10.000 travailleurs de Superstore en Alberta votent très largement en faveur de la grève

Dix mille travailleurs employés dans les épiceries Real Canadian Superstore de l’Alberta ont voté à 97% en faveur d’une grève la semaine dernière, avec un fort taux de participation dans toute la province.

Un Real Superstore en Alberta (WSWS)

Les travailleurs sont déterminés à obtenir de meilleurs salaires, des améliorations aux horaires imprévisibles et une protection contre l’infection à la COVID-19.

Ce vote décisif survient alors que les travailleurs des épiceries ont enduré des mois de conditions très dangereuses pendant la pandémie, tout en ne recevant qu’un salaire de misère comme compensation. Sur les 40 magasins Superstore de l’Alberta, il y a eu des éclosions de COVID-19 dans au moins 30 magasins au cours de la pandémie. Plusieurs employés d’épiceries sont morts après avoir contracté la COVID-19 au travail.

La situation s’est considérablement aggravée au cours des deux derniers mois, suite à la décision prise en juillet par le premier ministre du Parti conservateur uni (PCU), Jason Kenney, de démanteler toutes les mesures de santé publique restantes. Cette décision téméraire a exposé les travailleurs des épiceries, et toutes les autres sections de la classe ouvrière, à une quatrième vague effrayante de la pandémie qui a submergé les hôpitaux de la province et a fait en sorte que certains patients se sont vu refuser des soins vitaux.

Loblaws Inc, le géant national de la vente au détail de produits alimentaires qui possède Real Canadian Superstore, ainsi que plusieurs autres chaînes de vente au détail et de pharmacies, a annoncé qu’il donnerait à ses employés un «salaire de héros» au début de la pandémie. La maigre augmentation de salaire de 2$ l’heure a été éliminée de manière tristement célèbre trois mois plus tard, en juin 2020.

Pendant tout ce temps, les dirigeants de Loblaws se sont gavés de salaires et de primes gargantuesques. En 2020, la rémunération du président exécutif du conseil d’administration de Loblaws, Galen G. Weston Jr., s’est élevée à 3,55 millions de dollars, tandis que la présidente sortante de l’entreprise, Sarah Davis, a gagné la somme obscène de 6,4 millions de dollars.

Les travailleurs de Superstore en Alberta sont membres du syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), qui a déclaré que les négociations avec Loblaws sont en cours depuis plus d’un an. Malgré cela, le syndicat n’a pas indiqué publiquement qu’il avait l’intention de donner suite au mandat de grève. Au contraire, il a pratiquement exclu toute action de grève. «Ironiquement, le but d’un vote de grève est de tenter d’éviter une grève», a fait remarquer Richelle Stewart, secrétaire-trésorière de la section locale 401.

Interrogé par l’EdmontonJournal, le président de la section locale 401 des TUAC, Thomas Hesse, a déclaré que les négociations devaient reprendre entre le syndicat et Loblaws le 27 septembre et se terminer le 1er octobre. Dans une mise à jour sur les négociations publiée le 30 septembre, la section locale 401 a déclaré que les pourparlers progressaient lentement.

Un communiqué de presse publié le 24 septembre par la section locale 401 des TUAC déclarait: «Si la grève commence, votre syndicat vous demandera, à vous et à votre famille, de ne pas faire vos courses à Superstore, ni dans aucun des commerces appartenant à Loblaws, tels que No Frills, T&T Supermarket ou Shoppers Drug Mart. L’unité et la solidarité entre les membres de la section locale 401 seront un élément essentiel pour mener une campagne de grève solide.»

Ces appels pathétiques n’ont rien à voir avec «l’unité et la solidarité» mais visent à donner au syndicat une couverture en cas de grève pour l’isoler et la trahir. L’«unité et la solidarité» entre les travailleurs ne peuvent pas être construites en proposant un boycott impuissant des consommateurs qui n’aura pratiquement aucun impact sur une société multimilliardaire comme Loblaws, qui contrôle plus du quart de l’industrie de l’épicerie au détail au Canada. Il faut plutôt se battre pour cette cause sur le plan politique.

Les travailleurs des Superstore, qui font face à la menace quotidienne de l’infection à la COVID-19 et gagnent des salaires misérables, sont en position de force pour mener une telle lutte. Un appel lancé par les travailleurs de Superstore pour une lutte unifiée contre les attaques sur les salaires et les conditions de travail obtiendrait une réponse puissante de la part des milliers d’infirmières de l’Alberta dont les salaires sont réduits de 5% par le gouvernement du PCU dans le contexte de la pandémie, ou des enseignants forcés de risquer l’infection quotidiennement dans des salles de classe non sécuritaires. Elle serait accueillie avec enthousiasme par les dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, pour la plupart mal payés, à travers le pays, notamment au Nouveau-Brunswick, qui viennent de voter à 94% en faveur d’une grève.

Le bilan des TUAC au cours de l’année écoulée confirme leur hostilité amère à l’émergence d’un mouvement de masse de la classe ouvrière pour de meilleurs salaires et conditions. À tous les instants au cours de la pandémie, le syndicat s’est efforcé de maintenir les travailleurs au travail dans des conditions dangereuses et de saboter l’opposition de la classe ouvrière à la politique COVID-19 de l’élite dirigeante, qui fait passer les profits avant les vies.

En mars de cette année, les TUAC ont refusé catégoriquement de défendre les travailleurs de l’industrie de la transformation de la viande d’Olymel, qui étaient entassés dans des usines en proie à des éclosions de COVID-19 aux proportions catastrophiques. Une épidémie massive de COVID-19 à l’usine d’Olymel à Red Deer, en Alberta, a causé l’infection d’au moins 515 travailleurs et entraîné la mort de quatre d’entre eux.

Lorsque le gouvernement Kenney a autorisé la réouverture de l’abattoir et des activités de conditionnement de la viande de Red Deer après une brève fermeture, alors que les travailleurs étaient toujours aux prises avec 91 cas actifs, le syndicat n’a pas exigé de mesures de sécurité supplémentaires. Dans des commentaires adressés aux médias à l’époque, le président de la section 401 des TUAC, Thomas Hesse, a utilisé des expressions militantes, déclarant que l’entreprise faisait passer «les porcs avant les gens». Il a affirmé qu’il pleurait les travailleurs décédés autant que les autres travailleurs de l’usine de Red Deer, mais n’a proposé aucune action pour faire face à la pandémie.

Hesse emploie une tactique similaire cette fois-ci, se posant en ami des travailleurs mais ne proposant absolument rien pour mener une lutte efficace. «Je vois des gens terrifiés d’aller travailler dans des lieux publics bondés», a-t-il déclaré au Edmonton Journal. «Leurs patrons milliardaires leur ont donné un soi-disant salaire de héros, puis l’ont supprimé. C’est presque comme si l’employeur y voyait une erreur de calcul dans ses énormes profits.»

L’indignation soudaine de Hesse à l’égard des «patrons milliardaires» est destinée à la seule consommation publique. Il calcule que le fait de prendre une pose militante placera les TUAC dans une meilleure position pour faire passer en force un contrat de concessions pourri qui a presque certainement déjà été concocté avec Loblaws dans les coulisses.

Il est passé maître dans l’art de protéger les relations des TUAC avec le patronat et l’État. Au printemps 2020, après que trois travailleurs du conditionnement de la viande soient morts à l’usine de Cargill à High River et que plus de 900 aient été infectés, Hesse a refusé de soutenir la main-d’œuvre hautement exploitée pour qu’elle entreprenne un débrayage afin d’empêcher un retour prématuré au travail. Dans des conditions où le virus se propageait encore, Hesse a affirmé que toute action syndicale serait «illégale» en vertu de la convention collective des travailleurs. Devant le choix entre protéger la «légalité» de la négociation collective, c’est-à-dire le partenariat corrompu entre les patrons d’entreprise et les représentants syndicaux, et la vie des travailleurs, Hesse et la bureaucratie des TUAC ont choisi la première option.

En ce qui concerne son rôle dans le secteur de la vente au détail de produits alimentaires, les TUAC contribuent à permettre une détérioration constante des salaires et des conditions de travail des travailleurs. En 1990, le syndicat a fixé la barre pour la destruction des emplois à temps plein dans le secteur de l’épicerie lorsqu’il a permis à Loblaws en Ontario d’éliminer les augmentations salariales générales en faveur d’une nouvelle structure salariale liée aux heures travaillées.

En 1993, les dirigeants du syndicat ont convaincu les travailleurs qu’ils représentaient dans la chaîne d’épicerie Safeway en Alberta que l’entreprise fermerait des magasins s’ils n’acceptaient pas des réductions de salaires et d’emplois et s’ils ne concédaient pas à l’entreprise le droit d’employer un nombre pratiquement illimité de travailleurs à temps partiel.

Loin d’être exceptionnel, le bilan des TUAC en matière d’imposition de bas salaires et de conditions précaires au cours des 30 dernières années dans le secteur de l’alimentation au détail est à l’image de ce que la bureaucratie syndicale fait dans tous les secteurs de l’économie. C’est pourquoi les travailleurs de Superstore doivent rompre avec les TUAC s’ils veulent faire avancer leur lutte.

La première étape de ce processus sera la formation d’un comité de grève composé de membres de la base et chargé d’accomplir le mandat écrasant donné par les travailleurs des épiceries pour une grève à l’échelle de la province. Le comité exigerait la divulgation complète de ce qui a été convenu dans les négociations secrètes entre les TUAC et Loblaws. Il permettrait aux travailleurs de formuler des revendications en partant de ce dont ils ont réellement besoin, et non de ce que l’employeur prétend être abordable, notamment une augmentation salariale substantielle, des protections contre la COVID-19 au travail et la fin des emplois temporaires et précaires.

Pour mener une grève réussie et obtenir leurs revendications contre une société géante telle que Loblaws, y compris la sauvegarde de la vie des travailleurs de première ligne pendant la pandémie, les travailleurs des Superstore ont besoin du soutien le plus large possible de toutes les sections de la classe ouvrière. Ils doivent unifier leur lutte avec les travailleurs des épiceries à travers le Canada et l’Amérique du Nord, les travailleurs des usines de pièces automobiles de Dana et les travailleurs des usines de céréales Kellogg qui luttent aux États-Unis contre des conditions dignes des ateliers de misère, ainsi que les éducateurs et les travailleurs de la santé, qui supportent le poids de la pandémie. C’est la seule façon de gagner des emplois décents et sûrs pour tous, et de donner la priorité à la sauvegarde de la vie des travailleurs plutôt qu’aux profits des sociétés en pleine pandémie de COVID-19.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2021)

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