Le Comité politique national des DSA rejette les appels à expulser Jamaal Bowman pour son soutien aux crimes de guerre israéliens

Au cours des derniers mois, les «Socialistes démocrates d’Amérique» (DSA) ont été empêtrés dans une controverse interne concernant les actions du député démocrate de New York et membre des DSA, Jamaal Bowman.

Le 25 septembre, Bowman a voté en faveur de l’octroi à l’armée israélienne de 1,1 milliard de dollars pour son programme d’armement Iron Dome (Dôme de fer), en plus des 3,3 milliards de dollars de financement de l’armée israélienne que Bowman avait déjà votés en juillet. Moins de deux semaines après son deuxième vote en faveur de Iron Dome, Jamaal Bowman s’est rendu en Israël et a rendu visite au Premier ministre israélien d’extrême droite Naftali Bennett, dans le cadre d’une délégation du Parti démocrate.

Jamaal Bowman prend la parole lors de sa soirée de primaires à New York, le mardi 23 juin 2020. (AP Photo/Eduardo Munoz Alvarez, File)

La solidarité déclarée de Bowman avec les crimes de guerre israéliens a provoqué des critiques d'une partie des membres des DSA, qui ont commencé à faire circuler une pétition demandant son expulsion de l’organisation.

Après un long processus de «discussions» avec Bowman, le Comité politique national (NPC) des DSA a publié une déclaration le 2 décembre, indiquant qu'il ne l'expulserait pas.

La déclaration commence par reconnaître ce qui revient à une approbation de crimes de guerre par un de ses membres. Elle déclare que «rien n’excuse la décision du député Bowman d’augmenter le financement de l’armée israélienne quand il s’était précédemment engagé à réduire l’aide militaire américaine et les ventes d’armes aux pays commettant des violations systématiques des droits de l’homme. Rien n’excuse non plus sa participation à un voyage de propagande en Israël visant à légitimer un État d’apartheid».

Pour ce qui est de la séance-photo de Bowman avec Bennett le NPC a écrit que le Premier ministre israélien était «un raciste et un criminel de guerre qui s’assume et a tristement déclaré: “J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie et il n’y a aucun problème avec cela”».

Tout cela n’est que préambule à la conclusion du NPC qu’aucune mesure disciplinaire ne serait prise. La déclaration a ensuite fourni une série d’excuses pour des actions venant juste d’être qualifiées d’«inexcusables».

Le NPC a d’abord justifié la dépravation de Bowman en mentionnant la dépravation d’autres politiciens soutenus par les DSA. «Bernie Sanders,» écrit-il, «que les DSA ont soutenu deux fois, a été la tête d’affiche de conférences de haute visibilité de J Street [un lobby israélien] et n’a pas adopté la ligne des DSA sur la Palestine».

On pourrait ajouter, bien que le NPC ne le fasse pas, que Sanders a accumulé un long bilan de défense de l’impérialisme américain. Cela comprend le soutien à l’intervention américaine de 1993 dans la guerre civile somalienne, la guerre aérienne de l’OTAN contre la Serbie en 1999, et l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Lors de sa dernière course à la présidence, Sanders a déclaré qu’il estimait que «certaines guerres sont nécessaires». Lors d’une réunion publique de 2014, Sanders a tristement interrompu un manifestant anti-guerre qui contestait son soutien à Israël, alors même que ce pays était en train de commettre des crimes flagrants contre la population palestinienne.

Le NPC a ensuite assuré aux membres des DSA préoccupés par les actions de Bowman qu’il faisait preuve d’une « considérable mobilité» et qu’il «pouvait jouer un rôle vital dans la lutte pour la libération palestinienne en la reliant aux mouvements de libération plus proches d’ici.» La déclaration mettait l’accent sur le fait que Bowman est noir, conformément à la promotion que font le Parti démocrate et les DSA de la politique identitaire pour diviser la classe ouvrière.

Le NPC a omis la déclaration la plus pertinente de Bowman à cet égard, à savoir son éloge du criminel de guerre américain Colin Powell suite à sa mort en octobre: «En tant qu’homme noir essayant juste de comprendre le monde, Colin Powell était une inspiration… Reposez en puissance, monsieur».

Ainsi, la conclusion qui nous est offerte est que, bien que Bowman ait pu commettre de graves «erreurs» en aidant à fournir des milliards de dollars à l’armée israélienne pour massacrer les travailleurs et jeunes palestiniens et bien qu’il se soit solidarisé avec un criminel de guerre, les membres des DSA devraient être assurés qu’il est en train de changer d’avis.

La déclaration des DSA fut précédée d’un article paru dans le magazine Jacobin le 24 novembre et qui est encore plus effronté dans son sophisme. L’article, intitulé «Non, les DSA ne devraient pas expulser le député Jamaal Bowman», écrit par Hadas Thier, soutient que les membres des DSA «doivent reconnaître que nous sommes toujours dans une position relativement faible» et que, par conséquent, l’expulsion de Bowman nuirait aux DSA parce qu’elle éloignerait l’organisation de l’establishment politique.

«Une réaction réflexe», poursuit-il, «consisterait à radier ou expulser les alliés politiques qui ne sont pas tout à fait d’accord avec nous [ce qui] nous confinerait à la marginalité continue de la politique de la pureté». On pourrait demander aux rédacteurs de Jacobin: si ce n’est pas un soutien déclaré aux crimes de guerre israéliens, que faudra-t-il qu’un membre du Congrès fasse pour justifier son expulsion de cette organisation ostensiblement socialiste?

Lorsque Jacobin parle de «politique de pureté», il a à l’esprit tout engagement réel envers les principes socialistes – ce qui fait entièrement défaut à Jacobin. Sa préoccupation concernant la «marginalité» n’est pas le fait d’être «marginalisé» par rapport à la grande masse de la population, mais bien plutôt celui d’être coupé de l’accès aux postes au sein de l’establishment politique.

Il poursuit: «Le fait que Bowman et AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) continuent à discuter avec les DSA et d’autres organisations militantes témoigne de l’importance qu’ils accordent à ces relations et à leurs positions politiques.» Autrement dit, il importe peu que Bowman soutienne les crimes de guerre israéliens et l’impérialisme américain, tant qu’il est toujours «en discussion» avec les DSA.

«Des personnalités politiques nationales comme Bowman ou AOC peuvent être membres des DSA, mais leurs affiliations sont lâches», peut-on lire. «Ni l’un ni l’autre ne dépendront des DSA pour être réélus». Si c’est le cas, alors que font précisément les DSA? Toute leur stratégie politique repose sur la fausse affirmation qu’ils peuvent contribuer à pousser le Parti démocrate vers la gauche en élisant des individus comme Bowman et Ocasio-Cortez.

Mais lorsque ces personnages font ce qu’ils ne peuvent éviter de faire et révèlent le rôle droitier qu’ils jouent, Jacobin lève les bras au ciel et dit: eh bien, nous ne pouvons rien faire, nous sommes trop petits et ils ne dépendent pas de nous. Ne les effrayons pas.

Cela parce qu’en réalité les DSA ne cherchent pas à « faire pression» sur le Parti démocrate pour qu’il fasse quoi que ce soit, mais bien plutôt à ramener les jeunes et les travailleurs dans le Parti démocrate et à consolider le soutien au capitalisme et à l’impérialisme. En échange des services rendus, la direction des DSA – composée de sections privilégiées de la classe moyenne supérieure et parlant en leur nom – cherchent à obtenir «une place à table», c’est-à-dire des postes et surtout des ressources financières.

(Article paru d’abord en anglais le 6 décembre 2021)

Loading