Des travailleurs de la santé et des infirmières des États-Unis réclament des ratios de personnel sécuritaires

Dans le sillage de la réouverture des écoles aux États-Unis en août et septembre, la dernière vague de COVID-19 a donné lieu à une vague de manifestations et de grèves des travailleurs de la santé contre les conséquences horribles de la gestion de la pandémie par la classe dirigeante. Les travailleurs ont reçu l’ordre de retourner au travail et toutes les préoccupations en matière de sécurité ont été écartées pour garantir les profits. Selon les chiffres officiels – qui sont sans doute largement sous-estimés – près de 700.000 personnes sont mortes de la maladie rien qu’aux États-Unis. La normalisation de la mort, dont les travailleurs de la santé sont témoins à des niveaux sans précédent, suscite un très grand mécontentement parmi ces travailleurs.

L’ambulancière Giselle Dorgalli, deuxième à partir de la droite, regarde un moniteur tout en effectuant une compression thoracique sur un patient porteur du coronavirus dans la salle d’urgence du centre médical Providence Holy Cross dans le quartier de Mission Hills à Los Angeles. (AP Photo/Jae C. Hong, File) [AP Photo/Jae C. Hong, File]

Aucune mesure d’atténuation sérieuse n’a été prise, et encore moins d’efforts pour éliminer la pandémie. Les hôpitaux et les salles d’urgence, qui manquaient déjà cruellement de personnel avant la pandémie, se sont remplis au point d’être obligés de refuser des patients. Beaucoup n’ont plus de lits, et les patients doivent dormir dans les couloirs. Le personnel hospitalier est contraint de recourir au triage – pour décider qui reçoit des soins et qui n’en reçoit pas, qui vit et qui risque de mourir – en fonction des ressources limitées dont il dispose. Ces choix morbides font partie des principaux griefs formulés par les travailleurs de la santé. La demande de ratios de personnel sécuritaires revient essentiellement à demander au système de soins de santé de remplir sa mission officielle: soigner les malades.

L’Union internationale des employés des services (SEIU) représente le personnel du centre médical Sutter Delta d’Antioch, en Californie, où les travailleurs de la santé ont voté en faveur d’une grève qui débutera en octobre en raison des ratios de personnel insuffisants. Marissa Currie, porte-parole de Sutter Delta, a réagi à l’annonce de la grève avec condescendance, déclarant que la direction et le syndicat continueront d’essayer de trouver un accord «pour éviter une grève coûteuse et rester concentrés sur notre engagement commun en faveur des soins aux patients à un moment où nos communautés ont le plus besoin de nous.»

Jennifer Stone, technicienne aux urgences de Sutter, a déclaré au Beckers Hospital Review: «Nous portons trop de chapeaux, nous parlons à des patients COVID en colère, puis nous devons intervenir dans un cas d’urgence, puis nous parlons à des membres de la famille qui viennent de perdre un être cher. Nous ne pouvons pas donner des soins adéquats. On nous néglige et on nous laisse nous débrouiller seuls, et nous ne pouvons plus tout faire.»

Ce n’est pas la première fois que la colère des travailleurs de la santé éclate en Californie à cause des ratios de personnel. En juillet, 1.400 infirmières de l’USC Keck & USC Norris Cancer Hospital de Los Angeles ont mené une grève de deux jours pour dénoncer des ratios de personnel dangereux.

Le SEIU a une longue histoire d’étranglement des luttes des travailleurs de la santé. Rien qu’en juin, le SEIU a annulé trois grèves distinctes [article en anglais] de travailleurs de maisons de retraite au Connecticut. Toutes ces grèves étaient motivées par la demande de ratios de personnel sécuritaires.

Un appel à des effectifs sécuritaires a également été lancé à l’hôpital Mercy de South Buffalo, dans l’État de New York, où les travailleurs ont été contraints de travailler pendant les heures de repas et les pauses pour compenser le manque de personnel. En outre, les fournitures médicales viennent à manquer, un problème fréquemment signalé par les travailleurs de la santé tout au long de la pandémie. New York compte 2.410.000 cas de COVID-19 recensés, avec quelque 55.000 décès et une moyenne de 2.224 hospitalisations sur 7 jours. L’année dernière, au moins 2.334 adultes décédés de la COVID-19 auraient été placés dans une fosse commune sur Hart Island, et de nombreux corps de victimes décédées ont été conservés dans des camions frigorifiques pendant de longues périodes.

L’Oregon demande maintenant des camions frigorifiques pour conserver la multitude de corps qui se sont empilés en raison des politiques d’«immunité collective», qui ont permis la libre propagation de l’infection et de la mort. Les hôpitaux de l’Oregon enregistrent en moyenne 1.000 hospitalisations par jour, avec seulement 8% des lits disponibles. Une enquête menée dans les hôpitaux Kaiser Permanente de l’État a montré que 42% de ses infirmières résidentes envisagent de quitter la profession en raison du taux d’épuisement élevé dû à la pandémie. Les infirmières tentent de conclure un nouvel accord contractuel, car le contrat actuel expire jeudi. Kaiser ne propose qu’une maigre augmentation de 1% pour toutes les infirmières et une augmentation forfaitaire de 1% pour chaque année suivante du contrat.

Au début du mois, Ray Martin DeMonia, résident de l’Alabama, est décédé après avoir subi un accident cardiaque. Il n’était pas atteint de la COVID-19, mais il s’est vu refuser l’accès à 43 hôpitaux différents dans trois États du sud du pays, alors qu’il cherchait de l’aide pour son état. Il est mort à plus de 300 km de chez lui, dans le Mississippi voisin, à la recherche d’un hôpital capable de le soigner.

Le 6 septembre, les infirmières de l’hôpital de l’Université d’Alabama à Birmingham (UAB) ont débrayé pendant une journée, se disant «en sous-effectif, surchargées de travail et sous-payées.» Une vingtaine d’employés du service des urgences ont pris leur service avec deux heures de retard en signe de solidarité. La Dre Lindsey Harris, s’exprimant au nom de l’Association des infirmières d’Alabama, a lancé un appel à l’université, déclarant que «si ces problèmes ne sont pas résolus, l’UAB et les hôpitaux de l’État risquent de perdre leurs infirmières au profit d’emplois dans d’autres États.»

Au Massachusetts, où l’on a enregistré plus de 800.000 cas et 18.500 décès confirmés, la plus longue grève des infirmières de l’histoire de l’État se poursuit à l’hôpital Saint Vincent de Worcester, propriété de Tenet Healthcare. Là encore, la principale revendication des infirmières porte sur des ratios de personnel sécuritaires. Alors que la Massachusetts Nurses Association (MNA) négocie depuis plus de six mois, à huis clos, pour parvenir à un accord, les infirmières n’ont toujours pas reçu d’indemnités de grève. Tenet a fait appel à 164 briseurs de grève dans le but de remplacer définitivement les grévistes. La stratégie de la MNA a été de mener des négociations prolongées pendant que les travailleurs qu’il représente nominalement sont lentement affamés sur les piquets de grève.

La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le représentant américain Jim McGovern ont rencontré la MNA au début du mois, le lendemain de l’anniversaire du sixième mois de la grève, pour s’aligner sur la bureaucratie syndicale et se poser en défenseurs des infirmières. Cette rencontre fait suite à plusieurs visites de la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren, au cours desquelles elle a déclaré aux infirmières qu’elle resterait à leurs côtés jusqu’à ce que Tenet passe un accord. Ce sont les représentants du même parti qui a fait appel à la garde nationale pour la grève des infirmières dans le Connecticut [article en anglais] au début de l’année et qui menace maintenant de faire de même à New York.

Les travailleurs de la santé ne se battent pas seulement contre la COVID-19 et le système de santé privé, mais aussi contre les syndicats qui, à chaque fois, sabotent leurs luttes et s’efforcent de les empêcher d’établir des liens avec leurs frères et sœurs dans tout le pays. Pour faire avancer leur lutte, les travailleurs de la santé doivent rompre avec les syndicats propatronaux et former des comités de la base, s’unir internationalement avec les travailleurs de toutes les industries pour éradiquer la COVID-19 et mettre fin au système de soins de santé à but lucratif.

(Article paru en anglais le 28 septembre 2021)

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