Les marchés rebondissent après le choc d'Omicron, les gouvernements ayant décidé de laisser le virus se propager librement

Après avoir reçu l’assurance des gouvernements du monde entier qu’ils poursuivraient leur politique de laisser le virus se propager librement, Wall Street et les marchés mondiaux ont rebondi après les pertes importantes qu’ils ont subies vendredi lorsque la nouvelle du variant Omicron du coronavirus et des dangers considérables qu’il représente est tombée.

Dans un éditorial publié vendredi soir, après une chute brutale de la bourse, le Wall Street Journal, s’exprimant au nom du capital financier américain et mondial, a fixé les règles.

Le président Joe Biden apparaît sur un écran tandis que le courtier Glenn Kessler travaille sur le parquet de la Bourse de New York, le lundi 29 novembre 2021 (AP Photo/Richard Drew)

L’éditorial a déclaré que le repli du marché était motivé par la crainte de l’imposition de nouveaux confinements et distanciations sociales et a exigé que cela n’ait pas lieu.

«Une leçon claire de la pandémie est que les confinements font plus de mal que de bien», a-t-il déclaré, ajoutant, sans aucune preuve, que les doses de rappel: «aideraient les États-Unis et l’Europe à surmonter une vague hivernale et à atténuer l’impact d’Omicron».

«Les Américains et le reste du monde doivent apprendre à vivre avec un virus en constante mutation. Il en va de même pour nos politiciens», insiste l’éditorial.

Les politiciens du monde entier, qui, quel que soit leur parti, servent tous les intérêts du capital financier, ont dûment pris note de la voix de leur maître. Ils ont déclaré qu’il n’y aurait aucun changement significatif dans leurs politiques, à l’exception de quelques restrictions symboliques, principalement sur les voyages internationaux.

En conséquence, lundi, après une chute initiale des marchés asiatiques, les marchés mondiaux ont commencé à augmenter après la forte baisse de vendredi. À Wall Street, l’indice S&P 500 a augmenté de 1,3 pour cent, l’indice du NASDAQ de 1,9 pour cent et l’indice Dow de 236 points, soit 0,7 pour cent.

Malgré le rebond, la chute brutale de vendredi a de nouveau souligné la fragilité de l’ensemble du système financier et sa dépendance à l’égard des flux d’argent bon marché des banques centrales du monde entier.

Vendredi, l’indice FTSE All World a chuté de 2,2 pour cent, sa plus forte baisse depuis octobre 2020, les marchés européens et américains ont été frappés d’une vague de ventes.

La chute rapide du marché a de nouveau attiré l’attention sur la mesure dans laquelle le boom spéculatif du marché des actions pendant la pandémie a été financé par la dette, en particulier l’utilisation de ce qu’on appelle la dette sur marge, où les investisseurs utilisent des actions et d’autres actifs financiers comme garantie pour augmenter les emprunts afin de financer d’autres paris risqués.

Dans un article du Wall Street Journal, on peut lire que le revirement de vendredi «souligne la fragilité du rebond depuis le creux de mars 2020, qui constitue le retour le plus rapide à des sommets records après une baisse d’au moins 20 pour cent par rapport à un pic précédent».

Selon les données de la Financial Industry Regulatory Authority (l’Autorité de réglementation de l’industrie financière), les emprunts sur marge ont augmenté de 42 pour cent en octobre par rapport à l’année précédente, pour atteindre 935,9 milliards de dollars. Les avoirs en espèces, qui peuvent être exigés par le prêteur si la valeur de l’actif utilisé comme garantie chute, ont diminué pour atteindre 46 pour cent des soldes de marge.

Ces chiffres ne rendent pas compte de toute l'ampleur de la dépendance à l'égard de la dette. Ils ne tiennent pas compte des emprunts contractés pour financer les achats d'options utilisés par les investisseurs et les institutions financières pour faire de gros paris sur les marchés financiers.

La semaine dernière, un article de Bloomberg, publié avant le choc Omicron, soulignait le recours accru à l’endettement, car même les institutions financières les plus conservatrices se lancent sur les marchés en utilisant des fonds empruntés.

Il citait le cas de Calper, un fonds de pension public californien de 495 milliards de dollars, qui prévoyait de s’endetter à hauteur de 25 milliards de dollars pour financer des achats d’actifs financiers «parce qu’il ne voit pas d’autre moyen de viser son objectif de rendement à long terme de 6,8 pour cent pour honorer ses promesses de paiement».

Par le passé, les fonds de pension et les compagnies d’assurance-vie ont compté sur le marché des obligations d’État comme source de leurs revenus. Mais les rendements de ces actifs sont à des niveaux historiquement bas et ils sont contraints de mener des opérations plus risquées.

Dans l’ensemble, note l’article, les prêts sur marge «ont augmenté rapidement cette année, battant de nouveaux records presque chaque mois». Jusqu’à présent, cela n’a pas provoqué de crise, car les actions qui constituent la garantie des emprunts ont également augmenté. Malgré cela, le niveau de la dette marginale par rapport à la capitalisation boursière, telle que mesurée par l’indice S&P 500, est proche des niveaux records.

Toutefois, si le marché chute brusquement, les prêteurs, y compris les grandes banques, lanceront des appels de marge, exigeant des prêteurs qu’ils avancent davantage de garanties.

Le même processus s’observe dans les opérations de rachat d’entreprises, également financées par l’endettement. Selon l’article de Bloomberg, le prix de plus des deux tiers des rachats d’entreprises américaines l’année dernière était supérieur à 11 fois les bénéfices des entreprises avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement. En 2007, lors d’un autre boom des rachats juste avant la crise financière de 2008, ce chiffre n’était que d’un quart.

Un autre article de Bloomberg, publié le week-end dernier au moment de l’annonce de l’arrivée d’Omicron, se concentre sur une comparaison plus récente. Il soulignait que l’une des raisons pour lesquelles le premier krach de la COVID en mars 2020 avait été si «brutal» était «l’écume qui s’était accumulée sur les marchés avant l’arrivée du virus».

Bien qu’il y ait des différences dans la situation actuelle, il y a beaucoup de choses qui n’ont pas changé, a-t-il dit.

«Du point de vue des valorisations, le marché boursier est nettement plus tendu qu’il ne l’était au tournant de 2020». Le ratio cours-bénéfice du S&P 500 est désormais supérieur d’environ 2 points à celui d’il y a presque deux ans.

Alors que tous les gouvernements se concentrent sur l’abandon de toutes les mesures de santé publique afin d’ouvrir l’économie, l’article rapporte que, selon une enquête de Bank of America, les gestionnaires de fonds ont déclaré que la COVID-19 ne figurait qu’en cinquième position sur leur liste de risques extrêmes, derrière l’inflation, les hausses de taux d’intérêt des banques centrales, la chute de la croissance chinoise et les bulles d’actifs.

Mais le variant aura un impact économique. Dans les remarques qu’il a préparées et qui seront présentées au Congrès aujourd’hui [mardi], le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a déclaré que l’augmentation du nombre de cas de COVID-19 aux États-Unis et le variant Omicron posaient «des risques de baisse de l’emploi et de l’activité économique». Cela augmente le risque de perturbations de la chaîne d’approvisionnement et pourrait entraîner une plus grande incertitude sur l’inflation.

Même s’il est admis que les gouvernements ne prennent aucune mesure sanitaire significative susceptible d’avoir un impact sur les profits spéculatifs, l’ensemble du système financier est hanté par la possibilité que les événements de mars 2020, lorsque les marchés sont partis en vrille, se répètent.

La semaine dernière, dans son rapport annuel au Congrès, l’Office of Financial Research (OFR) du Trésor américain a noté que, même si les vulnérabilités créées par l’endettement actuel sont atténuées par les bénéfices élevés des entreprises, des risques se profilaient.

«Un endettement élevé se traduit par un secteur des entreprises plus fragile, plus risqué et plus vulnérable aux chocs», a-t-il déclaré. «Si la reprise actuelle des bénéfices des entreprises s’essouffle ou si les taux d’intérêt augmentent sensiblement, le secteur des entreprises pourrait être sujet à une vague de défauts de paiement». Cela pourrait imposer «des pertes importantes aux prêteurs et aux investisseurs» et nuire à l’activité économique.

L’OFR a également noté que les structures sous-jacentes qui ont conduit au gel du marché du Trésor américain en mars 2020 – la base du système financier mondial – demeurent «sans réponse».

(Article paru en anglais le 30 novembre 2021)

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