«Seule une prise de conscience de la classe ouvrière va nous en sortir»

Des parents en France appellent à bâtir des comités d’action contre la gestion officielle de la pandémie

Ce week-end, Raphaëlle, mère de deux enfants vivant à Sens, a parlé au WSWS sur son appel à la formation d’un comité d’action contre la gestion officielle de la pandémie. Elle propose de soutenir la lutte de Lisa Diaz en Grande Bretagne, qui défie l’État en refusant d’envoyer ses enfants dans les écoles au milieu d’une vague de Covid-19, et qui recueille un large soutien via les réseaux sociaux.

Raphaëlle a expliqué comment la faillite des politiques officielles à chaque étape de la pandémie l’avaient alertée à la nécessité de bâtir un mouvement et des organisations indépendantes. Dès le début de la pandémie, quand la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a avoué qu’elle avait caché l’ampleur de la pandémie après avoir alerté l’Élysée, l’État allait contre les intérêts des travailleurs.

«On savait dès la sortie du confinement (en mai 2020) qu’ils avaient confiné trop tard», a dit Raphaëlle. «Ce qui se passait n’était pas normal du tout. Il y avait eu des manquements au plus haut niveau de l'État. Mais dans le système politique actuel, l'opposition aux actions gouvernementales à mon avis n’est pas assez fiable. Je ressentais cela à la sortie du premier confinement. Après, je ne me doutais pas à quel point il allait y avoir si peu d’opposition au niveau des principaux partis. Je me disais qu’il allait y avoir quand même plus de personnes pour en parler.»

Sa colère a grandi quand l’État a suspendu les allocations accordées aux travailleurs confinés afin de les contraindre à reprendre le travail, alors que le virus circulait encore. Peu avant la pandémie, en janvier-février 2020, les cheminots et la fonction publique avaient fait grève en masse contre la réforme des retraites. Mais aucun parti établi, aucune organisation syndicale n’a mené d’opposition à la politique sanitaire irresponsable et meurtrière menée par l’État et les ministres de Macron.

Elle a continué: «A la sortie du confinement, ils ont fait un chantage aux allocations chômage: envoyez vos enfants à l’école sinon on vous enlève vos allocations chômage. Je me suis dit que s’ils font un chantage pareil, il y a quelque chose de pas normal. … Je croyais vraiment qu’il allait y avoir une grève générale à un moment donné, c’étaient des problèmes économiques. Donc forcément à un moment donné il aurait fallu une mobilisation générale. Et comme on avait été mobilisés juste avant le confinement … j’ai été extrêmement surprise quand il ne s’est rien passé.»

Le gouvernement, a ajouté Raphaëlle, «mettait les gens en télétravail et on attendait le vaccin, mais on ne faisait rien dans les écoles pour enrayer la circulation du virus. C’est à ce moment-là que j’ai découvert la personnalité de notre ministre de l’Éducation nationale, j’ai compris à qui on avait affaire. Il avait un discours négationniste sur ce qui se passait, sur le fait que les enfants peuvent transmettre la maladie.»

Raphaëlle s’est mise à rechercher une alternative et à essayer de fédérer l’opposition sur les réseaux sociaux: «Il y a eu un moment où entre parents on se disait, ce n’est pas possible, on ne va pas rouvrir les écoles tant que la pandémie continuera.»

Au fil des mois, les informations sur la capacité du virus à infecter de nombreuses parties du corps et à causer des Covid-longs, y compris parmi les enfants, ont donné raison à son refus d’envoyer ses enfants dans des écoles non sécurisées: «C’est comme si j’envoyais mon enfant dans un endroit radioactif. C’est complètement irrationnel, quand je vois toutes les complications, le cerveau peut être envahi, tous les organes.»

Raphaëlle a aussi souligné son opposition aux appels d’organisations de pseudo-gauche comme La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin, à rejoindre cette été des manifestations anti-vaccin lancées par l’extrême-droite. Raphaëlle a dit, «La gauche s'est fourvoyée là-dedans, elle s’est fourvoyée totalement. C’est une grande trahison de ce siècle.»

Elle a expliqué: «Je comprends totalement qu’il y ait de la colère contre l’obligation vaccinale, parce que rien n’a été fait pour informer la population sur la sécurité du vaccin. Une population qui n’est pas informée est une population en colère. Par contre tout soulèvement populaire n’est pas forcément un mouvement révolutionnaire rationnel … On peut être courageux et aller dans la contradiction quand c’est nécessaire.»

C’est à cette époque qu’elle a pris conscience de la lutte menée par Lisa en Grande Bretagne contre les menaces officielles visant à la forcer à envoyer ses enfants à l’école malgré les comorbidités de membres de sa famille.

Raphaëlle a applaudi la lutte de Lisa et le soutien international qu’elle a recueilli: «Je trouve ça génial, c'est vraiment bien pour eux, elle n’est pas toute seule avec ce qui se passe. … Il faut penser en termes de stratégie et se coordonner le plus possible avec ce qui se passe à l’étranger, avec ce que fait Lisa. Ce que fait Lisa est extrêmement courageux, et je pense que nous pouvons lui apporter des choses aussi.»

Elle a souligné la nécessité d’une lutte internationale, «pour la simple et bonne raison que déjà, les questions sanitaires ont toujours avancé de manière internationale.» Cela nécessite, a-t-elle ajouté, l’unification des diverses sections de travailleurs dans différents pays dans une lutte commune.

Elle a dit: «On est un peu cloisonnés. Il y a d’une part les parents qui ne veulent pas mettre leurs enfants en danger. Il y a les enseignants qui ne veulent pas mettre les enfants en danger par leur intermédiaire, qui sont en lutte par rapport à des politiques au niveau de l’Éducation nationale. Ils sont dans une situation qui est vraiment catastrophique. Il y a la lutte des soignants eux-mêmes … à la casse de l’hôpital s’ajoute la casse des acquis existants. On dénonce tous ce qui se passe, chacun de notre côté. Si on agissait tous ensemble, notre voix porterait mieux.»

C’est dans cette optique que Raphaëlle a souligné la nécessité de construire un comité d’action en France qui soutiendrait la lutte de Lisa et s’opposerait aux politiques sanitaires en place, comme les travailleurs en construisent dans plusieurs autres pays, notamment aux USA et en Allemagne.

Pointant à la fois la radicalisation des travailleurs et le tournant des élites dirigeantes européennes vers les néofascistes, notamment dans la campagne présidentielle en France, Raphaëlle a dit: «Je suis pessimiste sur la capacité des systèmes de pouvoir en place pour redresser la barre. Ma crainte c’est qu’il se passe quelque chose d’assez similaire à la Deuxième Guerre mondiale, que les gens qui ont profité de cette destruction, qui se sont cachés et enfouis, en profitent par des voies détournées.»

Elle a expliqué que, contre une élite dirigeante qui mène une politique irrationnelle menant à des masses de morts qui ne sont pas nécessaires, il faut lancer un assaut direct sur les privilèges de l’aristocratie financière. «Il faut rentrer dans un rapport de force, en fait, parce qu’ils ne vont rien faire. Ils n’ont pas l’intention d’agir, ils n’ont pas intérêt à agir … il faut dépasser le dialogue avec eux», a-t-elle dit. «On regarde la situation se dérouler, impuissants, parce qu’on n’a pas instauré le rapport de forces. Et pour le faire, il faut signifier qu’ils n’engrangeront pas de bénéfices.»

Raphaëlle a ajouté que cela passe par un éveil politique international des travailleurs: «On est dans une crise sans précédent. Seule une prise de conscience de la classe ouvrière du pouvoir qu’elle peut avoir si elle est unie, et de ce qu’elle peut faire, va nous en sortir.»

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