Royaume-Uni  : Le parti travailliste et les syndicats soutiennent la décision de Johnson de mettre fin aux restrictions liées au COVID.

L’annonce de la suppression de toutes les restrictions liées au COVID est l’action la plus ouvertement criminelle menée par le gouvernement conservateur depuis le début de la pandémie.

Mercredi, le Premier ministre Boris Johnson a clairement indiqué son intention de poursuivre un programme d’«   immunité collective   » avoué. La suppression des six mesures restantes du Plan B, notamment le port du masque dans les écoles et les mesures en faveur du travail à domicile, est intervenue hier.

Le chancelier de l’Échiquier britannique Rishi Sunak (au centre) devant le 10 Downing Street avec Frances O’Grady, secrétaire générale du syndicat TUC (à gauche) et (à droite) Dame Carolyn Julie Fairbairn, directrice générale de la CBI, Londres, 24   septembre 2020 [Crédit: AP Photo/Frank Augstein].

Dans une semaine à peine, l’utilisation des passes sanitaires pour les lieux de divertissement prendra fin, de même que l’obligation de porter un masque dans les espaces publics. Le 26   janvier, toutes les restrictions concernant les visites dans les établissements pour personnes âgées disparaîtront également.

Le 24   mars, l’auto-isolement obligatoire après un test positif au COVID-19 prendra fin. Johnson a déclaré   : «   En effet, si les données le permettaient, j’aimerais demander un vote dans cette Assemblée pour avancer cette date.   »

La classe dirigeante n’est même plus prête à enregistrer la propagation du COVID-19, et encore moins à la combattre. La politique du gouvernement consiste plutôt à faire en sorte que tout le monde soit infecté, ce qui est littéralement ce que signifie l’expression «   apprendre à vivre avec le virus   ».

Le Parti travailliste a réussi ce qui semblait impossible   : rendre la propagande tory encore plus grotesque, en avançant comme son propre nouveau slogan, commencer à «   vivre bien » avec le COVID.

La Grande-Bretagne a déjà le quatrième plus grand nombre d’infections dans le monde, seuls les États-Unis, l’Inde et le Brésil, tous avec des populations beaucoup plus importantes, en enregistrent davantage. Plus de 15   millions de personnes ont été infectées en Grande-Bretagne au cours des deux dernières années (plus de 20   pour cent de la population). Aujourd’hui, cette infection massive est célébrée et accueillie positivement.

C’est ce qu’a résumé le correspondant de la BBC pour la santé, Nick Triggle, un défenseur constant de l’immunité collective, qui a écrit mercredi que «   l’Angleterre — et le reste du Royaume-Uni, d’ailleurs — est l’une des nations les mieux protégées lorsque l’on combine l’immunité acquise par la vaccination et les infections antérieures.   »

Seuls deux députés se déclarant «   de gauche   » au sein du parti travailliste, Richard Burgon et Rachel Maskell, ont pris la peine d’intervenir dans le débat après Johnson. Un seul député travailliste, Ian Lavery, a même mentionné le nombre de personnes décédées du COVID en Grande-Bretagne, plus de 150.000 selon la mesure officielle et plus de 176.000 en réalité.

En référence aux menaces qui pèsent sur le leadership de Johnson au sein du parti tory, Burgon, le président du groupe des partisans de Corbyn parmi les députés travaillistes a déclaré   : «   La précipitation à supprimer l’obligation de porter des masques, y compris dans les transports publics, fera que des gens tomberont malades et mourront inutilement. Ne s’agit-il pas de sauver la peau politique du Premier ministre, et non de protéger la santé publique   ? Quel échec moral et quelle mauvaise voie à suivre.   »

Le leader du parti travailliste, Sir Keir Starmer, s’étant déjà solidarisé avec Johnson en déclarant   : «   Le parti travailliste ne veut pas que les restrictions soient en place plus longtemps que nécessaire   », Johnson a répondu   : «   Je remarque que l’honorable gentleman est en désaccord avec son “Front Bench” [la direction du Parti travailliste] sur ce point, et ce n’est pas la première fois.   »

Maskell, un ancien responsable national du syndicat Unite qui a occupé quatre postes dans le cabinet fantôme de Jeremy Corbyn entre 2016 et 2020, a noté que «   1000   personnes sont mortes au cours de la semaine écoulée   ; 438 rien qu’hier », mais n’a pu offrir qu’un faible, «   L’heure n’est pas à la complaisance   ».

Corbyn, lui-même se trouvait une fois de plus absent sans permission lors du débat et n’a depuis rien dit sur la levée de toutes les restrictions. Cela va de pair avec ses interventions les plus récentes dans la pandémie, soutenant l’opposition de la droite dure des torys (membres du Parti conservateur) à la vaccination obligatoire par le NHS et au passe vaccinal.

Avant l’annonce de Johnson mercredi, la campagne Zero Covid au Royaume-Uni, dirigée par la «   gauche   » travailliste Diane Abbott, dont Corbyn est un membre officiel mais totalement inactif, a publié une déclaration s’opposant à la décision «   imprudente   » du gouvernement, mais n’a offert aucune alternative autre que des appels aux Tories pour quelques atténuations. «   Loin d’assouplir la réglementation, le gouvernement devrait faire plus pour gérer la pandémie et protéger les gens, en particulier ceux dont les moyens de subsistance et la santé ont été affectés.   » Parmi leurs demandes minimales, on trouve que «les bâtiments publics, les écoles et les lieux de travail devraient être aidés à vérifier et à améliorer leurs systèmes de ventilation, par exemple avec des moniteurs de CO2 et des systèmes de filtration de l’air.   »

La campagne Zéro Covid a toujours insisté sur le fait qu’elle n’exigeait pas de ses partenaires qu’ils croient réellement en l’éradication de la COVID-19. Aujourd’hui, elle ne fait plus semblant de défendre autre chose qu’un programme d’immunité collective allégé. Plutôt que de demander le départ de Johnson lui-même, et encore moins d’appeler à une lutte contre les Tories. Le Zero COVID UK l’implore de s’opposer à la faction anti-confinement de la droite dure au sein du Covid Recovery Group.

«   Boris Johnson ne devrait pas apaiser ses députés libertariens en assouplissant ces réglementations   », déclarent-ils. «   Son devoir est envers le peuple de ce pays […] Lui et son gouvernement devraient faire tout ce qu’ils peuvent pour sauver des vies. Ils ne devraient pas faire l’autruche.   »

Les syndicats ont travaillé avec les travaillistes tout au long de la pandémie dans une coalition de fait avec le gouvernement pour réprimer toute opposition dans la classe ouvrière et faire en sorte que les lieux de travail et les écoles non sécurisés restent ouverts.

Frances O’Grady, leader du syndicat Trades Union Congress (la direction de la quasi-totalité des syndicats britanniques — TUC), s’est contentée de se plaindre que la fin des restrictions «   est précipitée et mal préparée   », tout en déclarant qu’il était «   important que dans les prochaines semaines, les employeurs consultent correctement le personnel et les syndicats au sujet du retour au travail.   »

Avec des milliers d’enseignants et d’enfants déjà infectés par le COVID et contraints de s’auto-isoler, le «   National Education Union   » (NEU) n’a pas demandé la fermeture des écoles. Pourtant, une fois de plus, il a déploré le fait qu’en précipitant la fin des restrictions, le gouvernement jetait les bases de nouvelles «   perturbations de l’éducation   ».

Ni le NEU ni les autres syndicats de l’éducation n’ont eu un mot à dire sur les 135   écoliers qui ont tragiquement succombé au COVID.

De nombreux travailleurs tirent les leçons du rôle criminel du parti travailliste et de la bureaucratie syndicale. Lisa Diaz est parent de deux enfants à Wigan, en Angleterre, qui a mené une campagne d’opposition à l’ouverture d’écoles non sécurisées. Lisa a partagé l’article du World Socialist Web Site, «   Johnson met fin au port de masques dans les écoles anglaises   », qui a suscité des réactions telles que   :

  • «   Pourquoi les syndicats ne protègent-ils pas le secteur de l’éducation, pourquoi   ? »
  • «   Je ne sais pas pourquoi je continue à payer les cotisations au NEUnion. Je ne me suis jamais sentie aussi peu soutenue dans ma profession. Tout ce que je vois de leur part, ce sont des questionnaires stupides sur les salaires, sur lesquels ils n’ont pas réussi à faire bouger les choses en 10   ans. #schoolsarenotsafe.   »
  • «   Où est [le syndicat de l’éducation] NASUWT   ? Je vous jure que je n’ai rien entendu de leur part.   »
  • «   Je suis complètement perplexe sur la façon dont les syndicats ont réagi pendant la pandémie. La réaction du gouvernement crétin de droite n’a pas été une surprise, mais très peu de personnes ont pris la parole de l’autre côté. Incroyable.   »
  • «   Étonnant   : les syndicats de l’éducation soutiennent [le secrétaire d’État à l’éducation Nadhim] Zahawi qui tue non seulement les enfants, mais aussi les enseignants.   »

Deux membres du comité de sécurité des Éducateurs de base (Royaume-Uni) ont pris la parole pour s’opposer au programme d’immunité collective du gouvernement.

Helen Clarke a expliqué   : «   Je travaille à temps partiel dans des écoles primaires où le COVID sévit.   » Les enfants et le personnel sont en arrêt maladie «   chaque semaine   » et d’autres sont à l’école avec des membres de la famille qui s’isolent à la maison. Ses enfants adolescents «   apprennent à la maison depuis Noël   » car « la prévalence est tellement élevée au Royaume-Uni en ce moment qu’il y a toujours au moins une personne infectée dans une classe […] La seule chose qui les sépare de l’infection est leur masque (qu’on leur demande souvent d’enlever   !) et leur vaccination.   »

La déclaration du secrétaire à la santé Sajid Javid mettant fin aux mesures de santé publique était «   complètement surréaliste. Les cas sont au plus haut niveau qu’ils n’aient jamais été et les décès sont à leur plus haut niveau depuis février dernier, lors de la deuxième vague mortelle.   » Elle conclut   : «   Mes enfants et moi sommes privés du droit de vivre, de travailler et d’aller à l’école en toute sécurité, sans la menace d’une infection par un virus dangereux.   »

Ben Roch a déclaré   : « “Vivre avec le virus” signifie en réalité que la classe ouvrière “vit” avec des assauts répétés sur son système immunitaire, et avec des dommages à de multiples organes […] Si les travailleurs survivent à la première infection, il y en aura encore des dizaines à venir, chacune ayant le potentiel de causer un COVID long. Quand Sajid Javid dit que le COVID est là “pour toujours”, cela signifie une boucle digne du film Un jour sans findans laquelle le virus mute pour échapper au vaccin, ce qui conduit à des rappels qui deviennent inefficaces de plus en plus rapidement.   »

(Article paru d’abord en anglais le 20 janvier 2022)

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