La pandémie de COVID-19, le retour de la lutte des classes et les tâches du Parti de l'égalité socialiste en Allemagne

Manifestation du syndicat Verdi au Tiergarten de Berlin (Photo : WSWS)

Le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste, SGP), la section allemande du Comité international de la Quatrième Internationale, a tenu son congrès du 19 au 22 novembre. Nous publions ici la résolution adoptée à l'unanimité par les délégués. Le nouveau comité national a élu Christoph Vandreier président et Dietmar Gaisenkersting vice-président du SGP. Le président de longue date du parti, Ulrich Rippert, a été élu président d'honneur par le comité national, et Johannes Stern éditeur et rédacteur en chef de l'édition en langue allemande du World Socialist Web Site .

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1. Le Congrès du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste, SGP) se déroule dans des conditions extraordinaires qui nécessitent un développement décisif de notre travail politique. Il y a deux ans, sur la base d'une revue de l'histoire du mouvement trotskyste, nous avons conclu qu'il était entré dans la cinquième phase de son histoire. Cela se caractérise par l'intersection du programme et des principes du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et d’un nouvel essor révolutionnaire de la classe ouvrière mondiale. Dans ces conditions, les interventions du parti sont elles-mêmes un élément décisif du développement objectif et prennent la plus grande importance. Cela est évident en ce qui concerne toutes les questions politiques importantes.

La pandémie et la lutte pour éliminer la COVID-19

2. Depuis le début de la crise, le World Socialist Web Site et le CIQI ont qualifié la pandémie d'événement déclencheur qui accélère énormément la crise économique, sociale et politique déjà avancée du système capitaliste mondial.

3. L’éruption de la pandémie s’est produite à un moment déjà caractérisé par des inégalités sociales massives, un tournant de la classe dirigeante vers des formes de gouvernement autoritaires et une montée du militarisme impérialiste qui évoque la menace d'une troisième guerre mondiale. Le virus ne connaît pas de frontières nationales; chaque pays est secoué par les mêmes conflits sociaux et politiques. Cette crise mondiale, qui a déjà coûté des millions de vies, exige une solution mondiale.

4. Près de deux ans après le début de la pandémie, plus de 5 millions de personnes sont officiellement tombées victimes du virus, dont plus de 1,3 million en Europe et près de 100 000 en Allemagne. De tels chiffres sont sans précédent hors d’une période de guerre, et le nombre réel des morts est bien plus élevé. Selon un outil de suivi de la surmortalité compilé par The Economist, le nombre réel de morts dans le monde est de 16,7 millions de personnes, soit à peu près autant que pendant la Première Guerre mondiale. Chaque mois, près de 200 000 personnes meurent de la COVID-19.

5. Au milieu de cette vague de morts en masse, les gouvernements du monde entier déclarent la pandémie terminée et éliminent les mesures de protection restantes, avec des conséquences désastreuses. Par leur décision de mettre fin à la « situation épidémique » [la législation permettant des mesures nationales plus strictes] le gouvernement sortant et le nouveau gouvernement provoquent une situation qui éclipse même la catastrophe de l'hiver dernier. Le directeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l'Europe, Hans Kluge, prévient qu'il pourrait y avoir 500 000 décès supplémentaires dus au coronavirus en Europe en l’espace de seulement trois mois.

6. Derrière la politique de mort que le gouvernement allemand impose à toute l'Europe, se cachent des intérêts politiques et économiques bien précis. La classe dirigeante veut extraire de la classe ouvrière les sommes gigantesques qui ont afflué vers les grandes banques et entreprises dans les soi-disant plans de sauvetage coronavirus du printemps 2020. Un autre facteur derrière la politique impitoyable d'infection de masse délibérée est l'ambition géostratégique et économique de l'impérialisme allemand. Berlin considère la pandémie comme une opportunité d'organiser encore plus fortement l'Union européenne (UE) sous la direction de l’Allemagne et de se positionner contre ses rivaux internationaux. Il entend « faire en sorte que l'Europe sorte économiquement forte de la pandémie sur la base de finances publiques saines et soutenables », comme l’affirme le document exploratoire de la coalition « tricolore » [Parti social-démocrate (SPD), Verts et Libéraux-démocrates (FDP)]. Cela nécessitait « une plus grande coopération entre les armées nationales européennes » et un meilleur équipement pour la Bundeswehr (Armée allemande).

7. Le WSWS et le CIQI ont souligné que la lutte contre la pandémie n'est pas seulement une question médicale. Comme la lutte contre les inégalités sociales, la guerre et la dictature, elle requiert l'intervention politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste.

8. Nous avons établi un parallèle avec la Première Guerre mondiale qui une fois commencée, en août 1914, a développé une dynamique de plus en plus terrible. La mort était normalisée, des vagues de jeunes sans cesse renouvelées étaient envoyées au front et consommées comme du « matériel humain ». La guerre ne pouvait pas être terminée, malgré les souffrances, parce que les intérêts géopolitiques et économiques des fauteurs de guerre capitalistes rendaient impossible une solution pacifique. Pour mettre fin à la guerre, la classe ouvrière de tous les pays belligérants devait être mobilisée sur la base d'un programme socialiste révolutionnaire. C'était la perspective de Lénine et Trotsky, qui s’est vue puissamment confirmée dans la Révolution d'Octobre de 1917 en Russie, lorsque la classe ouvrière a renversé le pouvoir bourgeois et pris la direction de la société.

9. Comme la lutte contre la guerre, la lutte contre la pandémie est une question de classe et révolutionnaire. Dans notre appel électoralpour les élections fédérales, nous avons déclaré : « La lutte pour contenir la pandémie se transforme en une lutte de classe, qui montre de plus en plus clairement que les deux grandes classes de la société, la classe capitaliste et la classe ouvrière, ont des intérêts inconciliables. »

10. La ligne de séparation entre les stratégies de lutte contre la pandémie a été mise en évidence par le WSWS lors de deux ‘webinaires’ importants avec des scientifiques de renommée internationale. La classe capitaliste poursuit soit la stratégie de « l'immunité collective » – c'est-à-dire la contagion délibérée – soit un endiguement limité connu sous le nom d'‘atténuation’. Ces deux stratégies reviennent à une infection massive de la population par le virus et signifient que des millions de personnes sont victimes d’une mort évitable ou souffrent année après année de séquelles à long terme.

11. Contrairement à la politique officielle de la mort en masse et de la misère sociale, nous luttons dans la classe ouvrière pour l'élimination mondiale du SARS-CoV-2 afin de sauver des vies. Cette politique socialiste comprend: la fermeture immédiate de toutes les écoles et entreprises non essentielles jusqu'à ce que la pandémie soit maîtrisée! Le paiement intégral du salaire pour tous les travailleurs concernés, ainsi qu'une véritable aide pour les indépendants et une assistance complète pour les ménages pauvres! Un programme de vaccination coordonné à l'échelle mondiale au lieu de nationalisme vaccinal et d’affairisme!

Le SGP soutient l'initiative du comité de rédaction international du WSWS pour une Enquête ouvrière mondiale, une enquête internationale menée par des travailleurs sur la pandémie de coronavirus. Nous mobiliserons toutes nos forces pour développer cette initiative et dévoiler les crimes commis par la classe dirigeante dans la pandémie ces deux dernières années. Parallèlement, nous renforcerons la lutte pour la mise en œuvre des mesures scientifiquement nécessaires pour éliminer le SARS-CoV-2 à l'échelle mondiale.

Cela nécessitera avant tout le développement de comités de la base pour des lieux de travail et des écoles sûrs. La lutte contre la pandémie doit être menée dans les écoles et les lieux de travail à travers le développement d'une campagne coordonnée à l'échelle mondiale. À cette fin, le CIQI a établi l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), qui servira de plaque tournante pour coordonner les luttes mondiales de la classe ouvrière pour mettre fin à la pandémie et sauver des millions de vies. Son développement doit aller de pair avec la construction du SGP et du CIQI en tant que direction socialiste de la classe ouvrière, afin de lier la lutte contre la pandémie à celle contre les inégalités sociales, la guerre, la dictature et le système capitaliste.

La lutte contre le changement climatique

12. Dans la lutte contre le changement climatique, l'humanité est confrontée aux mêmes défis fondamentaux que pour la pandémie. Comme le coronavirus, les gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières étatiques. Dans les catastrophes naturelles croissantes de ces dernières années, comme les inondations dévastatrices de cet été qui ont fait des centaines de morts en Allemagne, l'indifférence de l'élite dirigeante à l'égard de la vie humaine et de l'avenir de la planète tout entière est évidente.

13. La question climatique, comme toutes les grandes questions sociales – inégalités sociales, pandémie de coronavirus, extrémisme de droite, politique des réfugiés et guerre – est une question de classe. Et elle nécessite une réponse internationale. Une telle réponse est incompatible avec le capitalisme, qui se fonde sur la maximisation du profit et la concurrence entre États-nations et foule aux pieds les avertissements scientifiques.

La tâche du SGP est d'orienter la lutte contre le changement climatique vers la classe ouvrière. C'est la seule force sociale ayant un intérêt fondamental à transformer la société pour satisfaire les besoins sociaux et non le profit privé. Les Jeunes et Étudiants internationaux pour l’égalité sociale (IYSSE) renforceront leurs efforts pour gagner en influence auprès des apprentis, des élèves et d'autres sections de la jeunesse ouvrière. Les IYSSE interviennent dans les grandes manifestations par exemple sur le changement climatique afin de clarifier les questions fondamentales de perspective politique au sein d'une nouvelle génération de jeunes qui se radicalise aujourd'hui. Développer une réponse socialiste à la crise climatique nécessite une polémique constante contre les courants verts et de la pseudo-gauche qui cherchent à subordonner le mouvement pour défendre le climat aux intérêts du capital financier sur la base d'une politique de protestation dans le cadre du capitalisme.

Le retour de la lutte des classes et la construction des Comités de base

14. Les conditions objectives de la révolution socialiste mondiale sont bien avancées. Début 2020, le Comité international déclarait dans sa déclaration du Nouvel Anque les années 2020 seraient une décennie de la révolution sociale. Ce pronostic se fondait sur une analyse de la crise sociale et politique avancée du système capitaliste. Dans l’intervalle, l’évolution de la situation a pleinement confirmé cette analyse.

15. Une résistance explosive se développe chez les travailleurs et les jeunes du monde entier contre la politique de la classe dirigeante face à la pandémie et les attaques connexes menées contre les emplois et les salaires. Au printemps 2020, une vague de grèves spontanées dans des usines automobiles, manufacturières et alimentaires clés en Amérique du Nord et en Europe a forcé les gouvernements capitalistes à imposer les premiers confinements. À l'automne 2020, il y eut des manifestations contre la politique de réouverture, notamment des grèves scolaires en Grèce, en France et en Allemagne.

16. Aujourd'hui, des grèves et des manifestations se développent à nouveau dans le monde contre les morts en masse et les attaques menées contre les emplois et les salaires. Partout, gouvernements et entreprises utilisent, avec l'aide des syndicats, la pandémie de coronavirus pour imposer des attaques historiques. En Allemagne, la classe dirigeante prépare une attaque frontale. Surtout dans le secteur industriel, qui représente 31 pour cent de tous les emplois (pour environ 20 pour cent en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis), un énorme bouleversement est imminent. Dans le seul secteur de l'automobile, un demi-million d'emplois doivent être supprimés.

17. Les travailleurs ne sont plus disposés à accepter cela sans se battre. Aux États-Unis, centre du capitalisme mondial, se développe actuellement la plus grande vague de grèves depuis des décennies. Les élections allemandes se sont également déroulées sous la pression de nombreuses grèves et manifestations. Deux traits, que le CIQI avait prévu de longue date, caractérisent ces luttes de classe: elles se sont internationalisées à un degré à peine imaginable auparavant et se développent en un mouvement mondial unique; et elles prennent la forme d'une rébellion contre les syndicats pro-patronat.

18. Dans cette situation, l'intervention de notre parti devient de plus en plus le facteur décisif dans le développement de la lutte des classes. En mai, le CIQI et les partis de l'égalité socialiste qui lui sont affiliés ont lancé l'Alliance ouvrière internationale des comités de base pour créer un « cadre pour de nouvelles formes d'organisations de la base indépendantes, démocratiques et militantes des travailleurs dans les usines, les écoles et les lieux de travail à l'échelle internationale. » Cette initiative est maintenant reprise par des travailleurs qui ont formé des comités de base aux États-Unis, par exemple chez Volvo Trucks, chez Dana et John Deere. Ici, en Allemagne, des enseignants, des éducateurs, des parents et des chauffeurs de bus ont formé les premiers comités de base pour des lieux de travail et des écoles sûrs.

Cette offensive doit maintenant être poursuivie. C'est la tâche du parti que d'orienter politiquement et de diriger les travailleurs dans la lutte. Nous avons non seulement commenté, mais sommes activement intervenus dans les grèves et protestations des employés d'aéroport chez WISAG, dans celles des conducteurs de train, des infirmières, des livreurs Gorillas et des travailleurs de l'automobile. Nous avons préconisé une rupture politique et organisationnelle avec les syndicats nationalistes et avons patiemment clarifié les questions clés d'orientation et de perspective politiques. Pour développer un réseau de comités de base indépendants et construire l'IWA-RFC à l’international, il faut construire le SGP et le CIQI comme direction socialiste dans la classe ouvrière.

La lutte contre le militarisme et la guerre

19. Avant tout, la pandémie a également exacerbé la menace de guerre. Le gouvernement américain non seulement accuse la Chine d'être responsable de la pandémie, mais se prépare aussi de plus en plus directement à un conflit militaire avec la Russie et la Chine, toutes deux des puissances nucléaires. Les puissances européennes profitent également de la crise pour s'armer davantage.

20. En Allemagne se concentrent à nouveau les contradictions du capitalisme mondial, que la classe dirigeante a tenté de résoudre au siècle dernier par la guerre et le fascisme. L'escalade des guerres commerciales et des conflits entre grandes puissances sape l'industrie d'exportation allemande. L'escalade du conflit entre les États-Unis et la Chine place la bourgeoisie allemande devant un dilemme insoluble. Si elle s'allie aux États-Unis contre la Chine, elle risque de perdre son marché d'exportation et ses investissements en Chine. Si elle s'oppose aux États-Unis, elle sera confrontée à la plus grande puissance militaire du monde et devra également subir des dommages économiques.

21. La tentative d'organiser l'Europe en une « troisième puissance mondiale » sous direction allemande aggrave le conflit non seulement avec Washington, mais encore avec ses « alliés » européens. L'ampleur des tensions entre les puissances européennes est illustrée par le Brexit et le différend sur l'Irlande du Nord, l'escalade du conflit sur le pacte AUKUS et sur les droits de pêche opposant la Grande-Bretagne et la France, et les différends croissants entre l'UE et les États membres Pologne et Hongrie. L'escalade de la crise économique, sociale et politique fait reparaître tous les problèmes du capitalisme européen et allemand non résolus au 20e siècle.

22. Le SGP a préparé la classe ouvrière à ces développements. En 2014, nous avons publié une résolution(article en anglais)analysant les forces motrices objectives du retour du militarisme allemand et avons mis en garde contre ses implications de grande portée. Quelques mois seulement après que le ministre des Affaires étrangères de l'époque et actuel président Frank-Walter Steinmeier (SPD) eut annoncé à la Conférence de Munich sur la sécurité que l'Allemagne était « trop ​​grande et économiquement trop forte pour [se] contenter de commenter la politique mondiale depuis la touche », nous avons écrit:

L'histoire revient avec force. Près de 70 ans après les crimes nazis et après sa défaite dans la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante allemande adopte à nouveau la politique impérialiste de grande puissance de l'Empire et d'Hitler. […] La propagande de l'après-guerre – selon quoi l'Allemagne avait tiré les leçons des crimes terribles des nazis, était « arrivée à l'Ouest », avait adopté une politique étrangère pacifique et s'était transformée en démocratie stable – s’avère être un mythe. L'impérialisme allemand se montre une fois de plus comme il est apparu historiquement, avec toute son agressivité, à l’intérieur comme à l’extérieur.

23. Il est devenu depuis de plus en plus clair combien cette évaluation était correcte. Le gouvernement de Grande coalition a augmenté le budget de la Défense de près de 20 milliards d'euros au cours des huit dernières années, a organisé de nouvelles missions de guerre en Afrique et au Moyen-Orient, a stationné des troupes de combat à la frontière russe et même récemment envoyé un navire de guerre dans la région Inde-Pacifique. Le prochain gouvernement intensifiera encore cette politique de grande puissance et de guerre. Les plans à cet effet sont prêts depuis longtemps. En mai, le ministère de la Défense a adopté les « Points-clés pour l'avenir de la Bundeswehr », qui visent à préparer l'armée allemande à la conduite de conflits militaires majeurs, jusqu'à et y compris la guerre nucléaire.

La menace d'une troisième guerre mondiale dévastatrice rend extrêmement urgente la construction d'un mouvement anti-guerre de la classe ouvrière internationale visant à éliminer la cause de la guerre – le système de profit capitaliste – et à organiser une société socialiste mondiale. Le SGP travaillera dans cet effort en étroite collaboration avec ses organisations sœurs du CIQI. En Europe, il s'agit du Socialist Equality Party en Grande-Bretagne, du Parti de l'égalité socialiste en France et du Sosyalist Eşitlik Grubu en Turquie. La lutte contre une rechute dans la guerre et la barbarie sur le continent est directement liée à la lutte pour les États socialistes unis d'Europe.

Le danger d’extrême-droite et l’action en justice du SGP contre le Verfassungsschutz (Office pour la protection de la Constitution – renseignement intérieur)

24. Comme dans les années 1930, la classe dirigeante du monde entier répond à la crise profonde du capitalisme en se tournant vers des formes autoritaires de gouvernement et vers le fascisme. Le programme de la contamination massive et délibérée, des inégalités et de la guerre est incompatible avec les droits démocratiques. La tentative de coup d'État de Donald Trump le 6 janvier et le comportement lâche du Parti démocrate ont montré que des pans importants de la bourgeoisie placent leurs espoirs dans des formes de gouvernement autoritaires ou les tolèrent. Les projets de coup d'État de Jair Bolsonaro au Brésil et les complots des armées espagnole et française sont également une manifestation de cela.

25. En Allemagne, cette évolution est particulièrement avancée. Il y a quatre ans, lorsque le SPD et la CDU (Union chrétienne-démocrate) négociaient la relance de la grande coalition dans le dos de la population, nous l'appelions le gouvernement le plus à droite depuis la fin des Nazis. Cela fut confirmé en particulier pendant la pandémie, au cours de laquelle le gouvernement a fait adopter la politique agressive du « profit avant la vie », a transféré des centaines de milliards aux banques et aux grandes entreprises et accéléré le réarmement massif de la Bundeswehr.

26. On a fait du parti d’extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) l’opposition officielle et on l’a intégré à l'establishmentpolitique. Son programme – attaques sociales, augmentation massive des pouvoirs de l'État à l'intérieur comme à l'extérieur et politique d'immunité collective – est de fait mis en œuvre par tous les partis gouvernementaux. Comme auparavant avec Pegida, on a mobilisé avec les manifestations de ‘Querdenker’ (type Q Anon) la lie de droite pour intimider l'opposition.

27. À quel point la classe dirigeante met directement en œuvre le programme de l'extrême droite se montre également dans la politique relative aux réfugiés. Elle consiste en la fermeture brutale de la « forteresse Europe », en l'érection de barrières frontalières et de camps fermés pour les réfugiés, et en déportations massives vers les zones de guerre du Proche et du Moyen-Orient.

28. Dans le même temps, les réseaux terroristes d'extrême droite sont systématiquement protégés et développés par l'appareil d'État. La véritable ampleur du NSU néo-nazi et son implication étroite avec l'appareil de sécurité de l'État restent dans l'obscurité même 10 ans après sa révélation et l'assassinat du président de district Walter Lübcke, dont l’auteur est issu de la périphérie du NSU. Les dirigeants du réseau Hannibal et d'autres réseaux terroristes de droite dans la Bundeswehr et dans la police restent en liberté malgré les plans d’assassinats et les découvertes d'armes, et malgré les attentats terroristes d'extrême droite et antisémites de Halle et Hanau.

29. Comme la lutte contre la guerre, la lutte contre le fascisme, le renforcement de l’État et l'abolition des droits démocratiques ne peut être menée que par la construction d'un mouvement ouvrier indépendant. À cet égard, l’action en justice du SGP contre le ‘Verfassungsschutz’ – lui-même un centre de complots d'extrême droite – est de la plus haute importance. Avec son attaque contre le SGP, l'élite dirigeante a reconnu que le programme et les idées de notre mouvement avaient le potentiel de trouver un soutien de masse dans la classe ouvrière. L’action en justice du SGP a renversé la vapeur. Les prises de parole d'Ulrich Rippert et Christoph Vandreier devant le tribunal administratif de Berlin le 18 novembre 2021 s'inscrivent dans la meilleure tradition du mouvement ouvrier révolutionnaire allemand.

30. En déclarant que l'histoire n'avait aucune importance, c'est-à-dire qu'on pouvait oublier les camps de concentration et les chambres à gaz, le tribunal a perdu toute légitimité. Sa décision, essentiellement de déclarer illégaux le fondement théorique et le programme du marxisme, était une nouvelle tentative de réaliser les objectifs que Bismarck recherchait en 1878 et que Hitler avait proclamé en 1920: la destruction complète du marxisme.

31. Mais nous ne vivons pas dans l'Allemagne de 1878 ou de 1933, ni dans le monde du 19e ou du 20esiècle. Cette action en justice n’a pas lieu à la suite de défaites massives de la classe ouvrière, mais dans des conditions de montée d'un nouveau mouvement de masse de la classe ouvrière allemande, européenne et internationale. Dans ses actions devant les tribunaux, le SGP a prouvé sa capacité à diriger la classe ouvrière dans la lutte contre le complot extrémiste de droite au sein de l'appareil d'État.

Le SGP élargira massivement son offensive contre l'attaque du Verfassungsschutz et pour la défense des droits démocratiques. Cela inclut la défense des réfugiés ainsi que la lutte pour la liberté inconditionnelle de Julian Assange, et la campagne contre la censure du WSWS et d'autres sites Internet de gauche, d'activistes anti-guerre et de socialistes. Le large soutien à notre action en justice montre qu'après les expériences avec Bismarck et les nazis, la classe ouvrière n'acceptera pas de nouvelles lois anti-socialistes.

La lutte contre la coalition « tricolore »

32. Devant la coalition existante de tous les partis, la population s'est détachée du système des partis dans son ensemble. Cela s'est manifesté lors des élections fédérales. Non seulement la Grande coalition [CDU-SPD] a encore une fois perdu massivement des voix, mais aucun parti n'a pu obtenir plus d'un quart des voix.

33. Avec la formation d'une coalition tripartite, la classe dirigeante envisage d'intensifier la politique de la Grande coalition. Déjà pendant la campagne électorale, le SPD, les Verts et le FDP avaient annoncé un réarmement massif de la Bundeswehr, qui devait même dépasser l'objectif fixé par l'OTAN de 2 pour cent du PIB. En outre, ces partis ont annoncé un cours plus agressif à l’encontre des puissances nucléaires Russie et Chine.

34. La première décision annoncée publiquement par les responsables de la coalition a été de ne pas renouveler la « situation épidémique ». Cela annulerait toutes les mesures visant à contenir la pandémie de coronavirus. Il n'y aurait plus de limites à la politique de l’infection de masse dans l'intérêt du profit. L'envolée des taux d'incidence entraînerait inévitablement l’hospitalisation et la mort de milliers d'enfants et d'adolescents.

35. Parallèlement, dans leur document exploratoire, les partenaires de la coalition tripartite ne se sont engagés ni à relever le plafond de la dette ni à taxer les riches. Les centaines de milliards qui ont afflué vers les banques et les grandes entreprises doivent être ré-extraits de la classe ouvrière. Cela fait partie d'une offensive générale contre la classe ouvrière. En plus des coupes sociales, sont prévus dans le cadre du passage aux véhicules électriques et d’autres restructurations, des licenciements collectifs et des baisses de salaires aux proportions historiques.

36. Le SPD, qui a été responsable de la plupart des coupes sociales au cours des 23 dernières années, travaillera encore plus étroitement avec les syndicats pour mener cette offensive générale contre les travailleurs. Dans l'industrie automobile, le syndicat IG Metall poursuit officiellement l'objectif d’être « co-acteur de la transformation », c'est-à-dire d'aider à supprimer des emplois. Il utilisera son armée de délégués syndicaux, de représentants des comités d'entreprise et d'autres fonctionnaires pour réprimer tout mouvement ouvrier indépendant s’y opposant.

37. Avec les Verts retourne au gouvernement le parti qui, avec le SPD, a organisé les premières opérations de guerre de l'Allemagne après la fin de la Seconde Guerre mondiale entre 1998 et 2005 et a lancé les lois Hartz, condamnant des millions de gens à la pauvreté. Les anciens pacifistes sont spécialisés, grâce à l'utilisation de phrases sur la protection de l'environnement et les droits de l'homme et sur la base de la politique d’identité, dans la mobilisation des couches aisées de la petite bourgeoisie en soutien à de féroces attaques sociales et à un militarisme agressif.

38. Le FDP est une association de lobbying payé, à racines fascistes, des banques et des grands groupes. Après la guerre, il accueillit de nombreux ex-membres du parti nazi et des SS. Il y a tout juste deux ans, son président du Land de Thuringe, Thomas Kemmerich, s’était fait élire ministre-président par l'AfD. L'amitié soudaine entre les Verts et le FDP incarne l'alliance entre les couches argentées de la classe moyenne et l'oligarchie financière contre la montée du mouvement de la classe ouvrière.

39. Le Parti de gauche est lui aussi indirectement impliqué dans la coalition tricolore. Après que son rêve de participation au gouvernement se soit évaporé de par ses résultats électoraux désastreux, il se propose comme opposition loyale au gouvernement. Au niveau des Lands, à Berlin, Brême, en Thuringe et probablement bientôt au Mecklembourg-Poméranie, il pactise avec ces partis gouvernementaux défenseurs de Hartz IV et de la guerre. Ceci est conforme à son propre programme de droite. Il a accepté le transfert de milliards aux riches, il applique la politique d'immunité collective dans les Lands et il approuve le déploiement de la Bundeswehr à l’étranger. Les positions d'extrême droite de sa figure de proue Sahra Wagenknecht servent à mobiliser les éléments les plus arriérés de la société et sont l'expression la plus nette de la faillite totale du Parti de gauche.

40. Il en va de même des groupes pseudo-trotskystes contre lesquels le CIQI se bat depuis sa fondation il y a 68 ans. Ceux-ci réagissent à la disparition du Parti de gauche en s'y accrochant encore plus fermement. Janine Wissler, de Marx21, est à présent l'une des deux leaders du Parti de gauche. Malgré les positions d'extrême droite de Wagenknecht, le SAV s'oppose à son expulsion et fait campagne pour soutenir le parti sous le slogan « « Rester et lutter quand même dans le Parti de gauche ! » Les morénistes allemands de RIO collaborent étroitement avec cette tendance essentiellement de droite au sein du Parti de gauche pour bloquer et réprimer un mouvement indépendant de la classe ouvrière. Le SGP est littéralement le seul parti politique qui combat la coalition tricolore depuis la gauche et avec un programme socialiste.

41. La classe ouvrière entrera inévitablement en conflit avec la nouvelle coalition et avec tous les partis du Bundestag. Le SGP a préparé politiquement la classe ouvrière à cette confrontation. Au cours de la campagne électorale, nous nous sommes opposés de manière décisive à cette coalition de tous les partis et nous sommes battus comme seul parti pour un programme socialiste international. Dans notre appel électoral, nous avons souligné: « Aucun problème social ne peut être résolu sans exproprier les banques et les grandes entreprises et les placer sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière. Leurs bénéfices et richesses doivent être confisqués, et les milliards qui leur ont été donnés au cours de l'année écoulée doivent être restitués. L'économie mondiale doit être réorganisée sur la base d'un plan scientifique et rationnel. »

La lutte pour le socialisme

42. Pour mener à bien ce programme, le SGP et le CIQI doivent être construits comme le nouveau parti de masse de la classe ouvrière. Cela nécessite le développement du World Socialist Web Site, la construction de l'IYSSE et la formation et le recrutement d'un cadre marxiste sur les lieux de travail.

43. Le congrès du parti réaffirme la « résolution du comité directeur du parti sur la campagne de recrutement 2021 », qui fixe des objectifs ambitieux pour le recrutement de travailleurs dans le parti. La résolution souligne – en tirant les leçons de la révolution égyptienne – que le SGP « doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour établir une présence politique significative au sein de la classe ouvrière avant le déclenchement de luttes de masse ».

44. L'opposition montante et les luttes croissantes des travailleurs doivent être transformées en mouvement conscient pour le socialisme. La tâche historique centrale à laquelle le SGP et la Quatrième Internationale sont confrontés a été résumée par Trotsky dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale: la résolution de la crise de la direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

45. Pour accomplir cette tâche historique et répondre ainsi aux exigences du développement mondial de la lutte des classes, le cadre du SGP doit puiser dans tout le capital théorique et politique du mouvement trotskyste, qui a défendu le programme du socialisme international. contre le stalinisme et la social-démocratie. Il y a cinquante ans était fondé le Bund Sozialistischer Arbeiter (BSA) en tant que section allemande du Comité international de la Quatrième Internationale. Par là, la classe ouvrière a renoué avec la tradition marxiste qui avait été détruite par les crimes des nazis et les trahisons de la social-démocratie, du stalinisme et du révisionnisme pabliste.

46. ​​Lors de la scission de 1985-1986 d’avec le Workers Revolutionary Party (WRP), le BSA a soutenu la critique de la Workers League dirigée par David North et a pris parti pour le Comité international. Face aux nationalistes petits-bourgeois, le CI a renouvelé tout l'héritage historique, politique et théorique de la Quatrième Internationale. Cet héritage est la base solide sur laquelle le travail du SGP doit maintenant être étendu et développé et des sections de la Quatrième Internationale être établies dans toute l'Europe et à l’international.

(Article paru en allemand le 6 décembre 2021)

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