Perspectives

États-Unis : le gouvernement Biden continue de plus belle sa stratégie du «vacciner et rien d’autre» alors qu’Omicron devient la souche dominante.

Le variant Omicron du COVID-19 est désormais la souche dominante aux États-Unis, selon une déclaration faite hier par les Centres de contrôle et prévention des maladies (CDC). Omicron est à l’origine de 73 pour cent des nouvelles infections, multiplié par six en juste une semaine. Dans certaines parties du pays, dont la ville de New York, ce variant représente déjà plus de 90 pour cent des nouveaux cas.

Le président Joe Biden s’exprime lors d’une réunion avec les membres de l’équipe d’intervention de la Maison-Blanche sur la COVID-19, dans la salle Roosevelt de la Maison-Blanche à Washington, le jeudi 16 décembre 2021. (AP Photo/Susan Walsh)

Face à cette augmentation massive du nombre de cas, le président américain Joe Biden a fait un discours hier à la télévision nationale pour présenter la réponse de son gouvernement. Son message était clair: il n’y aura aucune mesure, en dehors de la vaccination, pour arrêter la propagation du virus.

La principale préoccupation de la Maison-Blanche en ce moment est l’impact potentiel de la montée d’Omicron sur les valeurs boursières de Wall Street. Lundi, les principaux indices ont chuté d’environ 1,2 pour cent ; on craint que la propagation des infections en Europe et aux États-Unis n’oblige à des fermetures, entrave les voyages et impacte les achats de Noël. Deux semaines après avoir insisté pour dire qu’il n’y aurait «aucun confinement» en réponse à Omicron, la tâche de Biden est de rassurer l’oligarchie financière et industrielle et lui dire qu’il n’y aura pas de changement de politique.

«Nous avons l’intention de ne pas laisser Omicron perturber le travail et l’école pour les personnes vaccinées», a déclaré vendredi dernier Jeffrey Zients, coordinateur de la réponse au coronavirus à la Maison-Blanche, dans un aperçu des remarques de Biden. «Pour ceux qui ne sont pas vaccinés, vous vous exposez à un hiver de maladies graves et de décès pour vous-mêmes, vos familles et les hôpitaux que vous risquez bientôt de submerger.»

Samedi, un reportage de CNN relatait des discussions parmi les responsables gouvernementaux sur la nécessité «de commencer à discuter publiquement de la manière de vivre aux côtés d’un virus qui ne montre aucun signe de disparition, un changement potentiellement brutal de message pour une Maison-Blanche qui vantait autrefois la “liberté par rapport au virus”».

«Nous arrivons maintenant au point où… il s’agit de la gravité», a déclaré Xavier Becerra, le secrétaire du ministère de la Santé et des Services sociaux, lors d’une réunion avec les journalistes la semaine dernière. «Il ne s’agit pas des cas. Il s’agit de la gravité».

La déclaration de Becerra est l’affirmation qu’il n’y aura plus de prétention à mettre fin à la pandémie. Cela qui a été la politique de fait de la classe dirigeante – à savoir qu’il faut laisser la COVID-19 devenir endémique – est maintenant ouvertement proclamée. L’objectif de la politique officielle n’est pas de prévenir l’infection, mais de promouvoir la vaccination au motif qu’elle rendra les infections moins graves.

Ce «message» contient une série de mensonges et de désinformations flagrants.

Premièrement, l’affirmation que l’infection des personnes vaccinées sera «légère» n’est pas fondée. Les premières données indiquent, au mieux, que les vaccins existants contribueront à réduire le pourcentage de personnes infectées qui sont hospitalisées et meurent. Mais la seule ampleur des infections provoquées par Omicron entraînera une augmentation massive des maladies graves, y compris chez les personnes vaccinées.

Chaque infection comporte le risque de conséquences désastreuses. Une étude publiée la semaine dernière dans le Journal of American Medicine(JAMA) a révélé que 15 pour cent des admissions à l’hôpital étaient des «infections post-vaccinales», et cela avant l’émergence du variant Omicron, plus résistant aux vaccins. Une étude distincte de la Kaiser Family Foundation, également publiée la semaine dernière, indique que 69 pour cent des infections post vaccinales étaient des personnes âgées de 65 ans et plus, là encore avant l’apparition du variant Omicron.

Un Américain sur 100 âgé de plus de 65 ans, soit environ 600.000 personnes, est mort de la COVID-19 dans les deux dernières années, ce qui revient à une guerre contre les personnes âgées. La propagation incontrôlée du variant Omicron signifie que des milliers et des milliers d’autres personnes vont souffrir de maladies débilitantes ou mourir. Les données existantes indiquent en outre que les cas de COVID longue durée – avec symptômes prolongés et répercussions cognitives – sont tout aussi fréquents chez les personnes «moins gravement» malades, y compris chez celles qui s’infectent bien que vaccinées.

Deuxièmement, l’un des aspects les plus alarmants du variant Omicron est l’augmentation des hospitalisations de très jeunes enfants en Afrique du Sud et au Royaume-Uni, pour lesquels il n’existe aucun vaccin. Au Royaume-Uni, où le nouveau variant se propage depuis des semaines, ces hospitalisations ont augmenté de 39 pour cent la semaine dernière, pour atteindre 196, le niveau le plus élevé depuis le début de la pandémie.

Au 5 décembre, seuls 16,7 pour cent des enfants âgés de 5 à 11 ans aux États-Unis avaient reçu au moins une dose de vaccin ; aucun enfant de moins de 5 ans n’était vacciné.

Le CDC a signalé la semaine dernière qu’au moins 1.000 enfants de moins de 18 ans étaient décédés dû à la COVID-19, dont 319 enfants de moins de 5 ans. La moitié de ces décès sont survenus au cours des quatre derniers mois, conséquence de la réouverture des écoles à l’enseignement en présentiel. Et ceci avant que n’entre en jeu le variant Omicron.

La déclaration de Zients que les non-vaccinés sont confrontés à «un hiver de maladies graves et de décès» dit en fait que les jeunes enfants et les nourrissons non vaccinés seront hospitalisés et tués en nombre record. De plus, les enfants ne sont pas juste des victimes potentielles du virus, mais encore des vecteurs de transmission aux parents, aux enseignants et à la communauté dans son ensemble.

Troisièmement, la capacité d’ Omicron à échapper aux vaccins signifie que pour être «complètement vacciné», il faut obtenir une troisième injection ou rappel. L’efficacité du vaccin avec seulement deux injections est insuffisante pour protéger contre l’infection par Omicron, en particulier si la deuxième dose a été administrée il y a plus de six mois.

Mais seuls 18 pour cent de la population américaine ont eu un rappel. Même si le nombre de personnes ayant reçu une troisième dose augmente dans les prochains jours, il faudra plusieurs semaines pour que les rappels augmentent l’immunité, et des millions de personnes seront infectées par Omicron avant que cela ne soit le cas.

Quatrièmement, la cruelle indifférence à l’égard de la vie des millions de personnes aux États-Unis qui ne sont pas totalement vaccinées (environ 27 pour cent de la population âgée de plus de 18 ans) vise à blâmer la négligence individuelle pour la propagation du COVID-19 et à détourner de la responsabilité de la classe dirigeante et de ses institutions politiques.

Comment se fait-il qu’une partie importante de la population américaine ne soit pas vaccinée, ou ne le soit pas complètement? On ne peut pas croire que des millions d’adultes désirent mourir ou veulent que leurs enfants meurent parce qu’ils n’ont pas reçu de vaccin.

Le fait est que, depuis deux ans, la population est soumise à une campagne incessante de désinformation et de propagande. La gravité de la pandémie est en permanence faussement représentée dans les médias et remplacée par un discours réjoui de 'lumière au bout du tunnel'. Il y a seulement cinq mois, Biden clamait que les États-Unis déclaraient leur 'indépendance' vis-à-vis du virus, et que la population pouvait reprendre une vie normale.

De plus, une faction importante de la classe dirigeante – menée par Trump et la droite fasciste – a promu depuis le début une politique de contamination de masse, ou «immunité collective», s’opposant même aux mesures d’atténuation les plus minimes, comme l’obligation de porter un masque. On a délibérément promu un «scepticisme vaccinal» et une hostilité au port de masques, profitant des conséquences de la campagne prolongée des élites dirigeantes pour promouvoir l’arriération, les conceptions anti-scientifiques et un individualisme délétère.

Enfin, l’émergence même du variant Omicron démasque de façon accablante la stratégie du « vacciner et rien d’autre». L’évolution d’un variant plus transmissible et plus résistant au vaccin est le résultat de la décision de ne pas arrêter la propagation du virus par des mesures sanitaires agressives, coordonnées à l’échelle mondiale.

Les scientifiques, tout comme le World Socialist Web Site, avertissent depuis des mois que se fier exclusivement au vaccin déboucherait inévitablement sur une telle catastrophe. Et Omicron ne sera pas le dernier variant de la COVID-19. Tant qu’on laissera le virus se répandre, il y aura le danger constant de l’évolution de nouvelles souches plus dangereuses.

La classe dirigeante est bien consciente que les déclarations qu’elle fait et les activités qu’elle encourage conduiront à une contamination et une mort de masse. Le fait que les responsables de la ville de New York, l’épicentre actuel de la propagation d’Omicron aux États-Unis, se demandent même s’il faut organiser une grande fête du Nouvel An à Times Square, illustre le degré criminel d’irresponsabilité et d’insouciance qui règne dans tout l’establishment politique.

Les politiques nécessaires pour arrêter la pandémie et éliminer le virus sont elles aussi comprises. Cela exige l’arrêt de la production non essentielle et de l’enseignement en présentiel, des tests de masse et la recherche des contacts, en plus de la vaccination universelle et d’autres mesures d’atténuation. Cette politique a été mise en œuvre avec succès en Chine, où le nombre de décès depuis le début de la pandémie s’est limité à moins de 5.000, et où la population a pu, pendant la majeure partie des deux dernières années, mener une vie normale.

Mais dans tous les grands pays capitalistes on a rejeté une stratégie d’élimination, cela pour une raison: les mesures nécessaires porteraient atteinte aux intérêts de la classe dirigeante et menaceraient de faire imploser l’énorme bulle spéculative de Wall Street et des autres marchés financiers, alimentée par les sommes illimitées d’argent de la Réserve fédérale et des autres banques centrales.

Alors que les États-Unis et le monde entier entrent dans la troisième année de la pandémie, confrontés à une augmentation massive des cas produits par le variant Omicron, il est plus clair que jamais que la lutte contre la pandémie n’est pas simplement une question médicale. Elle nécessite le développement d’un mouvement social et politique de masse ancré

La lutte pour une politique d’élimination et d’éradication mondiale, nécessaire pour sauver d’innombrables milliers de vies, est en même temps par nécessité une lutte contre la classe dirigeante et l’ensemble du système capitaliste.

(Article paru d’abord en anglais le 21 décembre 2021)

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