Des expériences barbares avec la «trousse de médicaments COVID-19» ont tué des centaines de personnes au Brésil

Samedi dernier, un reportage de G1 a montré que le fournisseur privé d’assurance maladie, Prevent Senior, était impliqué dans une sinistre expérience effectuée en mars-avril 2020 qui a médicamenté secrètement des centaines de patients âgés atteints de la COVID-19 avec de l’hydroxychloroquine (HCQ) et de l’érythromycine à leur insu, entraînant la mort d’au moins neuf personnes.

Bolsonaro avec des boîtes d’hydroxychloroquine dans l’une de ses vidéos en direct sur Facebook.

Le reportage montre un directeur d’entreprise, Fernando Okinawa, dans un groupe WhatsApp, qui demande explicitement au personnel médical de cacher aux patients leurs prescriptions d’une combinaison d’hydroxychloroquine et d’érythromycine. Pendant ce temps, le cardiologue Rodrigo Ester, Okinawa et d’autres manipulaient les données des patients en effaçant les informations sur les décès de sept patients sur neuf, afin de publier un article présentant les médicaments comme un traitement efficace pour les patients atteints de la COVID-19. Grâce à ces altérations, ils ont pu prétendre que personne n’était mort en utilisant leur «traitement précoce».

Le reportage sur cette expérience macabre a été publié après que la commission d’enquête du Sénat brésilien (CPI) sur la gestion de la pandémie par Bolsonaro ait reçu fin août une plainte officielle signée par 15 médecins. Ces derniers affirment qu’un accord avait été conclu entre le gouvernement Bolsonaro et la société pour distribuer des médicaments de la «trousse COVID-19» qui comprend de l’hydroxychloroquine, de l’ivermectine et d’autres médicaments dont l’efficacité n’a pas été démontrée ou a été discréditée depuis. La plainte des médecins décrit également comment ils étaient obligés de ne pas porter de masque afin de «disséminer» le virus parmi les patients qui ont servi de «cobayes humains».

Jeudi dernier, la plainte a été corroborée par une fuite de dossiers médicaux de patients. Un autre directeur général de Prevent Senior, Pedro Benedito Batista Jr, a été appelé par le CPI à témoigner sur ces révélations.

Une ressemblance de cet épisode avec les expériences eugéniques barbares entreprises par les nazis a été rapidement identifiée. Des commentaires ont été faits dans les médias faisant référence à Josef Mengele, un officier des SS nazis qui coordonnait des expériences horribles sur des prisonniers dans le camp de concentration d'Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale.

La nature inquiétante de ces pratiques est apparue encore plus clairement ce mercredi lors d’une session CPI avec Batista, lorsqu’on a révélé qu’Anderson Nascimento, un ancien directeur de Prevent Senior, faisait régulièrement référence aux thèmes SS de «l’obéissance et de la loyauté» et tentait de les promouvoir au sein de l’entreprise. Il a été discrètement écarté de l’entreprise en 2017 et travaille désormais dans l’entreprise encore plus grande Hapvida, un fournisseur d’assurance maladie pour 4,8 millions de personnes.

Le sénateur du Parti des travailleurs (PT) Rogério Carvalho a déclaré en séance avoir reçu des informations selon lesquelles Prevent Senior a parcouru les profils des réseaux sociaux de leurs employés en cherchant à licencier «les sympathisants du “parti de gauche” et les adeptes de groupes critiques envers le gouvernement Bolsonaro.»

Loin d’être une exception, cet épisode n’est «que la partie émergée de l’iceberg», a déclaré Bruna Morato, l’avocate représentant les médecins de Prevent Senior. Mercredi, Morato a révélé que des centaines de patients sont morts à la suite des «expériences» menées par l’entreprise jusqu’en avril 2021. En fait, dans un reportage publié en avril par G1, des médecins de Prevent Senior ont raconté qu’ils étaient forcés de continuer à aller travailler après avoir été diagnostiqués de la COVID-19 et de prescrire des «trousses COVID-19» aux patients sans le consentement de leurs familles. Les coordinateurs des hôpitaux ont menacé de licencier les médecins qui refusaient de prescrire ces trousses et ont appliqué des quotas informels pour le nombre de trousses prescrites.

Le directeur Batista – qui est lui-même devenue la cible de l’enquête du CPI après son témoignage mercredi – a noté l’apparente régularité avec laquelle des individus fascisants étaient pris sous l’aile de l’entreprise et placés à des postes administratifs. Dans un tweet, il a encouragé les médecins à «tester autant que possible», c’est-à-dire à utiliser des médicaments non prouvés ou discrédités pour le traitement de la COVID-19 afin de «tester» la réaction des personnes âgées.

Les falsifications de données elles-mêmes ne se limitaient pas qu’à l’expérience macabre de la société, mais avaient été adoptées dans le cadre de ses protocoles généraux. Dans des groupes WhatsApp, des responsables de la société encourageaient le personnel médical à modifier les dossiers des patients diagnostiqués avec la COVID-19 14 ou 21 jours après le début de leurs symptômes, les supprimant de la liste des cas de COVID-19. Une falsification aussi flagrante permettait à l’entreprise de déclarer un taux plus élevé de réussite du traitement des cas de COVID-19, modifiant la cause du décès des patients décédés après la période de deux ou trois semaines vers par une insuffisance rénale, une insuffisance cardiaque ou toute autre complication attendue dans les cas graves de COVID-19.

L’exigence que les médecins prescrivent des traitements à la COVID-19 sans preuve scientifique n’est pas isolée à Prevent Senior. Un médecin de Hapvida, dans l’État du Ceará, a déclaré sous couvert d’anonymat: «Tous les médecins qui travaillent dans le personnel clinique de l’hôpital Antônio Prudente [la capitale du Ceará] savent que des pressions sont appliquées pour prescrire la trousse [COVID-19]». Selon un reportage de Repórter Brasil, les deux entreprises ont continué à forcer le personnel médical à prescrire de l’hydroxychloroquine, de l’ivermectine et d’autres médicaments non prouvés ou discrédités à leurs patients au moins jusqu’en avril de cette année, tout en archivant de multiples plaintes de médecins qui refusaient de prescrire ces médicaments à leurs patients.

Bolsonaro promeut les essais cliniques non approuvés de Prevent Senior

Depuis le début de la pandémie, le président brésilien Jair Bolsonaro a été au centre d’une campagne antiscientifique qui vise à justifier la réouverture totale de l’économie sans aucun frein à la propagation du virus. Il a promu de manière agressive l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour traiter la COVID-19 tout au long de la pandémie.

En avril 2020, le président fasciste, les membres de sa famille et un avocat fédéral proche du président, Ailton Benedito, ont commencé à promouvoir l’article de Prevent Senior sur Twitter quelques jours après sa publication. Bolsonaro a également reçu le directeur de la société, Batista, lors d’une réunion en direct pour promouvoir les faux traitements COVID-19.

Une vidéo obtenue par Metrópoles montre Batista déclarant qu’il partage «tout le temps» les données médicales de Prevent Senior avec le gouvernement fédéral. Parallèlement, l’un des conseillers médicaux de Bolsonaro, Paolo Zanotto, a aidé l’entreprise à élaborer ses protocoles médicaux pour la COVID-19.

À l’époque, les déclarations antiscientifiques du président en faveur de médicaments discrédités pour traiter les patients atteints de COVID-19 étaient déjà un élément essentiel de sa campagne qui visait à cultiver un mouvement d’extrême droite. Son message Twitter faisant la promotion de l’étude de Prevent Senior a été publié un jour avant un rassemblement fasciste devant le siège de l’armée dans la capitale brésilienne, au cours duquel il est apparu pour exiger la fermeture du Congrès et de la Cour suprême pour avoir soutenu les fermetures partielles d’activités économiques qui visaient à contenir la pandémie décrétées par les gouverneurs et les maires.

Le fait que des expériences aussi barbares aient été imposées à plusieurs hôpitaux ne peut être qualifié que d’effroyable crime contre l’humanité.

L’utilisation de «trousses COVID-19» a été systématiquement imposée par Prevent Senior sans le consentement de milliers de familles et avec le soutien direct du président Bolsonaro. De façon inquiétante, cette expérience barbare sur les personnes âgées a été directement défendue par ce même président aux Nations unies.

Montrant qu’il est prêt à poursuivre sans complexe une politique délibérée d’immunité collective par l’infection de masse, Bolsonaro a défendu les «traitements précoces» lors de la session d’ouverture de l’Assemblée générale des Nations unies et a laissé entendre qu’il ne financerait plus aucun achat de vaccins après novembre. Cela s’est passé cinq jours après que le reportage de Globo sur Prevent Senior a révélé les expériences barbares sur les personnes âgées. Mardi, le cabinet du président a envoyé des suggestions de questions pour la session du CPI de mercredi avec Batista, qui mettrait en avant les avantages des «traitements précoces».

Lorsque l’«étude» de l’entreprise a été réalisée en mars-avril 2020 et publiée en tant que version préimprimée, la Commission nationale d’éthique de la recherche (Conep) l’a fait rétracter rapidement. Les essais cliniques sur des sujets humains avaient été entièrement réalisés sans même avoir reçu l’autorisation de commencer. Depuis lors, Bolsonaro n’a jamais reconnu leurs implications éthiques, et encore moins présenté d’excuses. Bien au contraire, il a poursuivi et redoublé sa campagne contre les confinements et en faveur des «traitements précoces».

L’idéologie fasciste qui se développe dans le cadre de la politique d’immunité collective ouverte de Bolsonaro trouve son terreau dans l’état maladif du système capitaliste au Brésil et au niveau international et dans la réponse criminelle des classes dirigeantes mondiales à la pandémie de COVID-19.

Dans le monde entier, des millions d’enfants sont renvoyés à l’école avec la conséquence attendue qu’ils seront infectés, développeront la «COVID longue» et d’autres symptômes et mourront en masse. Au Royaume-Uni, le gouvernement de Boris Johnson a renvoyé 10 millions d’enfants à l’école alors même que son médecin-chef adjoint déclarait: «Je pense que c’est tout à fait inévitable qu’ils soient [infectés] à un moment donné.»

La lutte contre les politiques de mort de masse imposées par le capitalisme en réponse à la COVID-19 et les tendances fascistes qui se développent dans différents pays nécessite une lutte de la classe ouvrière internationale pour renverser le capitalisme et établir une société socialiste.

(Article paru en anglais le 24 septembre 2021)

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