Visite de la ministre canadienne des Affaires étrangères en Ukraine

Le Canada souligne son appui à la campagne de guerre menée par les États-Unis contre la Russie

Le voyage de deux jours de la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly en Ukraine cette semaine a souligné le soutien total d’Ottawa à la campagne de guerre impérialiste menée par les États-Unis contre la Russie. Contrairement à la plupart des dirigeants politiques impérialistes qui se sont rendus à Kiev ces derniers jours, Joly a fait tout son possible pour proclamer le soutien de son pays à la future adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, un geste qui serait interprété par Moscou comme une déclaration de guerre ouverte.

Personnel des Forces armées canadiennes formant des troupes ukrainiennes (FAC-Opération Unifier)

Interrogée par Radio-Canada sur le message qu’elle adresserait aux représentants du gouvernement ukrainien, Joly a répondu: «Je leur dirai que, tout d’abord, la position du Canada n’a pas changé. Nous croyons que l’Ukraine devrait pouvoir se joindre à l’OTAN.» Elle a ajouté que sa visite visait à montrer la «solidarité indéfectible» du gouvernement libéral de Trudeau avec le régime ukrainien d’extrême droite et pro-occidental, qui idolâtre des collaborateurs nazis comme Stepan Bandera et a intégré des milices fascistes dans ses forces armées.

Les remarques incendiaires de Joly démentent l’affirmation, sans cesse répétée dans les médias grand public, selon laquelle la crise en Ukraine est le résultat d’une «agression russe». La réalité est qu’au cours des trente années qui ont suivi la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne et la réintroduction du capitalisme, les puissances impérialistes ont largement étendu leur influence dans toute l’Europe de l’Est et encerclé militairement la Russie. Le territoire de l’OTAN s’est déplacé de 1300 km vers l’est, et l’alliance militaire dirigée par les États-Unis a maintenant des troupes positionnées dans les républiques baltes à la frontière de la Russie. Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN était une «ligne rouge».

Le caractère provocateur de la demande de Joly de faire de l’Ukraine un membre de l’OTAN devient encore plus clair quand on considère le caractère de l’élite dirigeante ukrainienne. Miné par les conflits internes au sein de l’oligarchie fabuleusement riche et corrompue de l’Ukraine, et largement méprisée par la population pauvre du pays, le gouvernement du président Volodymyr Zelensky est un régime en crise et extrêmement instable. Le jour même où Joly a atterri à Kiev, l’ancien président ukrainien Petro Porochenko est rentré au pays pour faire face à des accusations de sédition pour avoir sanctionné, alors qu’il était président, l’achat de charbon aux séparatistes pro-russes dans l’est du pays.

Le danger que Kiev, enhardi par le soutien qu’il a reçu de Washington, d’Ottawa et des puissances impérialistes européennes, puisse lancer une attaque téméraire contre la Russie pour détourner l’attention des troubles sociaux et politiques est réel et croissant. Si ce scénario se produisait alors que l’Ukraine est membre de l’OTAN, les armées canadienne, américaine et européenne seraient obligées, en vertu des règles de défense collective de l’alliance, de venir en aide à Kiev sur le plan militaire, ce qui déclencherait une conflagration entre des puissances dotées de l’arme nucléaire, ce qui mettrait en jeu la survie même de l’humanité.

Joly a clairement indiqué que le Canada fournirait au régime de droite de Kiev des centaines de millions de dollars en prêts. Notant que le Canada a déjà accordé à l’Ukraine 245 millions de dollars de prêts depuis 2014 ainsi que des centaines de millions en aide étrangère, Joly a laissé peu de doute sur le fait que la nouvelle enveloppe financière servirait à renforcer la préparation de l’Ukraine à la guerre. «Nous sommes prêts à (...) offrir des ressources financières à l’Ukraine parce que nous savons que la menace russe crée une forme d’instabilité économique, et que cela a un impact sur les revenus de l’État et sur la capacité du gouvernement ukrainien à financer son projet.»

Contrairement à la propagande bidon selon laquelle le Canada finance la «démocratie» et la «réforme judiciaire» en Ukraine, le «projet» de Kiev au cours des dernières années, à laquelle Joly fait indirectement référence, a consisté à attiser un nationalisme anti-russe virulent et à intégrer des milices fascistes dans ses forces de police et de sécurité. L’année dernière, une étude de l’université George Washington a révélé que des militaires canadiens et américains formaient des membres du groupe fasciste «Centuria» à l’Académie nationale de l’armée ukrainienne, une école militaire destinée aux futurs officiers de l’armée. Centuria fonctionne comme une faction du bataillon néo-nazi Azov, avec lequel des responsables canadiens ont tenu une réunion directe en 2018. (Voir: Les Forces armées canadiennes fournissent une formation militaire aux néonazis ukrainiens)

Après avoir soutenu le coup d’État dirigé par des fascistes à Kiev en 2014, qui a renversé le président pro-russe élu, Viktor Ianoukovitch, et porté au pouvoir un gouvernement pro-occidental, le Canada a envoyé 200 soldats en Ukraine pour former ses forces armées. Au cours de son voyage, Joly a clairement indiqué que ce déploiement, qui doit prendre fin en mars, sera prolongé.

Un rapport publié jeudi dans le Globe and Mail confirme que le gouvernement Trudeau prévoit d’annoncer la semaine prochaine une prolongation du déploiement d’au moins six mois et qu’il pourrait augmenter le nombre de membres des Forces armées canadiennes impliqués. Le navire de guerre NCSM Montreal a déjà été déployé pour participer aux opérations militaires provocatrices de l’OTAN en mer Noire. Ottawa envisage également d’envoyer des armes légères, des lunettes de vision nocturne, des radios militaires et des gilets pare-balles aux militaires ukrainiens. Le Centre de sécurité canadien, un acteur clé du réseau d’espionnage mondial «Le Groupe des Cinq - (Five Eyes)» dirigé par les États-Unis, pourrait également commencer à fournir à Kiev des renseignements et un soutien en matière de cybersécurité. Le Globe a noté que la vice-première ministre Chrystia Freeland, un faucon anti-russe dont le grand-père, Michael Chomiak, a publié un journal nationaliste ukrainien pro-nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, est fortement impliquée dans les délibérations sur le soutien supplémentaire du Canada à Kiev. Il en va de même pour le chef des Forces armées canadiennes, Wayne Eyre.

Trudeau est en pourparlers avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui a annoncé en début de semaine qu’elle enverrait des missiles antichars à Kiev, avec un ensemble de sanctions économiques contre la Russie que le président américain Joe Biden a qualifiée mercredi de «punitives». Renversant la réalité, Trudeau a déclaré lors d’un point de presse: «Nous travaillons avec nos partenaires et collègues internationaux pour faire comprendre très, très clairement que l’agression russe est absolument inacceptable.»

Pendant le voyage de Joly, les médias ont confirmé qu’un groupe de soldats des forces spéciales canadiennes avait été récemment envoyé en Ukraine.

Dans un autre geste de provocation, la Corporation commerciale canadienne, une société d’État qui aide les entreprises canadiennes à obtenir des contrats gouvernementaux à l’étranger, a annoncé la semaine dernière son intention de soutenir la construction d’une usine de munitions en Ukraine. L’installation, qui serait exploitée par plusieurs entreprises basées en Ontario, fabriquerait des armes légères et bénéficierait d’un financement gouvernemental de 60 millions de dollars.

Le soutien inconditionnel du Canada à Kiev reflète sa détermination à renforcer son partenariat militaro-stratégique de huit décennies avec Washington, qui mène la charge des puissances impérialistes vers la guerre avec la Russie. Mais il serait faux de considérer le Canada comme jouant simplement un rôle de soutien à la volonté insensée de l’impérialisme américain de conserver son hégémonie mondiale. Ottawa a ses propres intérêts impérialistes en jeu, notamment ses liens étroits avec les régimes d’extrême droite en Ukraine et dans les républiques baltes.

L’élite dirigeante canadienne est également déterminée à repousser l’influence russe dans l’Arctique, qui revêt une importance géostratégique et économique croissante en raison des changements climatiques. En août dernier, Trudeau a conclu un accord avec l’administration Biden pour moderniser le NORAD, le commandement de la défense aérospatiale et maritime de l’Amérique du Nord du Canada et des États-Unis, pour un montant de plusieurs dizaines de milliards de dollars. L’un des principaux objectifs de cette modernisation est de renforcer les capacités militaires continentales de l’Amérique du Nord pour contrer les menaces dites «au-delà de l’horizon», afin de pouvoir mener une guerre nucléaire «gagnable» contre la Russie ou la Chine.

Le battement de tambour en faveur d’une guerre avec la Russie vient de toutes parts au sein de l’establishment politique canadien. Presque tous les jours, les médias diffusent des affirmations sinistres sur une «invasion» russe «imminente» ou «à venir». La seule «preuve» jamais fournie pour étayer ces affirmations est que la Russie a effectué des mouvements de troupes sur son propre territoire souverain. Cette propagande belliciste s’accompagne d’une campagne médiatique sans fin contre la Chine.

Les partis de l’establishment approuvent à l’unanimité le narratif anti-russe. Dans une déclaration publiée à la veille du voyage de Joly à Kiev, le chef conservateur Erin O’Toole a exigé que Trudeau rejette la «capitulation devant l’agression du président Poutine». Il a exhorté le gouvernement à adopter des «sanctions de la loi Magnitsky contre les responsables de l’agression russe» et à «fournir à l’Ukraine des armes défensives létales».

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a demandé des sanctions ciblées contre la Russie. La porte-parole du NPD pour les Affaires étrangères, Heather McPherson, a laissé entendre que son parti serait prêt à soutenir l’envoi d’armes à l’Ukraine à une date ultérieure, mais a demandé que des efforts plus diplomatiques soient d’abord tentés. «Je ne pense pas que ce soit le moment de donner des armes à l’Ukraine», a-t-elle commenté. Le NPD a toujours soutenu le déploiement militaire du Canada en Ukraine et a fortement appuyé la visite de Joly en Ukraine cette semaine. «Je suis très heureuse que la ministre Joly ait pris l’initiative de se rendre en Ukraine en ce moment», a déclaré McPherson. «Il est absolument vital que le Canada fasse tout (ce qu’il) peut pour travailler à dissuader la Russie.»

(Article paru en anglais le 21 janvier 2022)

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