«Les politiciens se soucient plus de l’argent que des personnes»

Le nombre de décès d’enfants liés à la COVID-19 atteint un niveau record, alors que l’opposition grandit parmi les éducateurs et les étudiants américains

Les deux premières semaines du semestre de printemps pour les écoles K-12 ont été un désastre colossal à travers les États-Unis. Aux niveaux fédéral, étatique et local, les partis démocrate et républicain insistent sur le fait que toutes les écoles doivent poursuivre l’enseignement en présentiel pendant la pire vague de la pandémie. Cette politique homicide alimente la propagation de la COVID-19 et a produit une augmentation record des cas, des hospitalisations et maintenant des décès chez les enfants.

«À l’école, c’est l’endroit le plus sûr pour les enfants!»

D’après les données des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), depuis le 31 décembre, il y a seulement deux semaines et demie, 87 enfants de moins de 18 ans sont morts de la COVID-19. Parmi eux, 28 sont morts entre le 14 et le 17 janvier, soit un taux stupéfiant de neuf enfants par jour. Ce taux est environ trois fois supérieur au pic de la vague Delta, au cours de laquelle plus de 500 enfants sont morts. Le dernier rapport de l’Académie américaine de pédiatrie sera publié dans le courant de la journée et montrera presque certainement une nouvelle augmentation record du nombre de cas par rapport aux 580.247 de la semaine dernière.

Aucun autre organe d’information en dehors du WSWS n’a fait état de la flambée dévastatrice des décès pédiatriques, qui s’accompagne d’un nombre record de cas et d’hospitalisations. Cela s’inscrit dans le cadre des efforts plus larges visant à dissimuler et à minimiser la pandémie, orchestrés par les médias bourgeois et les syndicats d’enseignants. Une recherche sur Google permet de trouver de brefs reportages locaux sur seulement deux décès d’enfants au cours des sept derniers jours: un nourrisson dans le comté de Riverside, en Californie, et un nourrisson dans le comté de Pennington, dans le Dakota du Sud.

Cependant, le tweet de ce journaliste annonçant les 28 décès survenus au cours des trois derniers jours a suscité une indignation immédiate.

Une personne a commenté: «Les médias ont dit que les cas d’enfants étaient 'bénins', et pour eux, tout va bien.»

Un autre a écrit: «Et pour chaque enfant ou adulte mort, il y en aura des dizaines avec un certain niveau de handicap. Et même une possible épidémie de problèmes neurologiques dans 20-30 ans. Mais le bon côté des choses, c’est que l’économie se porte très bien!!* *Pour les élites seulement.»

La classe ouvrière et la jeunesse ont répondu à la catastrophe en cours par une demande retentissante d’arrêter l’enseignement en personne comme une mesure nécessaire pour mettre fin à la transmission virale et sauver des vies. Inspirés par les enseignants de Chicago, des milliers d’étudiants àtravers les États-Unis, de New York à Boston en passant par Chicago, ont organisé des débrayages la semaine dernière pour exiger un enseignement à distance. Plus de 1200 élèves d’Oakland débrayeront aujourd’hui, car le district n’a pas répondu à leur liste de demandes de sécurité.

Un élève masqué attend avant la sonnerie à l’école primaire Enrique S. Camarena, le mercredi 21 juillet 2021, à Chula Vista, en Californie (AP Photo/Denis Poroy)

Le WSWS s’est entretenu avec des éducateurs, des parents et des étudiants àtravers les États-Unis qui ont participé à ces luttes, dont certains sont membres des comités de sécurité des éducateurs dans leur région. Ils ont été interrogés sur les conditions dans leurs écoles et leurs pensées sur les développements les plus récents.

Oakland, Californie

Une lycéenne qui fréquente l’Oakland School for the Arts (OSA) a mis en lumière le fonctionnement en crise de l’école à charte financée par des fonds publics, fondée par l’ancien gouverneur de Californie Jerry Brown.

«À l’OSA, nous avons été mis en ligne cette semaine parce que de nombreux enseignants ont été mis en quarantaine. Nous n’avions pas assez d’adultes sur le campus pour maintenir légalement l’école ouverte. Ils ont fait venir tous les remplaçants et les administrateurs dans les salles de classe. Ils n’en avaient toujours pas assez.»

«Nous n’avons toujours pas fermé pour la COVID. Ils vont ouvrir en personne cette semaine. Ce n’est pas un bâtiment sécurisé pour la COVID. C’est un vieux bâtiment avec de petits couloirs, et des salles de classe entièrement fermées.»

«Je sais que l’OUSD (district scolaire) a accepté de distribuer des masques N95. Je ne pense pas que l’OSA les obtiendra. Ils proposent des tests, mais ce n’est pas suffisant pour tous les élèves et ce n’est pas très fréquent. Ce n’est pas sécuritaire. Je pense que la plupart des élèves et des enseignants sont d’accord pour dire que nous ne devrions pas être en personne en ce moment.»

Faisant le lien entre ces politiques dangereuses et les gouvernements de Californie et d’Oakland dirigés par le Parti démocrate, elle poursuit: «Bien sûr, la Californie ne nous laisse pas non plus [aller à distance]. Les écoles individuelles elles-mêmes, comme l’OSA, ne reçoivent pas assez de fonds pour pouvoir prendre en main la sécurité des étudiants. L’école ne reçoit pas assez de fonds pour pouvoir fermer parce qu’elle perdrait son financement. Oakland pourrait faire quelque chose, mais ils ne le font pas.»

Elle ajoute: «Les politiciens se soucient plus de l’argent que des personnes. Les démocrates ne font même pas semblant de se soucier des gens.»

Faisant référence au débrayage d’aujourd’hui, elle a déclaré: «Nous allons essayer de convaincre le plus grand nombre possible de nos amis de ne pas aller à l’école.»

Arkansas

Démasquant le mensonge selon lequel le fait de forcer les enfants à aller dans des écoles infectées est bénéfique pour leur «santé mentale», un lycéen de l’Arkansas a partagé son histoire sur Facebook, écrivant: «Je suis un élève qui ne se sentait pas en sécurité en retournant à l’école. Tout le monde a commencé à être testé positif. J’ai été exposé plus de 10 fois. C’est ridicule! Après deux semaines de retour à l’école, je suis malade à la maison. Je suis malade à la maison à cause de la COVID.»

«C’est tellement stupide que ces écoles n’ont rien mis en place. ABSOLUMENT RIEN. J’ai eu mon rappel et tout mais je l’ai toujours. Alors laissez-moi vous dire qu’omicron vous atteint même si vous avez eu votre dose de rappel. Portez un masque et restez chez vous si vous êtes malade. C’est tout.»

Brooklyn, New York

Pour démentir un autre mensonge, à savoir que la demande d’ouverture des écoles en personne a pour but de fournir une «éducation» de qualité et d’empêcher la «perte d’apprentissage», un enseignant de collège de Brooklyn a expliqué qu’il est presque impossible d’enseigner lorsque tant de professeurs et d’étudiants sont malades.

«Certaines classes n’ont que deux enfants. D’autres classes ont tout le monde, alors ils ont commencé à mélanger les classes», a-t-elle dit. «Comment cela peut-il avoir un sens? Il suffit de garder les enfants à la maison et nous pourrions enseigner à toute la classe. Il y a tellement de remplacement que les enfants n’apprennent rien. Ils sont juste entreposés. Certains enfants sont visiblement malades. Beaucoup d’enfants sont absents, et je ne sais pas si c’est parce qu’ils sont malades ou parce que leurs parents ont eu peur de les renvoyer. C’est un vrai cauchemar.»

Elle a décrit les niveaux désastreux des tests, qui sous-estiment la propagation réelle du virus dans les écoles. «La semaine dernière, ils sont venus faire des tests et ils ont convoqué les enfants, mais la plupart des enfants qui s’étaient inscrits pour le test n’étaient pas là.»

Le responsable de la section syndicale a annoncé au personnel intéressé de venir dans la zone de test. «Presque tous les enseignants qui étaient disponibles sont venus», a-t-elle dit. «Puis ils nous ont dit: “oh, ils ne testent que cinq personnes parce qu’il n’y a que 50 enseignants présents et qu’ils ne testent que 10 %”. Un enseignant a dit: “C’est quoi ça, les Hunger Games? Celui qui arrive en premier est testé?”

«Je me suis dit “OK, la dernière fois leur excuse était que nous n’avions pas nos formulaires de consentement et maintenant c’est qu’ils ne testent que 10 % des enseignants qui sont dans le bâtiment aujourd’hui?”Pourquoi ne pouvons-nous pas être testés? Tout le monde était vraiment en colère. Pourquoi limitent-ils la quantité? Eh bien, nous savons pourquoi. Ils essaient de garder les chiffres bas.»

Detroit, Michigan

Ronda, une grand-mère de Detroit, a écrit pour soutenir les débrayages des étudiants.

«Je dis aux étudiants de Chicago: bon travail. Pendant si longtemps, ils ont dit que les enfants ne pouvaient pas avoir la COVID. Le fait qu’ils aient débrayé montre que ces enfants sont assez intelligents pour comprendre les choses. Ils pensent par eux-mêmes.»

«Je pense aussi qu’ils veulent protéger les enseignants. Ils se disent: “Si nous débrayons, ils ne pourront pas blâmer les enseignants”. Ils ne disent pas aux enfants dans les écoles si quelqu’un est malade, ou s’ils découvrent que quelqu’un est malade et que cet enfant revient immédiatement à l’école, les enfants réalisent “Je ne vais pas faire face à ça. Je ne vais pas revenir et m’asseoir à côté de quelqu’un qui est malade.”»

S’agissant des véritables motivations derrière la campagne visant à maintenir les écoles ouvertes malgré les dangers, elle a déclaré: «Les employeurs ne se soucient pas des enfants de leurs employés. Ils ne se soucient que de leurs entreprises et des parents qui viennent travailler. C’est une question d’argent!»

Seattle, Washington

La semaine dernière, les élèves de la Franklin High School de Seattle ont débrayé pour dénoncer les conditions dangereuses dans les écoles. La campagne visant à garder les écoles en personne a été soutenue par un refus général d’investir dans des ressources technologiques et d’apprentissage àdistance de haute qualité.

Un lycéen de l’école secondaire Kamiak, dans la région de Seattle, a déclaré au WSWS: «De nombreux élèves qui ont la COVID vont quand même à l’école parce que l’option à distance est si mauvaise et sans soutien. Les enseignants sont fatigués parce que leurs classes sont à moitié vides. Les élèves sont entassés dans un bâtiment bondé.»

Montgomery, Alabama

Un enseignant de Montgomery a signalé que les professeurs sont tenus d’acheter leur propre EPI. Les enfants reçoivent un masque chirurgical à leur arrivée chaque jour, mais si l’école n’en a plus, ils demandent à leurs enseignants un masque, que ces derniers paient.

Elle raconte que lors d’une récente réunion du conseil d’administration, un membre du conseil a répondu aux inquiétudes d’un parent concernant la sécurité des écoles en disant: «Les parents qui n’apprécient pas la façon dont les choses se passent devraient scolariser leurs enfants à domicile. Et tout enseignant qui n’aime pas ça devrait démissionner.» Cela rappelle la réponse insensible du conseil scolaire lorsque deux éducateurs du district sont morts de la COVID-19 en un seul jour l’année dernière. Au cours de la semaine dernière, les cas dans des écoles K-12 àtravers l’Alabama sont passés de 2940 à16.035.

Los Angeles, Californie

Juanita, une enseignante à la retraite qui a de petits-enfants, a parlé de l’obscurcissement et de l’intimidation de la part du district scolaire, en déclarant au WSWS: «Un certain nombre de parents ont essayé de se renseigner sur le nombre de cas de COVID à l’école, et nous ne pouvons obtenir aucune réponse. Les gens me menacent parce que j’ai le courage de m’exprimer. C’est incroyable. Les parents sont dénoncés pour avoir posé des questions. Comment peuvent-ils cacher ce genre d’informations? Ça a commencé avant les vacances de Noël. Ils ne veulent tout simplement pas que nous sachions.

«Ensuite, les enfants qui présentent des symptômes sont tous mis dans une pièce. Ils n’appellent même pas les parents pour qu’ils viennent chercher leurs enfants. Les enfants sont tous mis dans une pièce et ensuite relâchés par l’arrière de l’école.

«L’autre chose qui me dérange, c’est que nous avons appris que le district livrait des trousses de test COVID à domicile. Le problème est qu’ils nous les font payer. Ils devraient être gratuits pour tout le monde. Le district a un budget de 20 milliards de dollars! Que font-ils avec cet argent pour nous aider?»

Le mouvement des étudiants et des éducateurs qui se développe apparaît comme le fer de lance d’une lutte de classe mondiale contre le système capitaliste et son refus de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour mettre fin à la pandémie. Les syndicats, y compris la Fédération américaine des enseignants et l’Association nationale de l’éducation, se sont entendus pour que toutes les écoles et tous les lieux de travail restent ouverts, conduisant consciencieusement leurs membres dans des pièges mortels.

Le WSWS demande instamment à ses lecteurs de s’opposer au crime social commis contre la population, y compris des millions d’enfants, et de prendre position dès aujourd’hui en aidant à développer le réseau de comités indépendants de la base dans votre école ou sur votre lieu de travail.

(Article paru en anglais le 18 janvier 2022)

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