Afghanistan: l’évacuation américaine touche à sa fin

Dans les deux derniers jours de leur occupation de l'aéroport de Kaboul, les forces militaires américaines ont été réduites à s’occuper surtout de leur propre évacuation, ont reconnu des responsables du Pentagone. Quelque 2 000 des près de 6 000 soldats américains déployés là sont maintenant partis et plus aucun civil afghan n'est autorisé à entrer dans l'aéroport pour s’embarquer.

Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a déclaré dimanche à Fox News qu'il y avait encore environ 300 civils américains en attente d'évacuation et qu'il n'y aurait aucun problème à les emmener à bord des énormes avions de transport C-17 qui effectuent le gros des évacuations.

Un seul C-17 pourrait facilement accueillir tous les Américains restants, tout en ayant encore de la place pour l'équipement militaire en train d'être retiré. Dans un vol très médiatisé la semaine dernière, 640 adultes afghans et 183 enfants, au total 823 personnes, avaient été entassés à bord.

À la base aérienne de Dover dans le Delaware, le président Joe Biden regarde une équipe de transport de la marine déplacer une caisse de transfert contenant la dépouille d'un membre du corps de la Navy tué lors d'une attaque contre l'aéroport de Kaboul. (AP Photo/Manuel Balce Ceneta )

L'évacuation est dans sa phase finale ; la France et la Grande-Bretagne ont annoncé que tous leurs citoyens et soldats avaient quitté l'Afghanistan. Le commandement militaire américain a demandé aux citoyens américains et afghans de rester à l'écart des portes de l'aéroport en raison de la probabilité d'une attaque terroriste dans les prochaines 24 à 36 heures.

L'attaque de jeudi, qui a tué 13 soldats américains et au moins 160 civils afghans, a eu au moins un effet. Malgré les fanfaronnades de la Maison Blanche et du Pentagone sur la poursuite de leur mission « sans se décourager », les évacuations se sont considérablement réduites depuis l’attentat. Alors que 13 400 personnes ont pris des vols jeudi, avant et après l’attentat, ce chiffre est tombé à 6 800 vendredi et à seulement 2 900 samedi. Environ 1 400 civils de toutes nationalités restent à l'aéroport en attente du contrôle et de l'évacuation.

Des informations non confirmées sont apparues dimanche sur le site de réseaux sociaux Kabul Lovers, disant que de nombreux Afghans tués lors de l'attaque terroriste de jeudi l’avaient en fait été lorsque les troupes américaines ont ouvert le feu sur la place bondée devant l’entrée de l’aéroport afin de la dégager après l’attentat.

Les chaînes de télévision et journaux quotidiens des pays impérialistes ont attribué toutes les morts afghanes de cette atrocité au kamikaze et à ses complices ouvrant le feu sur la foule. Tous agissaient pour le compte de l’État islamique-K (ISIS-Khorasan), selon la déclaration publiée par quelqu'un prétendant parler au nom d'un groupe dont les origines et l'existence même sont assez troubles.

Les responsables talibans n'ont pas suggéré que les troupes américaines étaient responsables des morts de jeudi, même en partie, promettant seulement de mener une enquête rigoureuse pour établir les circonstances de l’attaque.

La probabilité que les troupes américaines ont tiré sur la foule des Afghans qu'elles étaient censées secourir à Kaboul est renforcée par les événements de dimanche. Les forces américaines ont mené une frappe de missile de drone sur un véhicule présumé de l’État islamique-K à Kaboul « éliminant une menace imminente de l’État islamique-K pour l'aéroport international Hamad Karzai », selon un porte-parole du commandement central américain.

Des reporters sur le terrain à Kaboul ont déclaré qu'une famille entière de neuf personnes, dont six enfants, avait été anéantie dans cette attaque de drones qui n'est que le dernier exemple de la guerre systématique menée par l'impérialisme américain contre le peuple afghan.

Cette frappe de missiles de drones était la deuxième attaque en Afghanistan reconnue par le commandement américain depuis l'attentat de jeudi à l'aéroport. Vendredi, un missile de drone avait frappé un véhicule à Jalalabad, la porte d'entrée en Afghanistan depuis le Pakistan. Des responsables américains ont déclaré que deux dirigeants de l’État islamique-K avaient été tués, qualifiés l’un de « planificateur » et l’autre de « facilitateur » mais ils ont reconnu qu'ils n’avaient ni l’un ni l’autre à voir directement avec l'attentat de Kaboul.

Pendant ce temps, une intense activité diplomatique se poursuit entre le gouvernement américain, ses principaux alliés et les talibans. Un communiqué publié dimanche par 98 pays, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, a annoncé un accord avec les talibans pour continuer à autoriser des citoyens afghans à quitter le pays sans entrave après le 31 août, date à laquelle les dernières troupes américaines devraient partir et l'aéroport de Kaboul passer sous contrôle afghan.

« Nous avons reçu des garanties des talibans que tous les ressortissants étrangers et tout citoyen afghan disposant d'une autorisation de voyage de nos pays seront autorisés à se rendre de manière sûre et ordonnée aux points de départ et à sortir du pays », indique le communiqué.

«Nous continuerons à délivrer des documents de voyage aux Afghans désignés et nous attendons clairement et avons l’engagement des talibans qu'ils pourront se rendre dans nos pays respectifs. Nous notons les déclarations publiques des talibans confirmant cette entente. »

La déclaration ne fait que souligner l'étendue de la défaite subie par les grandes puissances impérialistes en Afghanistan. Les milices islamistes qu'ils ont chassées du pouvoir il y a 20 ans et qui ne détenaient apparemment que la périphérie du pays il y a six mois, ont désormais consolidé leur emprise sur toutes les grandes villes, y compris Kaboul, avec ses cinq millions d'habitants.

Sher Mohammad Abbas Stanikzai, un chef taliban et adjoint du mollah Abdul Ghani Baradar, a publié samedi un message vidéo exhortant les Afghans à laisser les États-Unis terminer leur retrait et promettant que le nouveau régime n'empêcherait pas les citoyens afghans de quitter le pays après le 31 août s'ils souhaitent le faire, notamment en utilisant l'aéroport de Kaboul.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies devait se réunir lundi pour se pencher sur une résolution conjointe franco-britannique visant à établir une zone supervisée par l'ONU à Kaboul où les citoyens afghans opposés au nouveau régime pourront trouver un abri et prendre des dispositions pour quitter le pays. Il est presque certain que les talibans s'opposeront à un tel effort comme à une violation de la souveraineté nationale de l'Afghanistan.

Alors que les talibans ont proposé d'autoriser les États-Unis à maintenir une mission diplomatique dans la capitale afghane, l'administration Biden semble l'avoir rejeté, bien qu'un porte-parole du département d'État ait déclaré vendredi que l'administration « discutait activement » de la demande. Tous les diplomates américains à Kaboul sont à l'aéroport et devraient partir d'ici mardi avec le reste des troupes américaines.

(Article paru en anglais le 30 août 2021)

Loading