Début d’une campagne bipartisane de censure de Facebook avec le témoignage d’une lanceuse d’alerte

La lanceuse d’alerte et ancienne chef de produit de Facebook Frances Haugen a témoigné devant une audience de la sous-commission du Sénat mardi. Elle a déclaré que les plateformes de la société de médias sociaux «nuisent aux enfants, attisent la division, affaiblissent notre démocratie et bien plus encore.»

L’ancienne scientifique des données de Facebook, Frances Haugen, prend la parole lors d’une audience de la sous-commission du Sénat sur le commerce, les sciences et les transports concernant la protection des consommateurs, la sécurité des produits et des données. L’audience avait lieu au Capitole, le mardi 5 octobre 2021, à Washington. (Jabin Botsford/The Washington Post via AP, dossier) [AP Photo/Jabin Botsford/The Washington Post]

Haugen – qui a également travaillé chez Google, Pinterest et Yelp – a déclaré que les dirigeants de l’entreprise «savent comment rendre Facebook et Instagram plus sûrs, mais ils ne feront pas les changements nécessaires parce qu’ils font passer leurs immenses profits avant les gens». Elle a déclaré que l’intervention du Congrès est nécessaire parce que Facebook «ne peut pas résoudre ce problème sans votre aide».

Haugen a été invitée à témoigner devant la sous-commission sénatoriale sur la protection des consommateurs, la sécurité des produits et la sécurité des données après avoir divulgué une série de documents internes de Facebook au Wall Street Journal. Ces documents sont devenus la base d’une série d’enquêtes en six parties publiée entre le 13 septembre et le 4 octobre par le Journal, intitulée «The Facebook Files».

Le Journal a analysé des rapports de recherche internes, des discussions en ligne entre employés et des ébauches de présentations à la haute direction fournies par Haugenet en a conclu que les plateformes de l’entreprise – y compris Facebook, Instagram et WhatsApp – «sont criblées de défauts qui causent des dommages, souvent d’une manière que seule l’entreprise comprend».

Le résumé de la série du Journal dit aussi: «À maintes reprises, les documents montrent que les chercheurs de Facebook ont identifié les effets néfastes de la plateforme. À maintes reprises, malgré les audiences du Congrès, ses propres engagements et les nombreux reportages des médias, l’entreprise n’a pas remédié à ces problèmes. Les documents offrent peut-être l’image la plus claire à ce jour de l’ampleur de la connaissance des problèmes de Facebook au sein de l’entreprise, jusqu’au directeur général lui-même».

La solution aux «problèmes de Facebook», selon Haugen et le Wall Street Journal, est le contrôle gouvernemental de ce que disent les utilisateurs de Facebook. Un examen du témoignage de Frances Haugen ainsi que de la réponse des démocrates et des républicains et de la presse bourgeoise révèle qu’un consensus se développe au sein de l’établissement capitaliste dirigeant pour une intervention gouvernementale qui, loin d’empêcher le géant de la technologie de faire passer «les profits avant les gens», vise à prendre le contrôle de toutes les plateformes de Facebook et, en particulier, à censurer les contenus de gauche et socialistes.

Frances Haugen, 37 ans, se décrit comme «une avocate de la surveillance publique des médias sociaux». Dans ses différents emplois dans l’industrie technologique, elle s’est spécialisée dans la conception d’algorithmes et d’outils qui permettent de déterminer ce que les utilisateurs voient sur les médias sociaux. En 2019, elle a été inspirée à rejoindre Facebook «parce qu’un de mes proches s’est fait radicaliser en ligne» et est devenue membre de l’équipe d’intégrité civile de l’entreprise, composée de 200 personnes et chargée de mettre fin aux «interférences électorales».

Indiquant ses liens avec l’État américain du renseignement, Haugen a ensuite travaillé dans l’équipe de contre-espionnage de Facebook. Lors de son témoignage au Sénat, Haugen a déclaré que son travail chez Facebook consistait notamment à examiner l’utilisation de la plateforme par la Chine pour «le suivi et la surveillance», mais aussi le «suivi d’autres acteurs étatiques» tel que l’Iran. Elle s’est plainte que le manque «constant» de personnel de Facebook pour les opérations de contre-espionnage et de contre-terrorisme constituait une menace pour la sécurité nationale.

Dans ses remarques préparées, Haugen a déclaré que Facebook «amplifie la division, l’extrémisme et la polarisation» et mine «les sociétés du monde entier». Elle a ajouté que «la gravité de la crise exige que nous sortions des cadres réglementaires précédents». Elle a ajouté que cela signifie que l’ajustement des «protections de la vie privée dépassées ou les modifications de la section 230 ne seront pas suffisants». L’article 230 est le texte de la loi sur la décence des communications de 1996 qui protège les services en ligne de toute responsabilité juridique pour le contenu publié par les utilisateurs sur leurs plateformes.

Haugen a déclaré que rien de moins que «l’accès complet aux données pour des recherches non dirigées par Facebook» n’est acceptable. Sur cette base, «nous pouvons construire des règles et des normes raisonnables pour traiter les préjudices causés aux consommateurs, le contenu illégal, la protection des données, les pratiques anticoncurrentielles, les systèmes algorithmiques et plus encore». En d’autres termes, le public se radicalise, et le gouvernement doit prendre le contrôle du fonctionnement interne des plateformes de médias sociaux de Facebook afin de stabiliser la situation.

Sous couvert de lutte contre les contenus préjudiciables aux enfants, les démocrates et les républicains s’unissent pour soutenir le contrôle par l’État des données de Facebook et des algorithmes des fils d’actualité.

La sénatrice, Marsha Blackburn, représentante républicaine du Tennessee au sein de la sous-commission, a déclaré au cours de l’audition que Facebook ciblait intentionnellement les enfants de moins de 13 ans avec un produit «addictif». Elle a dit: «C’est évident que Facebook donne la priorité au profit sur le bien-être des enfants et de tous les utilisateurs».

Richard Blumenthal, président de la sous-commission et sénateur démocrate du Connecticut, a déclaré: «Facebook a exploité les adolescents en utilisant des algorithmes puissants qui ont amplifié leurs insécurités», ajoutant: «J’espère que nous discuterons pour savoir s’il existe un algorithme sûr».

Comme l’a noté NPR, les démocrates et les républicains «sont en fait unis sur la réglementation de Facebook.» Le radiodiffuseur public a ensuite déclaré: «À un moment de l’audience, le sénateur républicain Jerry Moran du Kansas s’est tourné vers Blumenthal et a déclaré qu’ils devaient mettre de côté leurs désaccords partisans pour s’attaquer à un objectif commun: la réglementation de Facebook.»

En réponse à la pression bipartisane, le vice-président des affaires mondiales et des communications de Facebook, Nick Clegg, est apparu à l’émission «Meet the Press» de NBC dimanche matin et a déclaré que des changements allaient être apportés à Facebook et Instagram. Clegg a déclaré que l’entreprise allait réduire la présence de la politique sur les fils d’actualité et a affirmé que cette mesure avait été demandée par les utilisateurs qui recherchaient «plus d’amis et moins de politique».

La dépolitisation des plateformes de Facebook est en cours depuis avant les élections de 2020. Clegg a déclaré: «Il est tout simplement faux de dire que nous avons levé ces mesures immédiatement – en fait, nous avons gardé la grande majorité jusqu’à l’investiture. Et nous en avons gardé certaines en place de manière permanente – de sorte que nous ne recommandons pas les groupes civiques et politiques aux gens en permanence».

Clegg a admis que Facebook s’était engagé à limiter et à censurer des «vidéos parfaitement innocentes» et que des «outils très bruts» ont été utilisés pour «saisir un grand nombre de contenus tout à fait innocents, légitimes, ludiques et agréables».

Les médias bourgeois approuvent la campagne qui vise à «limiter» le contenu de Facebook. Cela n’a rien à voir avec le souci des enfants. Elle est plutôt motivée par la peur des implications révolutionnaires des masses de travailleurs utilisant les médias sociaux pour coordonner et organiser leurs luttes croissantes contre l’inégalité sociale, la guerre et les conséquences mortelles pour la santé publique des politiques d’immunité collective poursuivies par l’élite dirigeante tout au long de la pandémie de coronavirus.

(Article paru en anglais le 12 octobre 2021)

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