Les scientifiques mettent en garde que le système de santé canadien pourrait s’effondrer dans les semaines à venir en raison de l’explosion des infections dues au variant Omicron en Ontario et au Québec

Un membre des Forces armées canadiennes travaillant dans une maison de retraite du Québec (Ministère canadien de la Défense)

La croissance explosive du variant Omicron de la COVID-19 au Canada fait monter en flèche les infections dans les deux provinces les plus peuplées, l’Ontario et le Québec. Alors que le Québec est actuellement en tête avec les nouveaux cas qui ont plus que doublé en quatre jours, de mardi à vendredi, les experts de la Table de consultation scientifique de l’Ontario ont averti jeudi que les hôpitaux de la province seront confrontés à des demandes de soins «insoutenables» en janvier si les infections continuent à augmenter au rythme actuel.

Vendredi, le Québec a annoncé 3.760 infections au cours des 24 heures précédentes, contre 1.747 mardi. Il s’agit du total quotidien le plus élevé depuis le début de la pandémie. L’analyse des tests positifs a révélé que le variant Omicron représentait 20% de toutes les infections de mardi. Si l’on considère que le variant hautement infectieux double tous les deux ou trois jours, il semble que le variant Omicron va dominer les nouvelles infections dans la province d’ici cette fin de semaine.

Des records d’infections quotidiennes ont également été annoncés dans les provinces atlantiques de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

Une situation tout aussi désastreuse se développe en Ontario. Les infections quotidiennes ont dépassé la barre des 3.000 pour la première fois depuis la troisième vague du printemps, les autorités ayant annoncé 3.124 nouvelles infections au cours des 24 heures précédentes vendredi matin.

La Table de consultation scientifique a fait savoir que sa prédiction alarmante de salles d’hôpital submergées en quelques semaines, ce qui entraînerait des milliers de décès évitables, ne pourrait être évitée que si les contacts sociaux étaient réduits de 50%. Le recours aux vaccins de rappel n’empêcherait pas à lui seul les infections quotidiennes d’atteindre le chiffre sans précédent de 6.000 à 10.000 au cours des deux prochaines semaines, ajoute l’évaluation.

Pourtant, immédiatement après avoir présenté ce scénario consternant, le coprésident de la Table de consultation scientifique, Adalsteinn Brown, a rejeté d’emblée toute idée de confinement ou d’autres mesures de santé publique globales pour éviter la crise imminente. «Je ne pense pas que nous devons nécessairement arrêter les choses complètement», a-t-il commenté. «Je pense que nous pouvons y arriver sans fermer les écoles ou faire fermer les entreprises qui ont souffert lors des précédentes vagues.»

Cela aura été de la musique aux oreilles du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, qui est déterminé à éviter de mettre en œuvre toute mesure susceptible de restreindre l’accumulation de profits pour les grandes entreprises et les super-riches de la province. Soulignant son indifférence pour la protection de la vie humaine, tout ce que Ford a offert lors d’une annonce vendredi était de restreindre certains lieux, tels que les restaurants, les bars, les gymnases et les magasins de détail, à une capacité de 50 pour cent. Le premier ministre du Québec, François Legault, a annoncé des mesures similaires un jour plus tôt, déclarant que les bars, les restaurants, les magasins de détail et les lieux de culte ne pourront fonctionner qu’à la moitié de leur capacité.

Legault a même refusé d’envisager d’avancer de quelques jours le congé de Noël pour les écoles de la province, malgré le fait que près de la moitié d’entre elles présentent actuellement des éclosions de COVID-19. Il a annoncé que le congé de Noël des écoles secondaires serait prolongé de quelques jours, jusqu’au 10 janvier, tandis que les élèves des écoles primaires seront forcés de retourner dans leurs salles de classe infestées de COVID une semaine avant. Ford, pour sa part, a refusé jusqu’à présent de préciser les intentions de son gouvernement concernant les écoles pour la nouvelle année.

Face au tsunami d’infections déjà en cours, les gouvernements aux niveaux provincial et fédéral passent leur temps à assouplir des mesures de santé publique déjà insuffisantes et à éliminer les programmes de soutien liés à la pandémie. Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a annoncé cette semaine qu’à partir de maintenant, les personnes non vaccinées seraient à nouveau autorisées à se rassembler à l’intérieur. Kenney a également annulé la restriction des rassemblements sociaux à deux ménages. Au lieu de cela, les personnes de n’importe quel nombre de foyers peuvent se réunir pendant la période des fêtes, à condition que le nombre d’adultes ne dépasse pas 10. Le nombre de personnes de moins de 18 ans autorisées à être présentes est illimité.

Le gouvernement libéral fédéral dirigé par le premier ministre Justin Trudeau a fait adopter un projet de loi à la Chambre des communes jeudi pour achever de réduire le peu de soutien financier qui restait aux travailleurs. En vertu de la nouvelle mesure, un travailleur n’a droit à la pitoyable somme de 300$ par semaine que s’il est mis en confinement par son employeur, sa province ou une autorité locale pendant 14 jours consécutifs – ce qui est pratiquement impossible compte tenu de la politique impitoyable du maintien de l’économie et des écoles ouvertes appliquée par les gouvernements d’un océan à l’autre. Même si ces conditions sont remplies, le gouvernement fédéral conserve le pouvoir de déterminer ce qui constitue un confinement. Le même projet de loi a prolongé un généreux programme de soutien financier aux entreprises jusqu’en mai 2022. Après avoir veillé à ce que ce cadeau de Noël pour les entreprises canadiennes soit adopté par le Parlement, les députés, y compris ceux du Nouveau Parti démocratique (NPD), ont voté à l’unanimité pour entamer leur congé de Noël de six semaines un jour plus tôt que prévu.

Trudeau a cherché à blâmer la population pour l’inaction de son gouvernement face à Omicron, affirmant dans une entrevue à la CBC que la «fatigue généralisée de la pandémie» et le fait que les gens soient «fatigués des restrictions» étaient les principales raisons ayant favorisé la propagation d’Omicron, et non la répudiation par le gouvernement des mesures de santé publique de base dans le but de protéger les profits de la grande entreprise.

L’élite politique canadienne pouvait difficilement rendre plus clair son engagement envers une politique d’infection et de mort de masse. La Dre Caroline Quach-Thanh, membre du comité d’immunisation du Québec, a affirmé la semaine dernière que si Omicron provoque des infections bénignes, «peut-être que ce que l’on devrait faire, c’est laisser les gens l’attraper et, tant que cela ne provoque pas d’hospitalisation et de décès, cela renforce l’immunité naturellement et cela protégera la population.»

Les réflexions de Quach-Thanh sur l’application d’une politique meurtrière d’«immunité collective», qui a provoqué plus de 170.000 décès au Royaume-Uni et des millions d’autres dans le monde, bénéficient d’un large soutien dans les cercles dirigeants. Ce fait est souligné par le caractère désordonné de la mise en œuvre par les gouvernements fédéral et provinciaux des vaccinations de rappel, qui sont essentielles pour fournir un degré substantiel de protection contre les infections et les maladies graves. Au 16 décembre, seulement 9,2% de la population canadienne avait reçu une troisième dose, contre près de 40% en Grande-Bretagne et environ 30% en Allemagne.

Le ralentissement de la campagne de vaccination à un rythme d’escargot n’est pas le résultat d’un manque de vaccins. Au contraire, un rapport publié hier [17 décembre] indiquait que le gouvernement fédéral entrepose actuellement plus de 4 millions de doses. Il s’agit plutôt du résultat du démantèlement systématique de l’infrastructure nécessaire à la distribution et à l’administration des vaccins après l’administration des secondes doses.

Les gouvernements ont démantelé l’infrastructure au moment même où les recherches scientifiques révélaient l’urgente nécessité d’administrer des troisièmes doses pour protéger les personnes ayant reçu deux doses de vaccin contre l’affaiblissement de leur immunité. Ce besoin est devenu d’autant plus urgent avec l’émergence d’Omicron. Selon les dernières données scientifiques, la protection d’une personne doublement vaccinée contre une infection par Omicron n’est que de 22 à 33%. Six mois après la deuxième dose, la protection contre Omicron est pratiquement inexistante. Ce n’est qu’avec l’administration de la troisième dose «de rappel» que la protection contre l’infection s’élève à peu près à l’équivalent de la protection fournie par deux doses contre la souche originale du virus.

En Colombie-Britannique, gouvernée par le NPD, les autorités sont allées jusqu’à fermer les centres de vaccination pendant deux semaines pour les vacances, laissant les personnes qui cherchaient désespérément à se protéger contre le variant Omicron hautement infectieux sans aucun endroit où aller. Selon la CBC, les cliniques de vaccination de Prince George, Prince Rupert et Terrace sont fermées du 20 décembre au 4 janvier. Même Vancouver, la plus grande ville de la province, n’organise aucune clinique de vaccination entre le 24 et le 28 décembre. Jean Fares, un homme de 62 ans qui a reçu sa deuxième dose il y a plus de six mois et qui n’a pas pu en réserver une troisième en raison des fermetures pour les fêtes, a déclaré à CBC: «Ils jouent avec nos vies. Je ne sors pas, je ne vois personne. Je veux mon vaccin».

Même la tâche de se faire tester est devenue un défi majeur pour des milliers de travailleurs à travers le pays. Les utilisateurs de Twitter ont partagé des vidéos et des photos de longues files de gens qui doivent attendre des heures dans les centres de test locaux. Ceux qui cherchent à obtenir des tests rapides en Ontario rapportent avoir été dirigés par le gouvernement vers des magasins qui n’ont pas encore été approvisionnés.

La colère du public monte envers la politique pandémique criminelle de l’élite dirigeante, qui s’est concentrée dès le départ à protéger les profits de la grande entreprise au détriment de la vie des gens. Malgré la campagne de propagande menée par les médias propatronaux, qui ne cessent de promouvoir l’opposition de droite à toute mesure d’atténuation, même limitée, tout en proclamant qu’Omicron est «bénin» et que le pire de la pandémie est passé, un sondage réalisé par Ipsos pour le compte de Global News a révélé que 56% des personnes interrogées, soit une nette majorité, seraient favorables à un confinement complet pour éliminer le virus.

Ce soutien populaire important pour une réponse à la pandémie basée sur la science doit être mobilisé dans une lutte menée par les travailleurs pour une stratégie d’élimination de la COVID-19. Les travailleurs doivent exiger la fermeture immédiate des écoles et de toute production non essentielle, avec une indemnisation complète des travailleurs, ainsi qu’un programme de santé publique complet comprenant le dépistage en masse, le confinement des personnes infectées, le dépistage des contacts et la quarantaine, ainsi qu’une vaccination de masse pour ramener les cas à zéro.

(Article paru en anglais le 18 décembre 2021)

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