economics déclare: « Les exportations d'acier chinois ont fortement chuté depuis mai et les restrictions imposées aux aciéries pourraient entraîner une baisse encore plus marquée de la production jusqu'à la fin de l'année.

« Nous nous attendons à ce que le ralentissement des dernières données d'activité chinoises pour juillet s'accentue sur le reste de l'année, entraînant à son tour une baisse de la demande d'acier et de minerai de fer. »

Le chroniqueur du Sydney Morning Herald, Stephen Bartholomeusz, a déclaré la semaine dernière qu'une « tempête presque parfaite s’[était] abattue sur le marché du minerai de fer ». Si certains problèmes étaient transitoires, d'autres auraient des effets durables sur la demande de la marchandise la plus précieuse d'Australie.

« Au niveau macro, l'économie chinoise s’est ralentie au milieu d’un effet renouvelé des autorités visant à réduire l'endettement, en particulier dans les secteurs surendettés de l'immobilier et de la construction où certaines des plus grandes entreprises du pays vacillent. Ces secteurs sont les principaux clients pour la demande d'acier. »

Mais, poursuivait-il, le ralentissement était généralisé, les données récentes montrant que « la production industrielle, les ventes au détail, les investissements et même l'emploi » étaient en deçà des attentes.

Le ralentissement économique d'une partie du monde et surtout de la Chine, deuxième économie mondiale, se répercute rapidement sur le reste du globe. La chute de la production industrielle et de la demande de minerai de fer pèsera en l’occurrence rapidement sur le budget du gouvernement australien, fortement dépendant des recettes fiscales provenant des ventes de minerai de fer.

Les prix du minerai de fer ne sont pas la seule indication d'un ralentissement mondial. Le prix du cuivre, considéré comme le métal industriel le plus important au monde et un indicateur de la santé de l'économie mondiale, a chuté de 2 pour cent la semaine dernière à son plus bas niveau depuis cinq mois.

Les prévisions optimistes de croissance de l'économie américaine sont également révisées à la baisse en raison de la hausse des infections dues à Delta et de la baisse des ventes au détail et de la confiance des consommateurs.

La semaine dernière, la banque d’investissement Goldman Sachs a fortement révisé à la baisse ses prévisions de croissance américaine au troisième trimestre. Elle prévoit désormais une expansion de 5,5 pour cent du produit intérieur brut entre juillet et septembre contre une prévision antérieure de 9 pour cent.

« L'impact du variant Delta sur la croissance et l'inflation s'avère un peu plus important que prévu », ont déclaré les économistes de cette banque.

Selon les calculs de Citigroup, les prévisions des économistes pour l'expansion économique des États-Unis ont été surestimées par le plus grand montant depuis le début de la pandémie.

L'aggravation des perspectives économiques entraîne la nervosité sur les marchés financiers ; l'indice S&P 500 a enregistré sa plus forte baisse en un mois la semaine dernière. Il avait auparavant atteint des records, doublant son niveau depuis les bas niveaux enregistrés en mars 2020.

Les oligarques financiers se tournent à nouveau vers la banque centrale pour intervenir si Wall Street commence à chuter. Ils ont déjà empoché des centaines de milliards de dollars suite à l'injection de plus de 4 000 milliards de dollars dans le système financier par la Fed depuis le printemps dernier.

Leurs regards seront tournés vers le conclave des banquiers centraux qui se tiendra en ligne à la fin de cette semaine, après les indications du compte rendu de la dernière réunion de la Fed qu'elle pourrait envisager de reprendre ses achats d'actifs.

« Les risques COVID réapparaissent comme un risque de baisse très important », a déclaré au FT le principal économiste américain de la banque Barclays. « Il est de retour sur le radar [de la Fed] et le contenu du procès-verbal leur donne la liberté de mettre en suspens la réduction d’achat d’actifs ».

(Article paru en anglais le 24 août 2021)

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