Israël intensifie son attaque contre les Palestiniens de Gaza

Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont intensifié leurs attaques contre Gaza. Lundi et samedi, des avions de chasse ont lancé des frappes sur des cibles du Hamas en réponse à des ballons incendiaires artisanaux lancés depuis l’enclave palestinienne assiégée.

C’est la plus forte escalade des hostilités depuis la guerre de 11 jours menée par Israël contre Gaza en mai dernier, qui a causé la mort de plus de 250 Palestiniens, dont au moins 66 enfants et 41 femmes.

Les attaques d’Israël font suite à une manifestation samedi près de la frontière de Gaza avec Israël sur laquelle des soldats israéliens ont tiré à balles réelles. Ils ont blessé au moins 41 Palestiniens dont deux grièvement, l’un d’eux étant un garçon de 13 ans, touché à la tête. L’armée israélienne a affirmé que les Palestiniens avaient tiré sur l’un de ses agents de sécurité, un tireur d’élite de 21 ans de l’unité antiterroriste de la police des frontières, et l’avaient grièvement blessé.

Des manifestants évacuent un blessé grave de la clôture de la frontière de la bande de Gaza avec Israël, lors d’une manifestation à l’est de la ville de Gaza, samedi 21 août 2021, marquant l’anniversaire de l’incendie criminel de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, en 1969, par un touriste australien qui s’est avéré être un malade mental. (AP Photo/Adel Hana)

Lundi, des groupes palestiniens, dont le Hamas et le Jihad islamique, ont annoncé leur intention d’organiser un grand rassemblement mercredi dans le sud de Gaza, près de la frontière avec Israël. Les FDI ont répondu en renforçant leur présence le long de la frontière lourdement fortifiée avec la bande de Gaza. Des instructions ont été données aux officiers et aux soldats de répondre «plus agressivement» à toute tentative de franchir la clôture frontalière ou d’attaquer les soldats.

Des centaines de Palestiniens s’étaient rassemblés samedi près de la frontière pour marquer le 52e anniversaire de l’incendie criminel de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, le troisième site le plus sacré de l’Islam. Construite sur le site du second temple juif détruit par l’Empire romain il y a 2.000 ans, elle est l’un des sites religieux les plus contestés au monde. Bien que l’attaque ait été perpétrée par un touriste australien chrétien mentalement instable, on soupçonne qu’Israël a été activement impliqué dans la planification et la facilitation de la tentative d’incendie.

La mosquée est devenue le symbole des violations constantes des droits fondamentaux des Palestiniens dont la capacité à pratiquer librement leur culte, notamment pendant le ramadan en début d’année. Cela avait accéléré les tensions à l’origine de l’attaque meurtrière d’Israël contre Gaza en mai. Depuis la prise et l’annexion par Israël de la vieille ville de Jérusalem après la guerre israélo-arabe de juin 1967, le temple est devenu un point de tension fréquent, régulièrement pris d’assaut par les colons juifs et les forces de sécurité armées, alors que les fidèles sont refoulés aux portes et que les fondations de la mosquée sont endommagées par le creusement de tunnels.

La chaîne israélienne «Channel 7» a rapporté que des «groupes du Mont du Temple» ont déclaré que le nombre d’incursions de Juifs israéliens dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa avait augmenté de 60 pour cent au cours des trois derniers mois. Quelque 9.804 Juifs israéliens ont pris d’assaut l’enceinte au cours des trois derniers mois, contre 6.133 au cours de la même période l’année dernière.

En vertu d’un accord avec la Jordanie, seuls les musulmans peuvent pratiquer leur culte dans l’enceinte de la mosquée ; les juifs peuvent prier au Mur occidental, situé en contrebas. Mais récemment, le gouvernement israélien nouvellement installé, dirigé par Naftali Bennett, ancien chef d’un conseil de colons de Cisjordanie, a autorisé un nombre croissant de Juifs à y prier, une décision qui exacerbera les tensions à Jérusalem-Est. Alors qu’il semblait initialement confirmer un changement formel de politique, déclarant que toutes les religions auraient «liberté de culte» au Mont du Temple, il a été forcé de reculer après les critiques de la Jordanie et de membres arabes et de gauche de sa coalition, et a déclaré que le statu quo continuerait.

Dans les jours précédant la manifestation de samedi, des combattants palestiniens avaient lancé une roquette, la première depuis le cessez-le-feu du 21 mai, en direction d'Israël, qui a été abattue par le système antimissile israélien ‘Dôme de fer’.

Les ballons et roquettes des Palestiniens visent à obtenir la libération des prisonniers du Hamas détenus dans les prisons israéliennes, la levée du blocus imposé par Israël et l’Égypte depuis 14 ans, et le déblocage des fonds promis par les donateurs internationaux pour la reconstruction de Gaza suite aux guerres criminelles d’Israël contre Gaza en 2008-2009, 2012, 2014 et 2021.

Alors qu’Israël a affirmé que ses 2.750 attaques aériennes et 2.300 les tirs d’obus d’artillerie sur Gaza en mai dernier visaient les usines et entrepôts d’armes des militants palestiniens, la plupart des dégâts (61 pour cent) ont touché le secteur du logement et des infrastructures, 33 pour cent les secteurs économique et commercial (quelque 1.500 établissements économiques détruits ou endommagés) et 7 pour cent le secteur du développement social. Les pertes et les dommages s’élèvent à 479 millions de dollars selon le Haut Comité gouvernemental pour la reconstruction de Gaza ; la Banque mondiale estimait que Gaza avait besoin de 485 millions de dollars pour retrouver l’état de pénurie où elle se trouvait avant la guerre.

Lundi, un troisième rapport de Human Rights Watch (HRW) sur la guerre de mai dernier a paru. Il conclut que les raids aériens israéliens qui ont démoli quatre gratte-ciel dans la ville de Gaza, dont l’immeuble al-Jalaa de 12 étages abritant les bureaux de l’Associated Press et d’Al Jazeera ainsi que de nombreuses familles, avaient aussi endommagé des bâtiments voisins. Ils avaient fait de dizaines de personnes des sans-abri, détruit des dizaines de commerces et avaient «apparemment» violé les lois internationales de la guerre.

Dans ses précédents rapports, HRW avait accusé Israël de crimes de guerre pour des attaques qui, selon l’organisation, n’avaient pas de cibles militaires claires mais avaient tué des dizaines de civils. En même temps, HRW avait déclaré que les actions des groupes palestiniens basés à Gaza qui tiraient des roquettes sans discernement sur les villes israéliennes, constituaient également un crime de guerre. HRW avait demandé à la Cour pénale internationale d’inclure l’attaque de mai dernier contre Gaza dans son enquête en cours sur les éventuels crimes de guerre commis par Israël et les combattants palestiniens.

Le fait qu’Israël prenne pour cible les commerces, les usines et les petites entreprises, ainsi que sa fermeture répétée des frontières de Gaza, a enfoncé encore davantage les Palestiniens dans la pauvreté. Selon l’Organisation internationale du travail, moins de 20 pour cent des personnes en âge de travailler à Gaza ont un emploi, tandis que deux tiers des femmes et des jeunes sont au chômage.

Depuis la guerre, Israël refuse d’autoriser l’entrée à Gaza de matériaux de construction nécessaires à la reconstruction, qui donneraient du travail à 60.000 ouvriers. Israël attend que le Hamas accepte de libérer deux civils israéliens et les corps de deux soldats israéliens. Le Hamas a fait dépendre cette libération à celle des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.

Jeudi dernier, les Nations unies et le Qatar ont convenu d’acheminer l’aide aux familles appauvries de Gaza. 100.000 familles recevront chacune 100 dollars par mois à partir de septembre, à partir de fonds fournis par le gouvernement qatari et distribués par le Programme alimentaire mondial des Nations unies et par des transferts bancaires plutôt que par des transferts directs en espèces. L’accord n’aborde pas la question plus large de la reconstruction de Gaza, ni ne prévoit d’arrangement pour payer les salaires des fonctionnaires du gouvernement dirigé par le Hamas.

Dans un geste manifestement destiné à accroître la pression sur le Hamas et les Palestiniens de Gaza, l’Égypte a confirmé qu’elle fermerait indéfiniment, à partir de lundi, son poste-frontière de Rafah, le seul point d’entrée et de sortie non contrôlé par Israël. Ni le Hamas ni l’Égypte n’ont expliqué la raison de la fermeture de ce point de passage que l’Égypte avait ouvert en mai pour permettre aux blessés de Gaza d’être soignés dans les hôpitaux égyptiens et d’acheminer de l’aide. Hier, le réseau Al Arabiya a rapporté que le Hamas avait accepté de cesser de lancer des ballons incendiaires depuis Gaza à la suite de discussions avec des responsables des services de renseignement égyptiens.

L’attitude de plus en plus agressive d’Israël à l’égard du Hamas à Gaza s’inscrit dans un contexte d’intensification de la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée. Hier, un soldat israélien a abattu un Palestinien de 16 ans après que les forces de sécurité ont pris d’assaut le camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse. Au début du mois, les troupes israéliennes ont abattu un Palestinien et en ont blessé 21 autres lors d’une manifestation à Naplouse, suite à des tirs de balles en caoutchouc.

Israël mène aussi une guerre secrète contre l’Iran, ciblant ses installations nucléaires, ses infrastructures de base et ses transports maritimes. Jeudi dernier, Israël a frappé des camps militaires syriens près de Damas et de Homs, visant des magasins d’armes liés au Corps des gardiens de la révolution islamique de l’Iran et aux milices chiites, dont le Hezbollah libanais. Ces tirs auraient été interceptés par les systèmes de défense aérienne russes de l’armée syrienne.

(Article paru d’abord en anglais le 25 août 2021)

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