Dans une manœuvre réactionnaire de diversion, le gouvernement du Québec veut taxer les non-vaccinés

Le 11 janvier dernier, le premier ministre François Legault de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a annoncé que son gouvernement de droite allait imposer une «contribution santé» d’un montant «significatif» aux adultes québécois qui ne sont pas vaccinés contre la COVID-19.

Même si Legault a ensuite réitéré son engagement à imposer cette nouvelle taxe, il s’est montré avare de détails, se contentant d’invoquer le fardeau «disproportionné» que les non-vaccinés représenteraient pour le système public de santé. Au Québec, environ 10% des adultes ne sont pas vaccinés, soit quelque 600.000 personnes, mais elles pourraient représenter jusqu’à 50% des hospitalisations, dont le nombre dépasse actuellement 3.400 – un record absolu depuis le début de la pandémie.

La taxe annoncée par le gouvernement du Québec constitue en réalité une opération de camouflage politique dans un contexte de crise sanitaire et sociale aiguë. Pour détourner l’attention de sa propre gestion catastrophique de la pandémie, qui a créé les conditions pour que plus de 60 personnes en meurent par jour au Québec à l’heure actuelle, le gouvernement Legault veut transférer la responsabilité sur les non-vaccinés.

Le premier ministre du Québec François Legault (Source: Wikimedia Commons)

À cet égard, il est significatif que la mesure ait été annoncée lors d’une conférence de presse organisée pour introduire le nouveau directeur de la Santé publique par intérim, le Dr Luc Boileau, en remplacement du Dr Horatio Arruda dont Legault a forcé la démission la semaine dernière pour en faire le bouc émissaire de ses politiques désastreuses.

La manœuvre de Legault est à ce point transparente que même les trois partis d’opposition à l’Assemblée nationale, qui se sont distingués par leur mutisme depuis le début de la pandémie, ont été obligés de critiquer l’annonce et d’en souligner le caractère improvisé. Québec Solidaire, un parti qui se prétend «de gauche» et le Parti Québécois, indépendantiste, ont aussi souligné l’évidente injustice de la taxe puisqu’au nombre des non-vaccinés se trouvent des personnes vulnérables, des immigrants, des sans-abri et des personnes souffrant de maladies mentales.

Ces critiques sont entièrement opportunistes puisque les partis d’opposition ont aussi annoncé qu’ils allaient continuer de travailler avec Legault dans le dos de la population, en participant à des réunions hebdomadaires confidentielles où le premier ministre leur fait connaître à l’avance ses intentions et où ils peuvent lui donner «leur point de vue». La cheffe libérale Dominique Anglade a par la suite cessé d’y participer en se disant «instrumentalisée» par le premier ministre québécois.

Au niveau fédéral, le premier ministre libéral Justin Trudeau a évité de critiquer l’annonce de Legault, mentionnant seulement que la taxe québécoise devrait se conformer aux critères d’universalité et de gratuité du système de santé prévus à la Loi canadienne sur la santé – des critères déjà continuellement violés. En réalité, le gouvernement Trudeau appuie la campagne visant à désigner les non-vaccinés responsables de propagation de la pandémie, ayant lui-même annoncé qu’ils ne seront plus admissibles aux prestations fédérales d’assurance-emploi.

Le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, tout comme les premiers ministres conservateurs de l’Alberta et de l’Ontario, Jason Kenney et Doug Ford, ont pris une posture démagogique d’opposition à la taxe de Legault. Kenney a même qualifié sa proposition de «non-canadienne».

Ce faisant, les politiciens fédéraux reprennent leur rôle de la campagne électorale de septembre dernier lorsque Trudeau, qui avait déclenché l’élection en pleine pandémie, s’était présenté comme le principal promoteur des vaccins et avait accusé O’Toole de courtiser l’extrême-droite en s’opposant aux mesures sanitaires au nom de la liberté.

Ce simulacre de débat vise à camoufler le fait que tous les partis fédéraux – du PLC au PCC en passant par le NPD soutenu par les syndicats – appuient la politique de l’élite dirigeante qui fait passer les profits avant les vies humaines en insistant sur la réouverture de l’économie et la levée de toutes les restrictions sanitaires. Au cours des dernières décennies, ces partis ont d’ailleurs tous pleinement participé au démantèlement du réseau public de la santé.

Ayant rejeté les mesures sanitaires susceptibles de freiner la pandémie afin de préserver les profits, Legault et Trudeau jettent maintenant la pierre aux non-vaccinés. Ils se joignent ainsi à un mouvement international de politiciens capitalistes qui rejettent la faute sur les non-vaccinés afin de camoufler leur propre responsabilité. En France, où la même politique de laisser-aller est responsable d’un nombre record d’infections, le «président des riches» Emmanuel Macron s’est attaqué aux non-vaccinés dans une tirade obscène. Ailleurs, l’Italie, la Grèce, l’Autriche et l’Indonésie ont adopté des taxes de la même nature que celle envisagée par la CAQ ou d’autres mesures contre les non-vaccinés.

Le développement rapide de vaccins qui protègent efficacement contre la COVID-19 est une avancée scientifique importante et la vaccination de masse est une exigence élémentaire de santé publique. En réponse à la campagne anti-vaccination, le WSWS a écrit qu’«il n’y a aucune raison légitime pour que les travailleurs qui ont un accès facile aux vaccins contre la COVID-19 les rejettent». Les travailleurs doivent notamment rejeter le discours libertaire et fasciste, repris par certains anarchistes petits-bourgeois, qu’il existe un «droit» de refuser le vaccin: aucun individu n’a le «droit» ou la «liberté» d’infecter les autres avec une maladie débilitante et potentiellement mortelle.

Cependant, la vaccination ne peut pas à elle seule venir à bout de la pandémie – surtout avec le nationalisme vaccinal des pays impérialistes qui bloque l’accès de grandes parties du monde au vaccin et permet au virus de se propager et muter en nouveaux variants potentiellement plus contagieux et mortels.

Tel que souligné par l’émergence d’Omicron, l’outil essentiel de la vaccination doit être combiné à des mesures de santé publique plus larges pour éliminer la transmission communautaire du coronavirus. Ces mesures comprennent: la fermeture des écoles et des activités de production non essentielles, avec indemnisation complète pour les travailleurs; l’isolement des personnes infectées; la recherche des contacts; et l’obligation de porter un masque N95 ou de qualité supérieure.

La campagne visant à rendre les non-vaccinés responsables de la poursuite de la pandémie est le revers de la médaille de la politique «des vaccins seulement» des gouvernements provinciaux et fédéral du Canada – une politique étroitement liée à leur réouverture prématurée de l’économie. Pour préserver l’illusion que la vaccination peut à elle seule mettre fin à la pandémie, l’élite dirigeante fait croire que son échec à contrôler la pandémie est dû au faible pourcentage de la population qui refuse de se faire vacciner.

L’échec à endiguer ou même freiner la contamination massive de la population est en réalité le résultat de la politique des «profits avant les vies» menée par tous les gouvernements capitalistes.

C’est précisément cet échec – de concert avec la campagne mensongère de l’establishment pour minimiser le danger du virus, en particulier pour les enfants – qui ouvre la porte au discours «anti-vaccins» de l’extrême-droite. Ce discours est d’ailleurs encouragé par l’élite dirigeante dans le but de réprimer l’opposition des travailleurs à ses politiques meurtrières.

Partout dans le monde, c’est la mouvance de droite et d’extrême-droite – y compris des groupes carrément fascistes aux États-Unis et en Allemagne – qui a servi de fer de lance au mouvement pour la levée des mesures sanitaires afin de maintenir le flot des profits vers les super-riches.

Les travailleurs doivent s’opposer aux mesures qui, comme la «contribution santé» du gouvernement Legault, démonisent les personnes non-vaccinés pour cacher la responsabilité des gouvernements capitalistes.

De plus, l’imposition d’une taxe aux non-vaccinés ouvre la porte à d’autres mesures réactionnaires qui, à terme, pourraient accélérer la privatisation du système de santé. Si les non-vaccinés doivent payer pour le fardeau qu’elles imposent au système de santé, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les fumeurs? Ou pour les gens qui refusent de faire de l’exercice physique?

En opposition à la nouvelle taxe «santé» de Legault, la classe ouvrière doit lutter pour son propre programme d’élimination de la COVID-19. En plus des mesures de santé publique éprouvées telles que la fermeture des écoles et des lieux de travail non-essentiels, il faut une campagne soutenue d’éducation publique pour réfuter les absurdités pseudo-scientifiques des «antivax» d’extrême droite, ainsi que la propagande antiscientifique de l’élite dirigeante que la vaccination permet de «vivre avec le virus».

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