Nouvelle provocation anti-Chine: des navires de guerre américains et canadiens traversent le détroit de Taïwan

Dans le cadre d’une nouvelle opération belliqueuse, la marine américaine a envoyé la semaine dernière un navire de guerre dans le détroit de Taïwan, pour la dixième fois cette année. Le destroyer à missiles guidés USS Dewey, accompagné de la frégate canadienne HMCS Winnipeg, a traversé jeudi et vendredi l’étroite voie navigable qui sépare la Chine continentale de l’île de Taïwan.

Le destroyer à missiles guidés USS Dewey (à droite) [Wikimedia Commons].

L’armée américaine a déclaré de façon absurde que ce passage démontrait «l’engagement des États-Unis et de leurs alliés et partenaires en faveur d’une région Inde-Pacifique libre et ouverte». De telles opérations navales, à des milliers de kilomètres de l’Amérique du Nord, font partie d’un renforcement militaire américain de dix ans en Asie, dirigé contre la Chine. Le calcul est d’attiser les tensions avec la Chine – dans ce cas, à propos de la poudrière particulièrement dangereuse qu’est Taïwan.

Au cours de l’année écoulée, d’abord avec Trump puis avec Biden, les États-Unis ont sapé les accords de longue date avec la Chine sur le statut de Taïwan. Cet accord avait servi de base à l’établissement de relations diplomatiques entre les États-Unis et la Chine en 1979. À cette époque, les États-Unis avaient reconnu de fait que Pékin était le gouvernement légitime de toute la Chine, y compris Taïwan, en mettant fin aux liens diplomatiques et à un pacte militaire avec Taipei, et en retirant toutes leurs forces militaires de l’île.

Washington comprend clairement la sensibilité de cette question à Pékin, qui insiste sur le fait que Taïwan est une partie inaliénable de la Chine et a prévenu au cours des deux dernières décennies qu’il aurait recours à la force militaire si Taipei déclarait un jour officiellement son indépendance. Pourtant, le gouvernement Biden provoque délibérément la Chine en poursuivant les contacts de haut niveau de Trump avec les responsables taïwanais, en augmentant ses ventes d’armes à Taipei et en ordonnant à la marine de fréquents passages navals dans le détroit de Taïwan.

Dans une démarche particulièrement incendiaire, le Wall Street Journal, dans ce qui s’apparente à une fuite semi-officielle, a récemment révélé que des troupes de forces spéciales américaines se trouvaient à Taïwan depuis un an, ayant pour mission de former des soldats taïwanais. La présence militaire américaine à Taïwan pour la première fois en quarante ans aura tiré la sonnette d’alarme à Pékin car l’île occupe une position stratégique dans la «première chaîne d’îles» qui va du Japon aux Philippines et que les États-Unis pourraient utiliser pour un blocus de la Chine en cas de guerre.

Pékin a condamné le dernier passage de navires dans le détroit de Taïwan. Le commandement du théâtre oriental de l’Armée populaire de libération (APL) a déclaré que Taïwan faisait partie du territoire chinois. Il a accusé les États-Unis et le Canada de s’entendre «pour provoquer et susciter des troubles… compromettant gravement la paix et la stabilité du détroit de Taïwan».

La présence d’un navire de guerre canadien est significative. le gouvernement Biden a tenté d’obtenir le soutien militaire de ses alliés dans son face-à-face avec la Chine. La participation du Canada fait partie de son intégration de plus en plus complète dans l’offensive économique et militaro-stratégique américaine contre la Chine. Les forces armées canadiennes déploient désormais régulièrement des navires de guerre au large des côtes chinoises et déclarent que le détroit de Malacca, entre l’Indonésie, la Malaisie et Singapour, revêt une importance stratégique vitale pour le Canada.

Quelques heures à peine avant de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections nationales pour le 20 septembre, le gouvernement libéral canadien de Trudeau a signé un accord avec Washington pour «moderniser» NORAD, le «commandement de la défense» aérospatiale et maritime conjoint du Canada et des États-Unis, afin de lancer une compétition stratégique avec la Chine et la Russie.

Le mois dernier, le navire de guerre britannique, HMS Richmond, une frégate déployée avec un groupe d’attaque de porte-avions britannique, a traversé le détroit de Taïwan pour la première fois en plus de dix ans. Début octobre, des navires de guerre britanniques ont participé à un vaste exercice naval avec deux groupes d’attaque de porte-avions américains et des navires de guerre japonais, néo-zélandais et néerlandais, dans le cadre d’une démonstration de force dans les eaux situées à l’est de Taïwan.

Le prétexte avancé par les États-Unis pour justifier leurs provocations navales est totalement hypocrite. Alors qu’ils revendiquent le «droit» de faire naviguer leurs navires de guerre et de faire voler leurs avions de combat près des côtes chinoises, les États-Unis qualifient d’agressive et menaçante l’intrusion d’avions militaires chinois dans la zone d’identification de défense aérienne (ZIDA) de Taïwan. Les zones d’identification aérienne n’ont aucun droit international permanent. Les avions chinois ne peuvent voler au-delà de la «première chaîne d’îles» du Pacifique qu’en violant les différentes ZIDA de Taïwan, des Philippines, du Japon et de la Corée du Sud.

De plus, la ZIDA de Taïwan ne couvre pas seulement l’espace aérien autour de l’île, mais s’étend jusqu’à 300 kilomètres au-dessus du continent chinois! Si cela était observé, les avions chinois qui se trouvent dans des zones importantes de l’est de la Chine ne pourraient même pas décoller sans en avertir les autorités taïwanaises.

En attisant les tensions avec la Chine au sujet de Taïwan, le gouvernement Biden joue avec le feu. Le danger d’une guerre avec la Chine est reconnu dans les milieux militaires et du renseignement américains, où l’on s’inquiète de la capacité des États-Unis à gagner une telle guerre. Au début du mois, le lieutenant-colonel américain à la retraite Daniel Davis a averti que les États-Unis étaient confrontés à une défaite quasi certaine dans un conflit avec la Chine au sujet de Taïwan. Pire, ils risquaient de tomber sans y prendre garde dans une guerre nucléaire.

Le Financial Times de dimanche a publié un article sur la réaction des responsables du renseignement américain au test par la Chine d’un missile hypersonique à capacité nucléaire, capable d’échapper aux systèmes antimissiles américains. L’article rapporte que les responsables ont déclaré que le test «montrait que la Chine avait fait des progrès stupéfiants en matière d’armes hypersoniques et qu’elle était bien plus avancée que ne le pensaient les responsables américains». Ces commentaires reflètent des préoccupations plus larges concernant l’érosion de l’avantage militaire américain sur la Chine.

Un éditorial du Financial Times du 12 octobre intitulé «Le danger aigu d’un conflit à propos de Taïwan» avertit qu’un conflit militaire américain avec la Chine serait un désastre pour le monde. «Pékin et Washington émergeraient d’un tel conflit dans un monde déchiré en blocs hostiles. Quel que soit le “vainqueur”, tout le monde serait perdant. Le choix dans le détroit de Taïwan est entre un statu quo tolérable et un conflit désastreux. Cela ne changera pas».

L’éditorial concluait par un appel impuissant à toutes les parties à faire preuve de «bon sens, de calme et de sang-froid». L’escalade de la confrontation américaine visant la Chine, avec Obama, Trump et maintenant Biden, n’est cependant pas motivée par des intentions subjectives, mais par la détermination à arrêter à tout prix le déclin historique de l’Amérique et d’empêcher la Chine de saper l’hégémonie mondiale des États-Unis.

De plus, les avancées économiques et militaires de la Chine, loin de faire réfléchir les États-Unis, deviennent un argument en faveur d’une augmentation des dépenses militaires américaines et d’un recours à la guerre plus tôt que tard. Dans le même temps, l’establishment politique américain dans son ensemble cherche à projeter les tensions sociales aiguës à l’intérieur du pays sur un ennemi extérieur. La concentration sur Taïwan – la plus sensible des «questions centrales» de la Chine – est un avertissement que les États-Unis se préparent activement à une guerre dans un avenir plutôt proche.

(Article paru d’abord en anglais le 19 octobre 2021)

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