Allemagne : un général d'armée à la tête de la cellule de crise gouvernementale pour le coronavirus

Le général de division Carsten Breuer, commandant du Commandement des missions territoriales de l’armée allemande (Bundeswehr), a été nommé à la tête de la cellule de crise pour le coronavirus du futur gouvernement allemand. Sa nomination a été annoncées tôt ce lundi. L’équipe de crise doit être mise en place cette semaine, bien que la confirmation et la prestation de serment de la coalition «tricolore» (sociaux-démocrates, verts et libéraux) ne soient prévues que la semaine prochaine.

Le général deux étoiles Carsten Breuer (Photo: KdoTA Presse / CC BY-SA 4.0)

La décision de confier la direction de la cellule de crise COVID-19 à un général de la Bundeswehr en activité ne permet qu’une seule conclusion: la coalition tripartite ne considère pas la pandémie comme un problème médical, mais bien plutôt comme une question de sécurité.

L’objectif de la cellule de crise n’est pas de protéger la population du virus, mais de protéger le gouvernement de la population. Le nouveau gouvernement allemand s’apprête à déclarer l’état d’urgence afin de supprimer toute résistance à sa politique fondée sur le sacrifice d’innombrables vies pour assurer la hausse des profits et celle des actions en bourse. C’est une politique qui joue à la roulette russe avec la santé d’une génération entière d’enfants et d’adolescents.

Le Major général Breuer n’a pas la moindre expertise médicale ou virologique. Ce qu’il apporte à ce poste, ce sont des décennies d’expérience tirée de missions de combat internationales, de la direction d’organes de commandement de la Bundeswehr, de l’OTAN, du ministère de la Défense et d’opérations militaires à l’intérieur.

Né en 1964, Breuer a commencé sa carrière militaire il y a 36 ans, immédiatement après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires. Il a été formé dans différentes institutions de la Bundeswehr, à l’Université militaire de Hambourg et à un cours d’état-major général aux États-Unis. Il a ensuite commandé des unités lors de missions au Kosovo et en Afghanistan. De 2008 à 2010, il a occupé un poste de commandement de premier plan auprès de l’OTAN à Bruxelles.

Entre ses différentes affectations en tant que commandant de troupes, Breuer a été nommé à plusieurs reprises au ministère de la Défense. En 2015, il a dirigé la révision du «Livre blanc 2016 sur la politique de sécurité et l’avenir de la Bundeswehr» pour le ministère dirigé à l’époque par Ursula von der Leyen (CDU).

Outre des propositions de réarmement massif et d’élargissement des missions de la Bundeswehr à l’étranger, le Livre blanc préconisait son déploiement à des fins domestiques. La constitution allemande d’après-guerre avait fixé des limites étroites à l’utilisation intérieure de l’armée en raison du rôle désastreux de celle-ci durant l’Empire allemand, la République de Weimar et la dictature nazie. Le Livre blanc révisé exigeait que la Bundeswehr «accomplisse également des tâches souveraines en utilisant des pouvoirs d’intervention et de coercition» lors de missions intérieures. C’est-à-dire qu’elle peut arrêter et fouiller les gens comme la police.

Depuis le début de 2018, Breuer, en tant que chef du Commandement des missions territoriales, est personnellement responsable des opérations intérieures de la Bundeswehr, qui ont été massivement étendues depuis le début de la pandémie de coronavirus.

Selon la Bundeswehr, 8.000 soldats sont actuellement disponibles pour des missions liées à la pandémie, dont 3.950 actuellement déployés. Si ces troupes effectuent souvent des tâches logistiques, médicales ou administratives, l’objectif principal des responsables est d’habituer la population à l’utilisation de l’armée dans tous les domaines de la société.

Au début de la pandémie, le WSWS avait déjà lancé un avertissement: «Mais quelle que soit l’assistance médicale effectivement fournie par l’armée, ce déploiement sert un autre objectif. Des généraux de premier plan déclarent ouvertement que l’enjeu essentiel est d’imposer un contrôle militaro-policier sur la population et de défendre les institutions de l’État capitaliste».

Selon un article paru à l’époque dans le magazine Der Spiegel, la coalition Verts-CDU du Land de Bade-Wurtemberg avait déjà envisagé de «déclarer officiellement l’état d’urgence et de faire appel à la Bundeswehr, en raison du manque d’effectifs catastrophique des forces de police».

Dans un article invité de Der Spiegel, le politicien du FDP Marco Buschmann, qui doit prêter serment en tant que ministre de la Justice la semaine prochaine, avait mis en garde à l’époque contre les soulèvements révolutionnaires: «Le peu de temps acheté par l’État, la société et l’économie à un prix énorme sera bientôt épuisé… Alors, à un moment donné, la révolution sera dans l’air».

La nomination du général Breuer à la tête de la cellule de crise pour le coronavirus confirme les avertissements du WSWS. Le SPD, les Verts et le FDP sont déterminés à poursuivre la politique irresponsable des 'profits avant les vies' du gouvernement précédent et anticipent une résistance massive.

Le 18 novembre, forts de leur majorité au Bundestag, ils ont adopté une nouvelle version de la « Loi de protection contre les infections » restreignant massivement les mesures nécessaires pour combattre la pandémie. Bien que 100.000 personnes soient déjà mortes de la COVID-19, que la montée explosive de la quatrième vague d’infection soit indubitable, et que les scientifiques avertissent de façon pressante d’une catastrophe, ils n’ont pas dévié de leur route.

Ils ont refusé d’étendre l’état de «Situation épidémique de portée nationale» actuel. Ils ont transféré la responsabilité des mesures relatives au COVID-19 aux gouvernements des Lands dont les mains sont effectivement liées par la nouvelle loi. Les restrictions de sortie, l’interdiction de grands événements, les restrictions de voyage, la fermeture des crèches et des écoles et d’autres mesures de confinement qui s’étaient avérées très efficaces par le passé sont désormais explicitement exclues.

La pandémie est depuis devenue complètement incontrôlable. Les taux d’infection quotidiens sont plusieurs fois supérieurs à ceux des vagues précédentes. Le virus se propage de manière presque incontrôlée dans les écoles. De nombreuses cliniques de soins intensifs ont atteint les limites de leur capacité. De longues files d’attente se forment devant les centres de vaccination. Enfin, le nombre de décès quotidiens équivaut au crash d’un jumbo jet tous les jours. La propagation du variant Omicron, plus infectieux, a encore aggravé la situation.

Vendredi, les marchés boursiers allemands, qui s’étaient envolés avec la pandémie et avaient atteint des sommets, ont réagi. À certains moments, le Dax et l’EuroStoxx50 ont chuté aussi fortement que lors du krach boursier qui a accompagné la première vague de la pandémie, en mars 2020. Le Dax a clôturé en baisse de 4,2 pour cent.

Pour la coalition tripartite, c’est une raison de plus de maintenir son cap meurtrier. Sa politique en matière de coronavirus est exclusivement axée sur les intérêts des grandes entreprises et des banques. À l’instar du gouvernement américain et d’autres gouvernements capitalistes dans le monde, sa préoccupation n’est pas de savoir combien de vies seront perdues mais bien plutôt comment réagiront les marchés boursiers le lendemain et comment retarder au mieux toute action jusqu’à la fin de la période des achats de Noël.

C’est pourquoi la nouvelle coalition a nommé un général deux étoiles ayant 36 ans d’expérience militaire au Cabinet de la chancellerie comme chef de sa cellule de crise.

(Article paru d’abord en anglais le 1er décembre 2021)

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