«La main-d’œuvre est prête à se battre pour ses droits, non seulement les siens, mais aussi ceux des futurs travailleurs»

Les travailleurs de John Deere parlent de leur bataille contre la direction et l’UAW

Pour entrer en contact avec le World Socialist Web Site afin de discuter de la formation d’un comité de la base, les travailleurs de John Deere peuvent envoyer un courriel à deerewrfc@gmail.com ou un SMS au (484) 514-9797.

Les travailleurs de John Deere sont furieux de l’annonce soudaine faite par le syndicat United Auto Workers (UAW) vendredi dernier selon laquelle il était parvenu à un accord pour un nouveau contrat de travail de six ans avec le fabricant d’équipements lourds et agricoles Deere & Co. L’UAW a annoncé cet accord, qui couvre 10.000 travailleurs dans des usines de l’Iowa, de l’Illinois et du Kansas, moins de 24 heures après avoir annoncé qu’il y aurait une prolongation de deux semaines de l’ancien contrat, qui expirait à minuit le 30 septembre.

Un ouvrier de l’usine John Deere de Waterloo, dans l’Iowa (Twitter/John Deere)

Les travailleurs se sont rendus sur Facebook pour dénoncer l’UAW. Un commentaire sur la page Facebook de la section 838 de l’UAW a résumé l’attitude de larges pans des travailleurs: «Trahir les membres de son syndicat une fois de plus!»

Un autre travailleur a commenté: «Compte tenu de tout ce que l’UAW International a fait au cours des deux dernières années, combien d’arrestations, combien d’embarras et de scandales, de cotisations supplémentaires payées, pour quoi, RIEN!!! Aussi mauvais, sinon pire, que le patronat américain lui-même. C’est le moment où ils devraient tout faire pour prouver à nouveau qu’ils sont dignes de confiance et se battre pour NOUS!!!»

Mais l’éviction de cadres syndicaux – y compris deux présidents internationaux qui se sont fait prendre en train de recevoir des pots-de-vin des entreprises et de détourner des fonds syndicaux – n’a pas changé le caractère propatronal de l’UAW. Le président international de l’UAW, Ray Curry, a déclaré: «Notre équipe de négociation nationale de l’UAW John Deere a travaillé sans relâche.» Il ne fait guère de doute que le contrat a été rédigé par les comptables et les avocats de Deere il y a longtemps, et la seule chose que les bureaucrates du syndicat ont faite sans relâche est de faire passer l’accord sans qu’il y ait de rébellion de la part de la base.

En juillet, Curry a à peine réussi à contenir une révolte des travailleurs de Volvo Trucks en Virginie, qui ont formé un comité de la base et se sont organisés pour faire échouer quatre accords soutenus par l’UAW. Il a obligé les travailleurs à revoter sur l’accord rejeté, puis a prétendu qu’il avait été adopté par une avance de 17 voix sur les 2.369 bulletins comptés et a mis fin à leur grève. Le syndicat est maintenant confronté à un autre bouleversement après que les travailleurs des pièces automobiles de Dana, qui ont également mis en place un comité indépendant de la base, ont rejeté par 9 voix contre 1 un contrat soutenu par l’UAW et le syndicat des Métallos.

Dans des commentaires adressés au World Socialist Web Site, un travailleur de Dana a parlé de la lutte commune à laquelle sont confrontés les travailleurs de Dana et de Deere. «Je ne comprends pas pourquoi ils ne paient pas plus d’argent et ne donnent pas plus de primes à leurs employés. C’est nous qui générons cet argent. Ils voulaient nous offrir une prime à l’embauche de 1.000 dollars. C’est une gifle parce que les salariés, dans quelques mois, recevront probablement une prime bien plus élevée que cela. Ils sont avides et s’en moquent. Je vis dans une ferme, et je sais ce que coûtent ces machines Deere. Je déteste la façon dont l’UAW et l’USW payent leurs meilleurs éléments pour qu’ils vivent grassement alors que nous nous démenons pour gagner notre vie».

Le syndicat a annoncé que le vote de ratification du contrat, au moins pour certaines usines, est prévu pour le 10 octobre.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’UAW n’a pas encore publié les détails de son accord avec Deere. Un bref communiqué de presse affirme que l’accord contient des «gains économiques importants». Mais l’UAW a dit la même chose en 2015, lorsqu’elle a fait adopter à la hâte un contrat au rabais sans donner aux travailleurs le temps de l’étudier, puis il a prétendu qu’il avait été adopté par seulement 200 voix tandis que fusaient les accusations de fraude électorale. En fait, les travailleurs de Deere sont déterminés à récupérer plusieurs décennies de concessions soutenues par l’UAW, notamment l’augmentation des coûts de l’assurance maladie et le système de salaire à deux niveaux qui a été introduit pour la première fois en 1997.

Les travailleurs ont déclaré au WSWS que l’UAW ne prévoit pas de partager le contrat dans sa totalité avec les travailleurs, mais seulement des «points saillants» sélectionnés, comme elle l’a fait lors des négociations contractuelles de 2015. Le résumé édulcoré est censé être remis aux travailleurs le vendredi et le samedi avant le vote du dimanche 10 octobre.

Un travailleur de Deere de Waterloo, dans l’Iowa, a déclaré au WSWS que les travailleurs de son usine avaient voté à 70 pour cent pour rejeter l’accord soutenu par l’UAW en 2015, «et pourtant, le contrat est passé». Il a décrit l’impact des concessions que l’UAW a accordées à Deere dans le dernier contrat. «Nous avions l’habitude de payer une quote-part de 5 dollars pour les inhalateurs et autres produits nécessaires à notre santé; maintenant, un inhalateur coûte 30 dollars. La quote-part pour les visites chez le médecin a également grimpé en flèche. Même si je comprends que tout le monde ne bénéficie pas de ces excellents avantages, nous travaillons pour une entreprise qui gagne des milliards de dollars et qui oblige ses employés à faire des heures supplémentaires en masse».

De nombreux travailleurs de Deere ont contacté le WSWS pour exprimer leur méfiance à l’égard du syndicat. Ils s’opposent également au refus de l’UAW de faire quoi que ce soit pour améliorer les conditions de travail, la santé et la sécurité, y compris son refus de mettre en place des mesures pour arrêter la propagation de la COVID-19 sur leurs lieux de travail.

«Les installations de Waterloo n’ont pas été mises à jour ou rénovées depuis très longtemps», a déclaré le travailleur au WSWS. «La plomberie des salles de bain est fichue, et il y a peut-être de l’amiante qui tombe des plafonds. Ce ne sont pas les meilleures conditions de travail pour les personnes qui sont obligées d’y passer beaucoup de temps. J’ai signalé à l’entreprise que les toilettes et les installations en général avaient besoin d’attention, mais en vain. La COVID a frappé, et ces toilettes n’ont jamais été nettoyées en profondeur. Tout ce que Deere prétendait faire dans le cadre du protocole COVID n’était que de la poudre aux yeux. Lorsque les gens ont commencé à présenter des tests positifs, ils ont été mis à la porte, mais leurs locaux n’ont jamais été désinfectés, et quelqu’un d’autre l’a remplacé à contrecœur dans la minute suivante».

Il poursuit: «Avec ce nouveau contrat, les tensions sont extrêmement fortes. Le syndicat a fait voter tout le monde pour le droit de grève, et tout le monde s’est inscrit pour les créneaux horaires de piquetage. Lorsque nous sommes entrés au travail jeudi soir, nous nous attendions à débrayer et à faire grève. À 11h59, on nous a dit de retourner au travail. Quelque chose me dit que c’était prédéterminé. La main-d’œuvre est pleine de gens qui sont prêts à se battre pour leurs droits, mais aussi pour l’avenir des travailleurs comme eux. Mais, encore une fois, le syndicat, qui s’affaiblit rapidement, nous laisse tomber. C’est le même syndicat qui a eu des problèmes de détournement de fonds et qui a été pris dans de nombreuses situations qui ont prouvé que les cotisations syndicales des employés ne servaient qu’à améliorer la vie de ceux qui sont haut placés dans l’UAW. Je ne sais pas comment tant de gens peuvent encore avoir de l’espoir. J’approuve et j’aime les attitudes optimistes, mais combien de fois faut-il que quelqu’un vous déçoive avant que vous ne finissiez par lâcher prise? C’est comme être dans une relation toxique, où vous voulez voir le bien chez quelqu’un, mais il ne vient littéralement jamais».

«Les membres du comité, les plus hauts responsables du syndicat, sont assis à un bureau confortable, les pieds surélevés, pendant 20 à 30 heures par semaine, tout en obtenant la moyenne des heures supplémentaires de chacun dans l’usine. Nous les voyons faire leurs rondes pour bavarder, mais lorsqu’il s’agit de situations graves, ils sont introuvables. Lorsqu’il s’agit de poser des questions sur ce qui se passe avec ce contrat, rien. Le résultat est probablement prédéterminé depuis un certain temps. Je pensais que c’était le moment ou jamais pour Deere, puisqu’ils se battent pour trouver de l’aide, mais les jeux continuent. Les sociétés américaines, bien qu’elles soient riches, ruinent aussi le commerce. Les prix de tout sont en hausse, et pour quelqu’un qui travaille dans un endroit aussi prestigieux que John Deere et qui n’est pas en mesure de s’offrir des choses, c’est époustouflant. Nous devons budgétiser nos revenus, alors que les plus hauts responsables achètent des jets privés et des îles. On parle de plusieurs milliards. Est-ce qu’on va recevoir notre part un jour?»

Le Bulletin des travailleurs de l’auto du WSWS a publié une déclaration qui dénonçait les tentatives de l’UAW de cacher le contrat complet. «Les travailleurs ont le droit de savoir ce que contient réellement le contrat! Alors que les premiers reportages indiquent que l’UAW pourrait cette fois-ci publier des “points saillants” un jour ou deux avant les votes, cela reste totalement inacceptable, empêchant les travailleurs de prendre une décision réellement informée. Les travailleurs doivent exiger la publication du contrat complet, avec toutes les lettres et tous les protocoles d’accord, et au moins une semaine pour l’étudier et en discuter. Aucune raison légitime n’existe pour laquelle cela ne peut pas se faire».

La nécessité de créer des comités de la base est la tâche la plus urgente à laquelle sont confrontés les travailleurs de Deere. Des comités de base doivent être mis en place afin de lutter contre la conspiration UAW-Deere contre les travailleurs en se partageant les informations entre les usines, en organisant une campagne pour faire échouer le contrat de capitulation et en unissant leur lutte avec les 3.500 travailleurs du fabricant de pièces automobiles Dana Cie, les travailleurs de Caterpillar et de Case IH et d’autres sections de travailleurs.

Pour entrer en contact avec le World Socialist Web Site afin de discuter de la formation d’un comité de la base, les travailleurs de John Deere peuvent envoyer un courriel à deerewrfc@gmail.com ou un SMS au (484) 514-9797.

(Article paru en anglais le 4 octobre 2021)

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