Le «Sommet pour la démocratie»: Biden rassemble les forces antidémocratiques contre la Russie et la Chine

Le gouvernement Biden a mis en scène jeudi la première journée d’un «Sommet pour la démocratie» de deux jours. Les plénières de cet événement virtuel, qui a rassemblé 80 dirigeants mondiaux, ont montré l’extraordinaire hubris de Washington, tandis que ses discussions de groupe étaient pleines de complots impérialistes. La fonction du sommet de Joe Biden est d’intensifier la pression mondiale sur la Russie et la Chine tout en présentant cela comme une défense de la «démocratie» contre «l’autocratie».

Le président Joe Biden s’exprime depuis l’auditorium «South Court» du complexe de la Maison-Blanche à Washington, jeudi le 9 décembre 2021, à l’ouverture du Sommet sur la démocratie, sous le regard du secrétaire d’État Antony Blinken, à droite. (AP Photo/Susan Walsh)

Le président Joe Biden a ouvert l’événement, assis à une table aux côtés du secrétaire d’État Antony Blinken devant un panneau vidéo surdimensionné qui présentait les visages de chacun des dirigeants réunis. Il s’est adressé à ce qui s’apparentait à une conférence téléphonique du capitalisme mondial, déclarant qu’il avait convoqué le sommet en raison des «défis soutenus et alarmants pour la démocratie, les droits de l’homme universels… partout dans le monde».

Le discours de Biden, et toute l’affaire qui a suivi, avaient l’air d’une farce, marquée par l’hypocrisie spectaculaire qui est la marque de fabrique de l’empire américain.

Il a truffé ses phrases d’expressions de démocratie, des mots dont la signification historique a été vidée au cours de plus d’un siècle d’empire américain et de domination capitaliste. Il a parlé de «justice», de «liberté de parole», de «liberté de réunion», de «liberté de religion», de «liberté de la presse» et de «tous les droits de l’homme inhérents à chaque individu».

Parmi les visages qui s’affichaient sur l’écran devant lui se trouvait un éventail de figures antidémocratiques et fascistes, chacune invitée personnellement par la Maison-Blanche.

Était présent Rodrigo Duterte, le boucher des pauvres philippins, directement responsable du meurtre par la police et ses acolytes de plus de 30.000 personnes au cours des cinq dernières années. Alors que Duterte était assis à écouter Biden parler des «droits de l’homme inhérents», la Cour suprême des Philippines a jugé que la majorité de sa loi antiterroriste était constitutionnelle. L’armée et la police philippines ont désormais le pouvoir de procéder à des écoutes et à des surveillances sans mandat et d’arrêter toute personne soupçonnée d’être un communiste ou un terroriste pendant une période qui peut aller jusqu’à 24 jours sans déposer de plainte. Duterte a été accusé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale.

Aux côtés de Duterte se trouvait Jair Bolsonaro. La commission d’enquête du Sénat brésilien a accusé Bolsonaro, le président fasciste du Brésil, de crimes contre l’humanité pour le «meurtre de masse» de la population brésilienne par la stratégie meurtrière de l’immunité collective qu’il a menée en réponse à la pandémie.

Duterte et Bolsonaro, comme tous les autres dirigeants présents, ont reçu une lettre qui portait la signature de Biden, dans laquelle on pouvait lire: «Nous reconnaissons et apprécions votre partenariat dans la construction de sociétés démocratiques et respectueuses des droits de l’homme qui permettent à tous les citoyens de s’épanouir». La lettre poursuivait en disant à Duterte et Bolsonaro que Biden était impatient d’entendre leurs idées sur «la façon dont nous pouvons favoriser un monde plus démocratique, équitable, inclusif et durable».

Biden a parlé à plusieurs reprises de la nécessité d’une «presse libre» et de «médias indépendants». Au cours de la deuxième journée du Sommet Biden pour la démocratie, la Haute Cour britannique rendra son verdict sur l’appel des États-Unis à extrader Julian Assange. Assange se bat pour sa vie contre Washington, qui l’a traqué et persécuté. Washington a monté de toutes pièces des accusations contre lui et l’a fait enfermer en prison parce qu’il a osé dévoiler les crimes de l’empire américain. Le sort de la liberté de la presse dépend de la défense d’Assange. La Maison-Blanche de Biden, poursuivant la politique de Trump et d’Obama, est le plus grand ennemi de la liberté de la presse dans le monde.

Les États-Unis n’ont pas le droit de faire la leçon à quiconque sur la démocratie. Aucune puissance n’a déstabilisé et renversé d’autant de gouvernements démocratiquement élus dans le monde que Washington. L’érosion de la démocratie n’est nulle part aussi marquée qu’aux États-Unis, centre de la réaction mondiale. Le parti républicain se transforme en parti fasciste américain, et le parti démocrate s’y adapte, tout en enlevant des statues de Thomas Jefferson de la scène publique.

Il y a moins d’un an, le 6 janvier, Donald Trump a tenté de se maintenir au pouvoir par un coup d’État fasciste soigneusement orchestré. Le gouvernement Biden a tout fait pour minimiser les événements du 6 janvier. Les conspirateurs responsables du complot contre la démocratie américaine ne sont pas seulement en liberté, ils comprennent de nombreux législateurs qui restent en fonction et poursuivent leurs attaques quotidiennes contre les normes démocratiques fondamentales.

Biden, qui a travaillé pour camoufler un coup d’État fasciste aux États-Unis, consulte Jair Bolsonaro et Rodrigo Duterte. Quelle que soit la substance de ce sommet, il s’agit en fait d’une conspiration contre la démocratie.

L’essence du sommet est apparue plus tard dans les remarques de Biden. La démocratie est en déclin, a-t-il affirmé, à cause de «la pression extérieure des autocrates». Ces autocrates, a-t-il affirmé, utilisent Internet et d’autres formes de subversion pour accroître «le mécontentement des populations du monde entier à l’égard des gouvernements démocratiques qui, selon elles, ne répondent pas à leurs besoins».

Cette ligne s’inspire du mensonge de l’ingérence russe dans les élections américaines. Le Parti démocrate et le New York Times l’ont affirmé sans fondement à plusieurs reprises. La Maison-Blanche de Biden est en train de transformer cette affirmation en une conspiration mondiale. Des «autocrates» non spécifiés, et on insinue ici Moscou et Pékin, minent la démocratie dans le monde entier en cultivant le mécontentement populaire.

L’idée que le mécontentement social est le produit de machinations extérieures est absurde. Environ 800.000 Américains sont morts du COVID-19, alors que moins de 6.000 sont morts en Chine, une nation quatre fois plus peuplée. Les travailleurs du monde entier font face à la mort massive, à la montée en flèche des prix, à la stagnation des salaires et à l’exigence de rester au travail.

Les participants au sommet ne représentent pas des démocraties qui seraient florissantes si elles ne se trouvaient pas minées par la subversion extérieure. Ce sont des représentants de la classe capitaliste faisant face à d’immenses explosions sociales qu’ils cherchent à étouffer.

Biden a poursuivi en déclarant que les autocrates non spécifiés «cherchent à promouvoir leur propre pouvoir, à exporter et à étendre leur influence dans le monde, et à justifier leurs politiques et pratiques répressives». Il pourrait être en train de lire la déclaration de mission de la Maison-Blanche lorsqu’il donne cette description précise de ce que sont en fait les actions de Washington.

Sous le prétexte de défendre la démocratie contre des autocrates en train de la miner, se cache la volonté de Washington de maintenir son hégémonie économique mondiale.

La liste des nations invitées et snobées avait une fonction géopolitique claire. La plus frappante est l’invitation adressée à Taïwan. En vertu de la politique d’une seule Chine, Washington ne reconnaît pas Taïwan comme une nation indépendante. Inviter Taipei à participer à une discussion sur la «démocratie» et exclure Pékin est une forte provocation.

Juan Guaidó, présenté comme le «président par intérim du Venezuela», était présent à l’événement. Comme tout le reste de l’événement, sa présence contredit l’utilisation du mot «démocratie». Guaidó est une marionnette non élue, que Washington a tenté d’installer à la présidence du Venezuela par un coup d’État militaire pour évincer Nicolas Maduro.

Biden a conclu son discours en appelant toutes les personnes réunies – Duterte, Bolsonaro, Guaidó et compagnie – à «se serrer les coudes» afin de «repousser l’autoritarisme». Deux séances plénières à huis clos ont suivi. La première était animée par Biden et la seconde par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Cette dernière, en tant que ministre de la Défense de l’Allemagne, a contribué à faciliter la croissance de l’extrême droite et à orchestrer le retour du militarisme allemand sur la scène mondiale.

Autour des sessions plénières se sont déroulées des tables rondes, organisées par des partenariats entre les services de renseignement américains et l’industrie. Brad Smith, président de Microsoft, a parlé de la manière d’utiliser «la technologie au service de la démocratie». John Brothers, président du géant de l’investissement T. Rowe Price, qui détient une part importante de la dette vénézuélienne, a animé une discussion sur «l’investissement responsable». Kent Walker, président des affaires mondiales de Google, qui a publiquement admis avoir censuré le World Socialist Web Site, a expliqué comment les entreprises privées peuvent contribuer à la «démocratie».

Samantha Power, directrice de l’Agence américaine d’aide au développement international (USAID) – une organisation qui est en fait une succursale financière de la CIA – a annoncé que son agence allait créer un Fonds mondial de défense contre la diffamation, qui protégerait des journalistes poursuivis pour leurs reportages. L’utilisation ciblée de ce fonds fonctionnera sans aucun doute comme un instrument de propagande de l’impérialisme américain, apportant un soutien aux journalistes qui écrivent en opposition aux rivaux de Washington, tandis que Julian Assange croupit en prison.

On a également annoncé que la Maison-Blanche publierait lundi une stratégie de lutte contre la corruption, qui serait axée sur les «dimensions transnationales de cette menace». L’USAID, a-t-on indiqué, surveillerait et viserait cette corruption transnationale. À l’issue du sommet, avec ses dénonciations de la Russie et de la Chine qualifiées d’«autocrates coupables d’ingérence», cette initiative est une autre mesure concrète prise par Washington pour intensifier la pression sur Moscou et Pékin.

En début de semaine, Washington a annoncé son boycott officiel des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, accusant la Chine de commettre un «génocide», sans présenter la moindre preuve à l’appui. Trois jours plus tard, Biden a rassemblé un ensemble de forces, dont des crapules autoritaires et des meurtriers de masse, pour «défendre la démocratie».

«Droits de l’homme» et «démocratie» n’ont aucune signification dans la bouche de Joe Biden, le chef de l’impérialisme américain. Ce sont des mensonges répétés à l’infini pour justifier les préparatifs de guerre de Washington, qui sont maintenant très avancés.

(Article paru en anglais le 10 décembre 2021)

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