Les ministres de la Grande-Bretagne et de l’Australie renforcent leur collaboration militaire contre la Chine

Dans le sillage du pacte AUKUS conclu en septembre dernier entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, les ministres britannique et australien des Affaires étrangères et de la Défense se sont entretenus vendredi à Sydney pour renforcer davantage les liens militaires dirigés principalement contre la Chine, mais aussi contre la Russie.

L’accord AUKUS, qui prévoit d’équiper l’Australie de sous-marins à propulsion nucléaire, s’inscrit dans le cadre du renforcement militaire mené par les États-Unis dans toute la région indopacifique, alors que Washington intensifie sa confrontation agressive avec la Chine sur les plans diplomatique, économique et stratégique.

Lors d’une conférence de presse conjointe, la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, a déclaré que les deux pays «modernisaient leur partenariat pour une nouvelle ère» afin de faire face à «la réalité… des menaces croissantes dans le monde entier». Tout en s’en prenant à la Russie pour avoir «menacé l’Ukraine» et à l’Iran pour son programme nucléaire, Truss a accusé la Chine «d’utiliser sa puissance économique contre l’Australie et d’autres alliés comme la Lituanie.»

(De gauche à droite) Liz Truss, ministre britannique des Affaires étrangères, Ben Wallace, ministre britannique de la Défense, Marise Payne, ministre australienne des Affaires étrangères, et Peter Dutton, ministre australien de la Défense [Photo: Marise Payne Facebook]

Truss a déclaré aux journalistes que l’Australie et la Grande-Bretagne étaient «complètement unies dans notre réaction. Nous sommes côte à côte pour défendre la liberté et la démocratie, et nous sommes déterminées à faire face à ces menaces croissantes».

La ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, a repris la même ligne de propagande pour justifier le renforcement militaire des deux pays, de concert avec les États-Unis. L’Australie et la Grande-Bretagne sont des partenaires naturels, a-t-elle déclaré, pour contrer l’influence de «l’autoritarisme pernicieux» et maintenir l’ordre international.

Malgré toutes les allégations infondées de «menaces» et d’«agressions» russes et chinoises, les impérialismes australien et britannique ont été deux des plus proches partenaires criminels des États-Unis au cours des trois dernières décennies. Londres et Canberra ont soutenu de manière indéfectible, politiquement et militairement, les invasions et interventions illégales menées par les États-Unis au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie centrale. Elles ont entraîné la destruction de sociétés entières en Irak, en Syrie, en Libye et en Afghanistan.

Aujourd’hui, la Grande-Bretagne et l’Australie se préparent à se joindre aux États-Unis pour affronter deux puissances nucléaires, la Chine et la Russie, ce qui augmente la perspective d’une guerre catastrophique. Il ne s’agit pas de défendre la démocratie, qui fait l’objet d’attaques soutenues dans ces trois pays. Le pacte AUKUS cherche plutôt à maintenir l’hégémonie mondiale des États-Unis sur laquelle l’Australie et la Grande-Bretagne se sont appuyées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais qui est mise à mal par l’essor économique de la Chine en particulier.

L’escalade de la présence militaire britannique dans la région indopacifique – une région située à l’autre bout du monde par rapport au Royaume-Uni – est particulièrement significative. À la suite de la Seconde Guerre mondiale et du déclin de son influence mondiale, la Grande-Bretagne s’est retirée de l’«Est de Suez» à partir de 1966, retirant son armée de ses principales bases à Aden (qui fait maintenant partie du Yémen) et à Singapour. Elle n’a plus envoyé de navires de guerre dans la région indopacifique depuis la fermeture de sa petite base de Hong Kong en 1997, lorsque la colonie a été rendue à la Chine.

En mars dernier, le gouvernement britannique a adopté une «inclinaison indopacifique» dans le cadre de son examen intégré 2021 et, en septembre, il a signé l’accord AUKUS. La marine britannique a envoyé le porte-avions Queen Elizabeth II et son groupe d’attaque de navires de guerre dans la région indopacifique, où elle a participé à divers exercices, notamment à des exercices conjoints provocateurs en mer de Chine méridionale avec des navires de la marine néerlandaise et singapourienne en octobre.

S’adressant à la presse vendredi, le ministre australien de la Défense, Peter Dutton, a expliqué qu’on n’avait pas encore conclu d’accord concernant le stationnement de navires de guerre britanniques en Australie. Toutefois, «nous pourrions en discuter au moment opportun» à l’avenir. «Je pense que ce que vous verrez, c’est une plus grande régularité dans les visites, les formations, les personnes intégrées… et certainement une plus grande coopération dans les exercices».

La Grande-Bretagne a déjà envoyé deux de ses navires de guerre les plus récents — les navires de patrouille côtiers HMS Spey et HMS Tamar – dans la région asiatique à long terme, dans le cadre du rétablissement d’une «présence indopacifique persistante». Bien qu’ils ne soient pas basés en permanence en Australie, les deux navires britanniques dépendront largement de l’infrastructure navale australienne pour les visites portuaires, le réapprovisionnement et la maintenance.

Les deux pays ont également convenu de renforcer la coordination et la planification militaires en intégrant un officier de liaison du quartier général conjoint permanent de la Grande-Bretagne au sein du commandement des opérations conjointes du quartier général australien.

L’Australie et la Grande-Bretagne font partie du réseau de partage de renseignements de haut niveau Five Eyes, dirigé par les États-Unis, qui comprend également la Nouvelle-Zélande et le Canada. La réunion ministérielle de vendredi a renforcé la collaboration en matière de cybersécurité, d’intelligence artificielle, de technologies quantiques et de capacités sous-marines.

Truss a profité d’un discours devant le Lowy Institute, un groupe de réflexion basé à Sydney, pour lancer des avertissements vigoureux sur la menace d’une invasion russe en Ukraine et ses conséquences désastreuses. En réalité, les États-Unis et leurs alliés ont fabriqué la crise actuelle au sujet de l’Ukraine par l’empiètement militaire des forces de l’OTAN en Europe de l’Est après la dissolution de l’Union soviétique.

Lors de la conférence de presse de vendredi, Payne s’est jointe au chœur international anti-Russie, déclarant que «nous travaillerons en étroite collaboration avec l’Ukraine dans les jours et les semaines à venir pour relever les défis auxquels elle est confrontée». Elle a indiqué que l’Australie examinerait favorablement toute demande formelle d’assistance de l’Ukraine en matière de cybersécurité.

Interrogé vendredi sur les discussions de Sydney, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a qualifié l’accord AUKUS de «bloc militaire typique» et la décision de fournir à l’Australie des sous-marins à propulsion nucléaire de violation du traité international de non-prolifération nucléaire. Il a souligné l’hypocrisie des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Australie qui mettent en avant la «menace chinoise» tout en collaborant à un renforcement militaire dans la région.

La fourniture de sous-marins à propulsion nucléaire à l’Australie souligne le caractère agressif de l’accord AUKUS. Les sous-marins d’attaque n’ont rien à voir avec la défense des eaux australiennes, mais sont conçus pour opérer à grande distance pendant de longues périodes. Leur objectif est d’opérer de concert avec les sous-marins nucléaires britanniques et américains au large des côtes chinoises, dans le cadre d’un blocus naval ou d’une guerre totale.

En septembre dernier, le premier ministre australien Scott Morrison a déclaré que l’Australie n’avait pas l’intention de créer une industrie nucléaire nationale ou d’équiper les sous-marins à propulsion nucléaire de missiles nucléaires. Alors que les tensions géopolitiques ne cessent d’augmenter, de telles promesses n’ont aucune valeur.

L’intégration profonde de l’Australie dans les plans de guerre américains a placé la population australienne en première ligne d’un conflit avec la Chine mené par les États-Unis et susceptible de dégénérer rapidement en une guerre nucléaire.

(Article paru en anglais le 22 janvier 2022)

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