Wall Street enregistre sa plus forte baisse d’un mois depuis le début de la pandémie

Septembre a été le pire mois pour Wall Street depuis l’effondrement de mars 2020 au début de la pandémie, dans un contexte de problèmes croissants pour l’économie américaine et mondiale.

L’enseigne d’un immeuble de Wall Street, mercredi 19 mai 2021, à New York (Photo: AP Photo/Mark Lennihan)

Les trois principaux indices ont terminé le mois jeudi avec des baisses significatives. Le Dow a perdu 547 points, soit 1,6 pour cent, le S&P 500 1,2 pour cent et le NASDAQ 0,4 pour cent. Les baisses mensuelles des trois indices sont respectivement de 4,3 pour cent, 4,8 pour cent et 5,3 pour cent.

La chute est alimentée par plusieurs facteurs qui agissent de concert: l’inflation, la perspective d’une hausse des taux d’intérêt, le conflit sur le plafond de la dette américaine et un ralentissement de la production en Chine qui résulte d’une crise énergétique.

Sur le front de l’inflation, malgré le mantra du chef de la Réserve fédérale, Jerome Powell, et d’autres banquiers centraux, selon lequel la poussée est due à des facteurs temporaires qui s’atténueront lorsque les économies commenceront à se remettre des effets de la pandémie, les marchés craignent de plus en plus qu’ils deviennent permanents.

Cette semaine, le prix du pétrole a dépassé les 80 dollars le baril, alors que les prix du gaz naturel ont grimpé en flèche.

S’adressant mercredi à une commission des services financiers de la Chambre des représentants, Powell a maintenu sa position selon laquelle la hausse des prix était temporaire. Il s’attend à ce qu’elle s’inverse, mais n’a pu donner aucune indication sur le moment où cela pourrait se produire.

La flambée des prix, a-t-il dit, est une «fonction des goulots d’étranglement du côté de l’offre sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. Nous nous attendons à ce que l’inflation élevée diminue, car nous pensons que les facteurs qui en sont la cause sont temporaires et liés à la pandémie et à la réouverture de l’économie.»

En réponse à des questions, Powell a déclaré que la Réserve fédérale se retrouverait dans une «situation très difficile» si l’inflation continuait à dépasser l’objectif de 2 pour cent de la Réserve fédérale alors que l’économie était «loin» du plein emploi. Si l’inflation diminuait d’elle-même, la Réserve fédérale n’aurait pas à faire face au «compromis difficile» consistant à relever les taux d’intérêt alors que le marché du travail est toujours atone.

Mais jusqu’à présent, peu de signes indiquent que l’inflation va se résorber. Au début du mois, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié une projection révisée qui indique qu’elle s’attendait à ce que l’inflation soit plus élevée en 2021 et 2022 que ce qu’elle avait prévu précédemment.

L’économiste en chef de l’OCDE, Laurence Boone, a déclaré que l’inflation placerait les responsables politiques devant un «difficile exercice d’équilibre».

Un reportage du Financial Times (FT) sur les dernières projections de l’OCDE a donné un aperçu de l’économie politique derrière l’insistance de Powell et d’autres sur le fait que le pic d’inflation est temporaire.

Selon le FT: «Boone a déclaré qu’une communication cohérente sur la nature temporaire d’une grande partie de l’inflation contribuerait à empêcher les entreprises et les ménages de penser qu’il serait juste d’augmenter les prix et d’exiger des salaires plus élevés, ce qui ferait que l’inflation plus élevée durerait plus longtemps et deviendrait plus dommageable».

Ce que les cercles de politique économique craignent le plus est que le cycle actuel des prix déclenche une lutte pour des salaires plus élevés dans la classe ouvrière – dont les indications sont de plus en plus nombreuses – pour compenser les réductions du niveau de vie qui ont déjà eu lieu.

Un autre facteur de la nervosité croissante des marchés est la crainte que les banques centrales ne relèvent les taux d’intérêt plus tôt que prévu. Wall Street a été encouragé par la dernière réunion de la Réserve fédérale, les 21 et 22 septembre, et les indices du marché ont monté même si Powell a indiqué que la banque centrale annoncerait très probablement une réduction progressive de ses achats d’actifs mensuels de 120 milliards de dollars lors de sa réunion de novembre.

En effet, il a insisté sur le fait que toute décision de relever le taux d’intérêt de base de la banque centrale, qui était pratiquement nul, n’interviendrait pas avant la fin du processus de réduction progressive. Mais l’annonce ultérieure par la Banque d’Angleterre qu’elle envisageait de resserrer sa politique monétaire d’ici la fin de l’année a déclenché une vague de ventes.

Les faibles taux d’intérêt et les milliers de milliards de dollars d’achats d’actifs par la Réserve fédérale et d’autres banques centrales depuis 2008 – un processus qui s’est accéléré en raison de la pandémie – ont alimenté la hausse du marché boursier, mais il y a certains avertissements d’un brusque retournement de situation.

Mike Lewis, responsable des transactions sur actions américaines chez Barclays, a déclaré au FT cette semaine: «Le jeu va fonctionner jusqu’à ce qu’il ne fonctionne plus et quand il ne fonctionnera plus… Je prévois quelque chose de très violent. Je pourrais voir un véritable effondrement du marché des actions. On a eu 14 ans de comportement accommodant des banques centrales, coordonné au niveau mondial».

Les prix des obligations ont commencé à baisser, entraînant une hausse des taux d’intérêt – les deux ont une relation inverse. Cette semaine, le rendement de l’obligation du Trésor à 10 ans – une référence pour les marchés financiers américains et mondiaux – est passé de 1,31 pour cent la semaine précédente à 1,55 pour cent – une augmentation apparemment minime, mais qui représente une hausse considérable dans le monde des transactions obligataires.

Le conflit concernant le relèvement du plafond de la dette américaine ajoute à l’incertitude du marché. Alors qu’une résolution adoptée par le Congrès jeudi a permis d’éviter une fermeture immédiate du gouvernement américain et de fournir des fonds à la plupart des ministères jusqu’au 3 décembre, la question du relèvement du plafond de la dette n’est toujours pas résolue.

Et ce, malgré les avertissements répétés de la secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen, selon lesquels l’absence de relèvement aurait des conséquences «catastrophiques» si le gouvernement américain faisait défaut sur sa dette. Les républicains ont refusé de voter en faveur de ce relèvement au motif que cela reviendrait à approuver le programme de dépenses des démocrates. En fait, le relèvement du plafond n’autorise pas de nouvelles dépenses, il rend simplement possibles les dépenses votées par le Congrès.

S’adressant à une conférence d’affaires à la suite de son témoignage devant la commission bancaire du Sénat, Yellen a déclaré qu’un Congrès dysfonctionnel pourrait constituer une menace plus importante pour l’économie américaine que la pandémie.

Le président de la Réserve fédérale de New York, John Williams, a prévenu que si aucun accord n’était conclu, les investisseurs deviendraient «extrêmement nerveux», ce qui entraînerait une «réaction extrême des marchés».

La nervosité des marchés financiers est aggravée par les problèmes financiers et économiques croissants de la Chine. Si le sentiment général est que les problèmes qui entourent le promoteur immobilier Evergrande, criblé de dettes, peuvent être maîtrisés – ce qui n’est pas du tout certain – d’autres problèmes apparaissent.

Cette semaine, l’indice officiel des directeurs d’achat de l’industrie manufacturière chinoise, un indicateur de l’activité des usines, est tombé à 49,6 en septembre. C’est la première fois qu’il est passé sous la barre des 50 points qui marque la limite entre contraction et expansion, depuis le début de la pandémie en février 2020.

Cette baisse est le produit de graves pénuries d’électricité et d’un ralentissement dans le secteur de l’immobilier.

Les pénuries d’électricité ont touché au moins 10 provinces chinoises. Les compagnies d’électricité n’ont pas été en mesure de répondre à la demande croissante des industries en raison de la hausse du prix du charbon et d’autres sources d’énergie, ainsi qu’à cause de l’augmentation des coûts imposés pour atteindre les objectifs du gouvernement en matière d’émissions.

En début de semaine, Bloomberg a rapporté que les principales entreprises publiques du secteur de l’énergie – charbon, électricité et pétrole – avaient reçu l’ordre de garantir l’approvisionnement pour l’hiver «à tout prix», la directive émanant du vice-premier ministre Han Zhen qui est responsable du secteur énergétique et de la production industrielle du pays.

L’économiste en chef pour la Chine de la société financière japonaise Nomura, Ting Lu, a déclaré au FT que les problèmes d’électricité en Chine ont peut-être été sous-estimés en raison de l’attention portée à Evergrande.

«Le choc de l’approvisionnement en électricité dans la deuxième plus grande économie et le plus grand fabricant du monde se répercutera sur les marchés mondiaux», a-t-il déclaré.

(Article paru en anglais le 2 octobre 2021)

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