Les soignants se mobilisent en France contre la politique sanitaire de Macron

Le 4 décembre, des soignants ont manifesté à travers la France contre des conditions de travail inacceptables et la politique meurtrière d’Emmanuel Macron sur la pandémie.

Un agent de santé avec des lunettes de protection embuées dans l'unité de soins intensifs du centre hospitalier Joseph Imbert à Arles, dans le sud de la France, mercredi 28 octobre 2020. (AP Photo/Daniel Cole)

Cela fait partie d’une vague internationale de mobilisations et de grèves, notamment de soignants, à travers l’Europe. Le 25 novembre, 1.000 travailleurs à Sanofi ont fait grève un jour, alors que des centaines d’infirmières danoises organisaient le 29 une grève sauvage et démissionnaient en masse pour manifester contre les bas salaires. Il y a des vagues de grèves dans les transports et les services sociaux dans plusieurs régions de France, ainsi que la récente grève de masse des métallos espagnols.

Les reporters du WSWS ont parlé à plusieurs soignants à Paris. Constance, infirmière dans un hôpital en région parisienne, a dit: « On manifeste parce que l'hôpital va mal. Il y a de plus en plus de fermetures de lits. … Même avant (la pandémie) il n’y avait pas assez de lits, il n’y avait pas de rééducation, il n’y avait pas de place en Ehpad ».

La pandémie a produit un désastre: « C'est difficile de placer les gens. On ne sait pas quoi en faire. On est obligé de les laisser sur des brancards et c'est une honte. Aujourd'hui, les postes y sont de plus en plus vacants et ne sont pas remplacés. Du coup, on continue à fermer des lits. Ils disent que c'est parce qu'on part, mais en fait, on ne veut pas rester parce que ça vaut plus le coup. On est là, juste par notre passion et il n'y a rien derrière qui suit. Le gouvernement ne fait rien pour nous, ou pour l'hôpital. C'est même pas pour nous, soignants, c'est qu’il ne fait rien pour les malades.»

Florence et Constance

Florence, également infirmière, a dit: « Dans le service dans lequel je travaille, qui est un grand hôpital parisien, on a encore des lits fermés par manque de personnel médical et paramédical. C'est une mise en danger en fait des patients, une mise en danger du personnel parce qu'on travaille dans des conditions très fatigantes ».

Elle a critiqué le refus du gouvernement Macron d’avouer qu’il ferme des lits, préférant parler de mise en place de services ambulatoires: « L'ambulatoire, c'est être suivi par texto quand on sort de l'hôpital de jour. Ce qui a déjà été mis en place il y a un certain nombre d'années et ça pose des problèmes de sécurité par rapport aux patients. … C’est hyper compliqué de demander aux patients de s'auto-juger, alors que ce n'est pas leur travail ».

Constance a ajouté, « Quelqu'un qui s'est cassé le col du fémur ne peut pas faire une opération en ambulatoire quand il a 97 ans. Et en fait, c'est une honte de privilégier l'ambulatoire … Ils veulent tellement faire de l'argent qu’ils ne réfléchissent pas plus loin que l’argent, argent, argent. Et on perd des lits. Ce ne sont pas des vrais lits, les lits ambulatoires, c’est une machine à fric ».

Les deux ont sévèrement critiqué la gestion de la pandémie par l’État, avec le manque de masques, de gel ou d’instructions claires à la première vague en mars 2020. Constance a dit, « Le problème, c'est que depuis le début, ils ont été contradictoires toutes les semaines avec eux-mêmes ».

Florence a ajouté: « Ils ont quand même pas arrêté de nous rabâcher il n'y avait pas de surinfection sur les transports en commun, le train, etc. Alors qu'en fait, depuis peu, on sait que c'est faux. Ils ont dit aussi que les enfants n'attrapent pas la maladie, ne la transmettent pas. C'est totalement faux parce qu'il n'y a pas de raison que les enfants l'attrapent pas non plus ».

Constance a souligné le refus de l’État de tracer les contacts et d’éliminer la circulation du virus après le premier confinement au printemps 2020. Elle a dit : « Le traçage des cas de Covid, il n'a pas du tout été bien fait. Il y a un professeur à la Pitié-Salpêtrière qui s’est occupé … de mettre en place des traçages de cas, c'était en Haïti pour le choléra. Et ils avaient réussi à éradiquer l'infection grâce au traçage des patients qui avait été fait d'une manière presque je dirais pas militaire, mais ça a été extrêmement bien mis en place par un seul organisme. Et ça, ça n'a pas été fait en France ».

Elle a ajouté : « C'est ça qui fait qu'aujourd'hui on continue à aller dans un mouvement de yoyo avec le Covid ».

Elle a souligné qu’une politique scientifique plus agressive aurait pu stopper la pandémie: « Ça aurait été mieux si on avait eu des périodes de quarantaine dès le début, si ça avait été respecté, si on avait mis en place des hôtels comme ils ont fait dans le pays. Si on avait fermé les frontières, sauf pour les cas exceptionnels, ça aurait été vraiment très intéressant. Je pense que le tourisme, à l'époque, c'était vraiment pas la priorité ».

Les soignants redoutent tous l’impact de la vague actuelle et la diffusion du variant omicron, plus résistant aux vaccins. La semaine dernière a vu 4 jours de suite avec plus de 50.000 cas en France. Il y a eu 635 morts sur 7 jours en France, 49 pour cent de plus que la semaine précédente. La détection d’au moins une douzaine de cas Omicron en France menace d’intensifier la vague actuelle, débordant encore les hôpitaux et produisant davantage de morts ».

Christophe Trivalle, médecin à l’hôpital Paul Brousse, a averti que les hôpitaux risquent d’être débordés: « Le Covid n'est pas fini. On est revenu à l'état antérieur où on a un manque de personnel considérable et on a plein de services fermés, de lits fermés, d'infirmières qui manquent. … Si vous allez dans un service d'urgences, il y a plein de malades sur des brancards parce qu'il n'y a pas de lits derrière pour les prendre en charge ».

Dr. Christophe Trivalle

Il a dit : « Les gens ont été très mobilisés pendant la première vague. … Les jeunes se sont mobilisés, ils ont été applaudis. Le président a dit qu'on donnerait des moyens pour la santé et donc tout le monde était très, très remonté pour que ça aille bien. Après, ça s'est un peu assez tassé. Mais maintenant, on se retrouve dans une situation où on n'a plus les moyens. On avait eu beaucoup de renforts pendant le Covid. On n'a plus les renforts, on est en sous-effectif partout et donc les gens sont un peu démoralisés … on arrive sur une 5e vague qui risque peut-être d'être importante ».

C’étaient des débrayages en masse en Italie, en France et aux USA qui ont imposé les premiers confinements en mars 2020. Aujourd’hui, seul un mouvement conscient des travailleurs, luttant pour mettre fin à la transmission du virus, peut imposer une politique sanitaire scientifique et stopper la pandémie. Les infirmières ont pointé le gouffre qui sépare les travailleurs des banques et des élites dirigeantes qui ont profité des politiques d’infection en masse en gardant les travailleurs au boulot.

Pendant la pandémie, a dit Constance, « L'économie des grandes entreprises est ressortie gagnante de ça. Et nous, on se bat, on se bat tous les jours. Moi, la première vague je l'ai faite aux urgences. J'ai vu des gens qui en deux heures s'aggravaient tellement quand on les entubait rapidement, on n’avait même pas dans le temps de comprendre ce qui se passait. Pendant ce temps-là, les gouvernements, les grandes entreprises faisaient de l'argent. C'est un monde que je comprends pas ».

Quand un reporter du WSWS a soulevé la mise en examen de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn à propos de sa gestion de la pandémie et a demandé si une criminalité officielle était en cause, Constance a répondu: « Oui, évidemment ».

Elle a dit, « C'est hyper incohérent depuis le début. Ils blâment les mauvaises personnes, les soignants qui partent, le fait qu'on ne respecte pas les règles sanitaires, on va trop dans les cinémas, dans les cafés. Mais en fait c'est à eux de diriger et ils ont été incapables de le faire. C'est une honte »

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