Le chancelier social-démocrate Scholz prend le pouvoir en Allemagne à la tête d’une coalition «feux tricolores»

Olaf Scholz a été élu hier nouveau chancelier fédéral de l’Allemagne avec les voix des sociaux-démocrates (SPD), des démocrates libres (FDP) et des Verts. Il succède à Angela Merkel, du Parti chrétien-démocrate (CDU), qui occupait cette fonction depuis 2005 et qui a été saluée au Parlement par une ovation.

De manière significative, le groupe parlementaire du Parti de gauche a également applaudi. Comme tous les autres partis du Parlement fédéral et les syndicats, le Parti de gauche a soutenu loyalement le programme politique de droite de Merkel.

Scholz et la coalition dite des feux de signalisation (ainsi nommée en raison des couleurs des trois partis, rouge, jaune et vert) poursuivront de manière agressive un programme de réduction des dépenses sociales, de réarmement à l’étranger et de mise en place d’un appareil d’État policier à l’intérieur du pays, ainsi que la politique d’infection massive de la pandémie. Ni les fleurs offertes à Scholz et au Parti de gauche, ni les phrases sur un prétendu «gouvernement progressiste» ou un «renouveau de la gauche en Europe» (New York Times) ne peuvent dissimuler cette réalité.

Olaf Scholz, des sociaux-démocrates, reçoit les applaudissements des législateurs après qu’ils ont élu le nouveau chancelier allemand au Bundestag du Parlement allemand à Berlin, le mercredi 8 décembre 2021 (Photo/Stefanie Loos)

Olaf Scholz est un politicien bourgeois de droite et personnifie comme nul autre le programme anti-ouvrier et militariste de ces dernières années. Sous sa direction, en tant que ministre des Finances de la coalition CDU-SPD dirigée par Merkel, on a augmenté le budget militaire d’environ 10 milliards d’euros, et des centaines de milliards ont été remis aux super-riches, aux grandes entreprises et aux banques par le biais des renflouements d’urgence dits coronavirus. La politique «les profits avant la vie», qui a fait plus de 100.000 victimes rien qu’en Allemagne, porte sa signature.

En politique sociale et intérieure, Scholz a toujours défendu un programme strict de maintien de l’ordre. En tant que sénateur de l’Intérieur du Land de Hambourg en 2001, il a introduit l’administration forcée d’émétiques pour obtenir des preuves auprès de trafiquants de drogue présumés, une mesure que la Cour européenne des droits de l’homme a ensuite condamnée comme une méthode de torture et donc comme une violation des droits de l’homme.

À partir de 2002, en tant que secrétaire général du SPD, Scholz a joué un rôle central dans le programme anti-ouvrier du gouvernement Schröder-Fischer, qui a plongé des millions de travailleurs et leurs familles dans une pauvreté désespérée. Par la suite, en tant que ministre du Travail dans le premier cabinet de Merkel, il a organisé l’augmentation de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans.

Son action brutale lorsqu’il était maire de Hambourg contre les manifestations du G20 à l’été 2017 a été particulièrement notoire. Dans le cadre de l’une des plus grandes opérations policières de l’Allemagne d’après-guerre, il a mobilisé plus de 20.000 policiers de tout le pays, qui ont transformé la ville hanséatique en un État policier et ont brutalement attaqué les manifestants, pour la plupart pacifiques. Des centaines de jeunes manifestants de toute l’Europe, qui n’ont fait qu’user de leur droit de manifester, sont encore poursuivis à ce jour et certains ont été condamnés à des peines draconiennes.

L’accord de coalition signé lundi par les partis des feux tricolores et la composition du cabinet de Scholz s’inscrivent dans la droite ligne de ce bilan réactionnaire. Le World Socialist Web Site a déjà décrit la coalition du SPD, des Verts et du FDP dans des articles précédents comme une alliance de l’État, du capital financier et des classes moyennes aisées contre la classe ouvrière. Les ministres nommés hier par le président fédéral Frank-Walter Steinmeier (SPD) représentent cette alliance réactionnaire.

Christian Lindner, le président du FDP, sera le nouveau ministre des Finances, prenant le poste précédemment occupé par Scholz. Le leader du parti néolibéral détesté, qui se fait le porte-parole des grandes entreprises et des marchés financiers, se voit confier la tâche de superviser un nouveau cycle d’austérité sociale. Dans leur accord de coalition, les membres de la coalition des feux tricolores se sont engagés à «accroître la compétitivité de l’Allemagne en tant que site économique» et à réappliquer le frein à l’endettement.

Pour ce faire, Lindner et ses partenaires de coalition travailleront en étroite collaboration avec les syndicats. La DGB (Confédération allemande des syndicats) se trouve directement impliquée dans l’élaboration de l’accord de coalition. Le dirigeant de la DGB, Rainer Hoffmann, avait déjà fait l’éloge de Lindner et du FDP lors des discussions exploratoires en vue de la formation du gouvernement. «Le FDP avec Christian Lindner» est «différent du FDP avec Guido Westerwelle et Philipp Rösler», a-t-il affirmé, en référence à la direction précédente du parti. Un «ministre fédéral Christian Lindner pourrait faire en sorte» que «l’Allemagne [soit] sûre en tant que site industriel».

Marco Buschmann, un autre représentant de la droite du FDP prend en charge le ministère de la Justice. Il est un partisan déclaré de la politique de pandémie d’infection massive. Lorsque la coalition des feux tricolores a officiellement mis fin à l’«urgence épidémique» en novembre, il s’est réjoui sur Twitter: «Nous avons supprimé de la loi les mesures telles que les confinements, les fermetures générales d’écoles et d’entreprises ou les couvre-feux. On ne peut plus utiliser ces mesures».

Le WSWS a déjà commenté la nomination de Karl Lauterbach (SPD) comme nouveau ministre de la Santé. Le médecin agréé et expert en épidémiologie est la feuille de vigne de la politique agressive des «profits avant la vie», que Lauterbach soutient pleinement malgré ses avertissements publics répétés sur la COVID-19. En novembre, il a voté au parlement fédéral pour mettre fin à «l’urgence épidémique». Après sa nomination comme ministre, il a explicitement exclu que des mesures de confinement soient immédiatement nécessaires.

Avec la sociale-démocrate Christine Lamprecht, l’ancienne ministre de la Justice deviendra ministre de la Défense dans le cabinet de Scholz. Lorsque Scholz l’a présentée lundi, elle n’a laissé aucun doute sur le fait que le retour du militarisme allemand se poursuivra sous sa direction. «Les soldats de l’armée allemande méritent que nous les traitions avec reconnaissance et respect, et je tiens à inclure expressément les réservistes», a-t-elle déclaré. Un équipement approprié est important, c’est pourquoi le système d’approvisionnement doit être modernisé, a-t-elle ajouté.

Les deux co-leaders du parti des Verts, Robert Habeck (vice-chancelier et ministre de l’Économie et de la protection du climat) et Annalena Baerbock (ministre des Affaires étrangères), joueront un rôle central dans la promotion du programme de droite et militariste du nouveau gouvernement. Baerbock a déjà clairement indiqué dans une interview accordée au taz avant sa nomination que le ministère fédéral des Affaires étrangères sous la direction des Verts soutiendra pleinement la campagne guerrière des États-Unis contre la Chine et la Russie. Elle a explicitement soutenu la participation nucléaire et a demandé que de nouveaux avions de combat capables d’utiliser des armes nucléaires soient achetés pour les forces armées allemandes.

Les autres ministres – Hubertus Heil (SPD), Travail et Affaires sociales; Nancy Faeser (SPD), Intérieur; Cem Ozdemir (Verts), Agriculture; Anne Spiegel (Verts), Famille, Aînés, Femmes et Jeunesse; Volker Wissing (FDP), Numérique et Transports; Steffi Lemke (Verts), Environnement, Conservation, Sécurité nucléaire et Protection des consommateurs; Bettina Stark-Watzinger (FDP), Éducation et recherche; Svenja Schulze (SPD), Coopération économique et développement; Klara Geywitz (SPD), Logement, développement urbain et construction; et Wolfgang Schmidt (SPD) en tant que ministre fédéral chargé des missions spéciales et chef de la Chancellerie – sont taillés dans le même moule. Le WSWS publiera d’autres portraits du gouvernement dans les prochains jours.

Il y a quatre ans, la grande coalition a fait de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, l’opposition officielle au Parlement. Elle a ensuite largement adopté le programme du parti d’extrême droite et l’a intégré dans le travail parlementaire. Ce processus se poursuit dans le cadre de la coalition des feux tricolores. Alors que la CDU prend désormais la position d’opposition officielle, les partis établis laissent quatre commissions parlementaires dirigées par l’AfD, dont l’importante commission de l’intérieur et la commission de la santé.

Les travailleurs et les jeunes doivent prendre cela comme un avertissement. Afin de poursuivre la politique d’infection massive et de réprimer l’opposition croissante de la classe ouvrière, la coalition des feux tricolores renforce délibérément les forces de droite et fascistes. Ce faisant, elle peut également compter sur le soutien du Parti de gauche. Le chef du groupe parlementaire du Parti de gauche, Dietmar Bartsch, a offert des fleurs à Scholz après son élection, écrivant sur Twitter: «Je souhaite que le chancelier Olaf Scholz et son cabinet prennent des décisions intelligentes pour les habitants de notre pays».

Le Parti de l’égalité socialiste (PES) est le seul parti qui s’oppose à la coalition des feux de signalisation depuis la gauche avec un programme socialiste. Fin novembre, il a tenu son congrès de parti et a adopté une importante résolution de perspective. Le document déclare:

La classe ouvrière entrera inévitablement en conflit avec la nouvelle coalition et tous les partis du Bundestag. Le SGP a préparé politiquement la classe ouvrière à cette confrontation. Lors de la campagne électorale, nous nous sommes résolument opposés à la coalition de tous les partis et nous nous sommes battus en tant que parti unique pour un programme socialiste international. Dans notre appel électoral, nous avons souligné: «Aucun problème social ne peut être résolu sans exproprier les banques et les grandes entreprises et les placer sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière. On doit confisquer leurs profits et leurs richesses, et les milliers de milliards qui leur ont été donnés au cours de l’année écoulée doivent être restitués. L’économie mondiale doit être réorganisée sur la base d’un plan scientifique et rationnel».

Ce programme revêt une importance renouvelée à la suite de l'arrivée au pouvoir de Scholz et de la coalition des feux tricolores.

(Article paru en anglais le 9 décembre 2021)

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