Jacobin dit aux enseignants et aux enfants: Retournez dans le piège mortel que sont les écoles!

La semaine dernière, des milliers d’étudiants ont débrayé de plus de 30 écoles de la ville de Chicago pour s’opposer à la reprise des cours en présentiel.

Ces débrayages ont permis aux étudiants de s’opposer non seulement à la demande de la maire de Chicago, Lori Lightfoot, de laisser les écoles ouvertes pendant la phase la plus grave de la pandémie de COVID-19, mais aussi à la décision du Syndicat des enseignants de Chicago (CTU) de rejeter la demande des enseignants concernant l’apprentissage à distance et d’orchestrer la reprise de l’enseignement en personne la semaine dernière.

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Tweet d’un lycéen: «On doit aller dans un lieu public tandis que les cadres qui ont pris cette décision peuvent travailler de la maison en toute sécurité. C’est hypocrite, tyrannique et tout simplement injuste. Ces sociétés milliardaires paient des salaires de misère à leurs travailleurs.»

Suite au vote du 4 janvier des enseignants de Chicago, qui ont massivement rejeté le retour en classe, le magazine Jacobin, associé aux Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), a publié un article de Liza Featherstone intitulé «La place des enfants est à l’école. C’est pourquoi nous soutenons le Syndicat des enseignants de Chicago». L’article appelle Lightfoot et le CTU à «ouvrir les écoles» et dit effectivement aux élèves et aux enseignants de retourner dans les salles de classe où ils feront face au risque d’infection par une maladie potentiellement mortelle et débilitante.

«Une chose que nous avons apprise de cette pandémie est que les enfants et les communautés ont besoin de l’école publique, et que l’apprentissage à distance, à long terme, sans fin en vue, est néfaste pour les enfants», commence l’article. «C’est pourquoi la maire de Chicago devrait immédiatement répondre aux demandes de sécurité tout à fait raisonnables du Syndicat des enseignants de Chicago (CTU), puis ouvrir les écoles».

Un ours en peluche est placé sur le lit d’un enfant à l’unité pédiatrique de l’hôpital Robert Debré, à Paris, en France, le mercredi 3 mars 2021. En Amérique, plus de 1.000 enfants sont morts de la COVID-19. (AP Photo/Christophe Ena)

La demande que Jacobin adresse à la maire pour qu’elle accepte les «demandes de sécurité raisonnables» de la CTU avant la réouverture des écoles n’était qu’une couverture pour que le CTU puisse passer outre la volonté des enseignants et forcer la réouverture des écoles. Le même jour où Jacobin publiait son article, le WSWS a écrit: «Les principales demandes du Chicago Teachers Union – que le district accepte une métrique de positivité pour le passage à l’enseignement à distance, la disponibilité de masques KN95 pour les enseignants et le personnel, et l’augmentation des tests – sont totalement inadéquates pour arrêter l’infection de masse».

Deux jours plus tard, le 10 janvier, la Chambre des délégués du CTU a accepté de «suspendre» l’action des enseignants sur la base d’un accord avec les Chicago Public Schools (CPS) qui ne répondait même pas à ces demandes inadéquates. Elle a ensuite fait passer l’accord à coups de mensonges et de menaces, forçant la réouverture des écoles la semaine dernière.

Pour justifier sa demande de réouverture des écoles, Jacobin, qui fonctionne comme une division du Parti démocrate, promeut des arguments développés à l’origine par les partisans du fasciste Trump, y compris des groupes de réflexion libertaires comme l’American Institute for Economic Research et le Brownstone Institute.

L’appel à la réouverture des écoles, quel qu’en soit le coût en vies humaines, a été incarné par la Déclaration de Great Barrington, parrainée par l’American Institute for Economic Research et développée en collaboration avec la Maison-Blanche de Trump.

Notamment, Jacobin a joué un rôle important dans la promotion de l’idéologie de «l’immunité collective» incarnée dans le document, en fournissant une interview favorable à Martin Kulldorff, qui à l’époque était un défenseur bien en vue de la réponse homicide du gouvernement Trump à la pandémie.

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Un tweet du magazine Jacobin: «Le confinement est la pire attaque contre la classe ouvrière depuis un demi-siècle. On protège des étudiants universitaires et de jeunes professionnels à faible risque qui peuvent travailler de la maison aux dépens des travailleurs plus âgés, à haut risque, qui n’ont d’autre choix que de travailler.»

En partageant l’interview, le compte Twitter de Jacobin a écrit: «Le confinement est la pire attaque contre la classe ouvrière depuis un demi-siècle». À peine trois semaines plus tard, Kulldorff et ses coauteurs de la Déclaration de Great Barrington allaient rencontrer le secrétaire à la Santé et aux services sociaux de Trump, Alex Azar, à la Maison-Blanche.

Dans son entretien avec Jacobin, l’apologiste de Trump Kulldorff a plaidé pour la réouverture des écoles, écrivant: «Les enfants et les jeunes adultes présentent un risque minimal, et il n’y a aucune raison scientifique ou de santé publique de fermer les crèches, les écoles ou les universités. Une bonne éducation n’est pas seulement importante pour la réussite scolaire et le bien-être financier; elle est également cruciale pour la santé mentale et physique des enfants et pour leur vie adulte ultérieure. Les enfants ne courent qu’un risque minime face à ce virus, et il est triste que nous sacrifiions nos enfants».

Plus d’un an plus tard, Jacobin a entièrement et sans équivoque adopté les arguments de Kulldorff. «Les experts de la santé s’opposent également à la fermeture des écoles à ce stade de la pandémie», écrit Jacobin, «toutes les grandes organisations de santé publique et la plupart des épidémiologistes disant que les risques de l’école en personne sont supplantés par ses avantages».

C’est un mensonge. Les épidémiologistes et les scientifiques ont averti à plusieurs reprises que les écoles sont des sites centraux pour la transmission du virus, non seulement entre les enfants et les enseignants, mais aussi dans l’ensemble de la communauté.

Comme le virus responsable de la COVID-19 est transmis par l’air, les salles de classe surpeuplées et mal ventilées sont des boîtes de Petri pour l’infection. Les États qui suivent les épidémies ont à plusieurs reprises cité les écoles comme les principaux centres de transmission de la COVID-19. Les derniers chiffres du Michigan montrent que les écoles représentent près de la moitié des épidémies suivies par l’État.

Une étude publiée le 19 novembre 2020 dans Natureindique que «les fermetures d’écoles aux États-Unis ont permis de réduire l’incidence et la mortalité de la COVID-19 d’environ 60 pour cent.» Aux États-Unis, 1.084 enfants sont morts de la COVID-19.

«L’apprentissage à distance a eu un effet visiblement terrible sur la santé mentale des étudiants», poursuit Jacobin, mais il ne dit rien de l’impact sur la santé mentale des étudiants de voir leurs enseignants, parents, grands-parents et autres mourir d’une pandémie entièrement évitable.

Jacobin conclut en soulignant que son soutien au CTU «ne doit en aucun cas être considéré comme un accord avec ceux qui défendent une prolongation indéfinie de l’école à distance, ignorent constamment les implications d’une vaccination généralisée, exagèrent les dangers de la COVID pour les enfants et les risques de propagation communautaire par l’école, banalisent le rôle essentiel de l’école publique, l’aspect le plus socialisé de la vie publique américaine».

Dans la lignée des arguments des idéologues de droite dont ils reprennent les idées sans les attribuer, Jacobin affirme que ceux qui veulent mettre fin à la pandémie cherchent à promouvoir une «prolongation indéfinie de l’école à distance».

En réalité, les scientifiques qui appellent à mettre fin à la pandémie par une stratégie «COVID Zéro» soutiennent que la COVID-19 pourrait être maîtrisée en quelques mois grâce à la fermeture de toutes les entreprises non essentielles et des écoles. Une fois la transmission communautaire terminée, les écoles et les entreprises pourraient être rouvertes grâce à des tests agressifs et la recherche des contacts.

Au lieu de cela, la pandémie se prolonge depuis deux ans, chaque jour d’école offrant une chance aux élèves et aux enseignants de contracter et de propager le virus.

Qui est celui qui, selon les mots de Jacobin, «exagère les dangers de la COVID pour les enfants et les risques de propagation communautaire par l’école?» Ils font clairement référence aux scientifiques, médecins et experts en santé publique qui préconisent de mettre fin à la pandémie et aux millions de travailleurs qui savent par expérience personnelle que les écoles sont une source majeure de transmission de la COVID-19.

Sur le plan politique, les avertissements de ces scientifiques et les sentiments des travailleurs sont exprimés dans les politiques préconisées par le World Socialist Web Site.

Selon Jacobin, les scientifiques «exagèrent» les dangers de la COVID-19 dans les écoles, tandis que les politiciens du grand capital qu’ils soient fascistes ou démocrates, et les économistes de droite sont ceux qui décrivent avec précision les faibles risques de l’enseignement en personne.

Jacobin a cependant raison d’insister sur le fait que son soutien au CTU n’implique pas le rejet d’une politique d’infection massive. Le CTU et les syndicats dans leur ensemble ont joué et jouent encore un rôle clé dans les efforts des entreprises et des municipalités pour faire revenir les travailleurs au travail pendant une pandémie qui fait rage, et pour dissimuler et censurer les données sur les épidémies.

Selon un sondage Harris réalisé au début du mois, la majorité des citoyens du pays sont favorables au maintien de l’enseignement à distance. Le soutien à l’enseignement à distance est le plus élevé parmi les personnes gagnant moins de 50.000 dollars par an.

Pourquoi Jacobin promeut-il les arguments des idéologues de droite en exigeant la fin de l’enseignement à distance en cas de pandémie?

Les Socialistes démocrates d’Amérique sont une faction du Parti démocrate au pouvoir, et Jacobin soutient le gouvernement Biden tandis qu’il déclare la guerre à la population.

Jacobin et les DSA parlent au nom d’une classe moyenne supérieure aisée qui est plus ou moins indifférente à la mort massive causée par la pandémie. Tout comme les politiciens locaux et les dirigeants d’entreprise qui forcent les travailleurs à reprendre le travail et les enfants à retourner dans les salles de classe, cette couche sociale peut, dans l’ensemble, travailler à distance. Leurs portefeuilles d’actions ont bondi avec la hausse du marché au cours des deux dernières années.

Comme les «héros de l’arrière» de la Première Guerre mondiale, Jacobin est heureux d’envoyer les enseignants et les enfants «au-delà des tranchées» pour s’assurer que leurs parents continuent à travailler et à faire des bénéfices pour faire grimper la valeur des actions.

Dans leur lutte pour sauver des vies lors de la pandémie, les enseignants, les étudiants et les autres travailleurs doivent se méfier de Jacobin et des DSA, qui servent de propagandistes à l’infection de masse!

(Article paru en anglais le 18 janvier 2022)

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