Omicron fait rage sur les lieux de travail américains: 8,8 millions de travailleurs en arrêt maladie début janvier

Selon les données du Bureau du recensement des États-Unis, 8,8 millions de travailleurs américains étaient en arrêt de travail, malades ou s’occupaient de membres de leur famille malades au début de janvier, soit le nombre le plus élevé depuis le début de la pandémie. L’augmentation du nombre de malades s’inscrit dans un contexte où les infections et les décès se multiplient en raison du variant Omicron, hautement contagieux. Et cela, dans une situation, où on a supprimé pratiquement toutes les mesures d’atténuation, hormis la vaccination.

Un agent de santé fait signe de la main en appelant la personne suivante dans la file d’attente d’un site de dépistage du COVID-19 géré par CORE à Los Angeles, le mardi 4 janvier 2022. (AP Photo/Jae C. Hong)

Les quelque 9 millions de travailleurs en arrêt maladie représentent 6 pour cent de la main-d’œuvre américaine. Par ailleurs, 3,2 millions de travailleurs ont déclaré ne pas travailler par crainte de contracter ou de propager le COVID-19, soit une augmentation de 25 pour cent par rapport à début décembre. Ces chiffres ont été multipliés par trois depuis l’arrivée d’Omicron.

La décision brutale du gouvernement américain et des gouvernements d'Europe occidentale et d’autres pays de laisser le virus se propager, tout en abandonnant la plupart des efforts pour contenir la maladie, a un impact dévastateur sur de larges masses de personnes, bien au-delà du bilan quotidien des décès et des hospitalisations. Aux États-Unis, où le niveau des prestations sociales est beaucoup plus primitif que dans la plupart des pays européens, l’impact est particulièrement grave.

Les décès dus au COVID continuent d’augmenter aux États-Unis. Un chercheur de l’université d’État de Pennsylvanie, qui codirige une équipe chargée d’étudier les modèles de pandémie, prévoit que 1,5 million d’Américains seront hospitalisés et qu’entre 191.000 et 305.000 mourront entre la mi-décembre et la mi-mars.

La politique qui consiste à laisser le virus se propager sans contrôle sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les communautés ne répand pas seulement la mort, mais produit une catastrophe économique pour des millions de familles de la classe ouvrière qui, dans de nombreux cas, n’ont pas de jours payés de congé maladie ou d’accès à une couverture d’assurance maladie. Les personnes qui ne se présentent pas au travail pour cause de maladie ne représentent qu’une partie des personnes infectées, car l’absence d’indemnités de maladie et les politiques très restrictives en la matière obligent des millions de travailleurs à rester au travail. La maladie de masse a laissé de nombreuses entreprises à court de personnel, obligeant ceux qui restent à travailler de plus en plus longtemps, comme les journées de 12 heures qui sont habituelles dans les usines automobiles et les raffineries de pétrole, au milieu d’une pandémie mortelle.

Une décision récente des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a réduit de dix à cinq jours la durée de quarantaine obligatoire pour les personnes exposées ou infectées. Après la décision des CDC, plusieurs grands employeurs, dont Walmart et Amazon, ont réduit le nombre de jours de congé maladie payé garantis à leurs employés.

Le Congrès a imposé un congé de maladie élargi au début de la pandémie, mais cette mesure a expiré le 31 décembre 2020. L’exigence de congés payés pour raisons familiales et médicales contenue dans le projet de loi de dépenses sociales «Build Back Better» du gouvernement Biden semble mort-née.

Selon une enquête menée par le Shift Project de l’université de Harvard l’automne dernier, 65 pour cent des personnes interrogées ont déclaré être allées au travail malgré leur maladie. Il s’agit d’un chiffre inférieur aux 85 pour cent qui déclaraient se rendre au travail en étant malades avant la pandémie.

Selon le US Census Bureau, 85 pour cent des travailleurs civils disposaient d’au moins un jour de congé maladie payé en mars 2021. Toutefois, la disponibilité des indemnités de maladie varie considérablement, les travailleurs les moins bien rémunérés étant les moins couverts. Parmi les 10 pour cent de salariés les moins bien payés, seuls 47 pour cent bénéficient d’un congé de maladie payé. En outre, de nombreuses entreprises exigent des travailleurs qu’ils utilisent des jours de congés payés pour couvrir les congés de maladie, ce qui réduit le nombre total de jours de vacances dont ils disposent.

Les travailleurs faiblement rémunérés occupent souvent des emplois impliquant un contact direct avec le public, comme les employés d’hôtels et de restaurants, ce qui augmente leur risque d’exposition et de transmission de la maladie.

Même si les travailleurs bénéficient d’un congé de maladie payé, souvent ils font face à un cauchemar byzantin lorsqu’ils tentent de le récupérer. Les constructeurs automobiles de Détroit ne paieront que les travailleurs mis en quarantaine après avoir présenté des symptômes ou ceux qui ont été exposés à un employé atteint de COVID-19 – à moins qu’ils ne soient déclarés positifs à la maladie eux-mêmes. Même dans ce cas, il faut souvent attendre des semaines pour être payé. Cela encourage encore plus les travailleurs à ignorer les symptômes et à se présenter au travail malade, ce qui entraîne davantage d’infections, d’hospitalisations et de décès.

Un ouvrier de Ford dans l’Ohio a déclaré que si un travailleur présente des symptômes ou a été exposé au coronavirus, «il fait un test COVID et n’est payé que s’il s’avère positif. Il reçoit sa paie dans les deux semaines suivantes. Le problème est que, si j’ai le COVID, Ford ne fait pas un bon travail de recherche des contacts. Ils avaient l’habitude de faire un travail complet, mais plus maintenant».

Un ouvrier au Service postal à Saint-Paul, dans le Minnesota, a déclaré au World Socialist Web Site que plus de 100 des 500 travailleurs de son établissement sont actuellement en arrêt maladie ou en auto-isolement à cause du COVID-19.

«La politique de congés payés du COVID a pris fin vers septembre 2021, toute personne dont le test se trouve positif doit utiliser ses propres congés annuels de maladie ou des congés sans solde. Ils disent qu’ils font de la recherche de contacts, mais j’ai du mal à le croire».

«Cela ne fait qu’aggraver une situation déjà dangereuse; certaines personnes choisissent de venir travailler malgré leur maladie parce qu’elles n’ont pas de congés annuels ou de maladie. Ajoutez à cela le fait que la direction ne fait pas respecter la politique du masque. Ce n’est pas surprenant que tant de personnes soient absentes de notre établissement. Le bureau du syndicat est idéalement situé dans notre établissement. Ces délégués syndicaux sont pleinement conscients de la situation qui se déroule. Pourtant, ce bureau reste silencieux, son indifférence à l’égard de ce qui se passe est parfaitement visible».

Un éducateur de Pennsylvanie a fait remarquer: «Avec le COVID, même si je pouvais enseigner sur Zoom depuis chez moi, je suis obligé d’utiliser tous mes congés de maladie et d’annuler les cours, privant ainsi les étudiants de l’éducation pour laquelle ils ont payé, tout en sacrifiant un jour de maladie. Ils épuisent vos congés maladie».

L’augmentation des maladies a entraîné une hausse du nombre de nouvelles demandes de chômage, qui ont atteint 286.000 la semaine dernière, soit 55.000 de plus que la semaine précédente. Il s’agit du nombre hebdomadaire le plus élevé de nouvelles demandes depuis octobre. Cette forte hausse intervient malgré les efforts du gouvernement Biden pour forcer les travailleurs à reprendre le travail en laissant expirer pratiquement toutes les aides financières liées à la pandémie, y compris les allocations de chômage élargies, les interdictions d’expulsion et le crédit d’impôt pour enfants. Interrogé sur l’éventualité d’une aide supplémentaire pour les travailleurs touchés par le COVID-19, un haut responsable du gouvernement Biden, dont l’identité n’a pas été révélée, a déclaré à CNN au début du mois: «Nous n’allons pas faire de chèques pour inciter les gens à rester chez eux…».

Les économistes s’inquiètent du fait que la propagation de la maladie aggrave la pénurie de main-d’œuvre. C’est-à-dire qu’elle réduit encore le nombre de travailleurs capables et désireux de risquer leur santé pendant une pandémie pour un salaire de misère. Un nombre record de 4,5 millions de travailleurs ont quitté leur emploi en novembre. Diane Swonk, économiste au cabinet d’expertise comptable Grant Thornton, citée par le Washington Post, a déclaré: «Malheureusement, le plus gros problème d’Omicron n’est plus seulement la peur de la contagion et l’aversion pour les activités en personne, mais il provoque en fait de graves pénuries de main-d’œuvre en raison du simple nombre de personnes malades».

Delta Airlines a signalé que 8.000 employés avaient contracté le COVID-19 au cours des quatre dernières semaines, soit 10 pour cent de ses effectifs. Les cas se multiplient dans les usines automobiles, bien que le nombre réel d’infections ne soit pas connu puisque les entreprises automobiles, avec le soutien du syndicat United Auto Workers, dissimulent les infections et les décès. Des centaines de personnes sont en arrêt maladie à Warren Truck et Sterling Heights Assembly, les principales usines Stellantis de la région de Détroit.

Face à une grave pénurie de personnel, les prestataires de soins de santé ont recours à des mesures désespérées qui ne feront qu’accélérer la propagation de la maladie. L’État de Californie exige que les travailleurs de la santé dont le test de dépistage du COVID est positif, mais qui sont asymptomatiques, se présentent au travail sans être mis en quarantaine ni subir de nouveau le test COVID-19. Chez MultiCare Health Systems dans l’État de Washington, un réseau de cliniques hospitalières et de soins urgents, les travailleurs de la santé infectés par le COVID ont reçu l’ordre de reprendre le travail même s’ils sont symptomatiques.

La priorité brutale accordée par le gouvernement Biden, soutenu par l’ensemble de l’establishment politique, aux profits plutôt qu’aux vies, est une mise en accusation du système capitaliste. Leur politique d’«immunité collective» est dictée, non pas par la science médicale et l’épidémiologie, mais par les besoins de Wall Street.

Le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste appellent à l’arrêt de la production non essentielle et de l’apprentissage en personne, avec une compensation complète pour les travailleurs licenciés et les propriétaires de petites entreprises, dans le cadre d’une campagne de santé publique qui vise à éliminer et éradiquer le COVID. Cela nécessite la mobilisation et l’initiative indépendantes de la classe ouvrière en dehors des syndicats pro-patronaux et des partis capitalistes.

(Article paru en anglais le 20 janvier 2022)

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