Le changement climatique déclenche une crise humanitaire, selon un rapport de l'ONU

« Notre peuple et la planète sont en train d'être ébranlés par le changement climatique. Près de la moitié de l'humanité vit actuellement dans la zone dangereuse. De nombreux écosystèmes sont actuellement au point de non-retour. Les faits sont indéniables », a déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (ONU) en dévoilant le dernier rapport international sur les conséquences du changement climatique. « Cette abdication des dirigeants est criminelle. Les plus grands pollueurs du monde sont coupables d'incendie criminel à l’encontre de notre seule maison. »

Ces mots du chef de l'ONU reflètent les conclusions de l'examen le plus détaillé à ce jour des effets actuels du changement climatique et des risques à venir. Le nouveau rapport, préparé par 270 scientifiques de 67 pays sous les auspices du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), est le deuxième d'une évaluation scientifique en trois parties détaillant, respectivement, comment notre climat change, les conséquences et les solutions. C'est la sixième évaluation de ce type depuis 1990.

Légende  Des habitants traversent des champs inondés à la suite du cyclone Enawo dans la capitale malgache Antananarivo, le 9 mars 2017 (AP Photo/Alexander Joe, File)

Le rapport représente une autre sonnette d'alarme tirée comme c’est régulirement le cas depuis que les modèles climatiques informatiques ont été développés pour la première fois dans les années 1970 et 1980. Tout nouveau retard dans l'action mondiale concertée contre le changement climatique, prévient le rapport, signifie que le monde « manquera une fenêtre de tir brève et qui se referme rapidement pour assurer un avenir viable et durable pour tous. »

L'invocation d'un avenir potentiellement « invivable » est étayée par le contenu du rapport, qui précise qu'une crise humanitaire est déjà en train de se dérouler.

« L'augmentation des événements météorologiques et climatiques extrêmes », notent les auteurs, « a exposé des millions de personnes à une insécurité alimentaire aiguë et réduit la sécurité de l'eau ». En Afrique, par exemple, le changement climatique a réduit la productivité agricole de 34 pour cent au cours des six dernières décennies. Des augmentations supplémentaires de la température porteront atteinte à la production alimentaire et à la nutrition, en particulier dans les pays vulnérables, prévient le rapport.

En outre, le changement climatique « entraîne de plus en plus de déplacements dans toutes les régions, les petits États insulaires étant touchés de manière disproportionnée ». Rien qu'en 2019, 13 millions de personnes en Asie et en Afrique sont devenues des réfugiés climatiques en raison d'inondations et d'autres phénomènes météorologiques extrêmes.

Dans toutes les régions du globe, le changement climatique a déjà eu un effet majeur sur la santé, notamment à travers les vagues de chaleur, l'augmentation des maladies à transmission vectorielle, l'exposition accrue à la fumée des incendies de forêt et l'effondrement des systèmes de santé lors de catastrophes climatiques. « Le changement climatique et les événements extrêmes associés augmenteront considérablement les problèmes de santé et les décès prématurés à court et à long terme », selon le rapport.

Au total, on estime que 3,3 à 3,6 milliards de personnes « vivent dans des contextes très vulnérables au changement climatique ». D'ici 2050, dans moins de trois décennies, plus d'un milliard de personnes vivant dans les zones basses des villes côtières feront face à des menaces croissantes d'inondations. D'ici la fin du siècle, entre la moitié et les trois quarts de la population mondiale pourraient connaître des « conditions climatiques potentiellement mortelles » en raison d'une chaleur et d'une humidité insupportables.

Dans ces conditions, la capacité d'adaptation aux extrêmes climatiques atteint ses limites. Néanmoins, des mesures à grande échelle pour améliorer les infrastructures afin de faire face aux vagues de chaleur, à la sécheresse et aux inondations sont nécessaires de toute urgence. Cependant, les projets actuellement en cours, note le rapport, ont été pour la plupart « fragmentés, à petite échelle, par petits pas, spécifiques à un secteur, conçus pour répondre aux impacts actuels ou aux risques à court terme, et axés davantage sur la planification que sur la mise en œuvre. » La mise en œuvre de ces projets est également très inégale, les « plus grands écarts d'adaptation existant parmi les groupes de population à faible revenu. »

Les tentatives des gouvernements capitalistes de remédier à cette inégalité par des promesses d'aide mutuelle et des engagements des banques à investir dans des projets d'adaptation dans les pays en développement se sont avérées tout à fait inadéquates. Les effets dévastateurs des catastrophes climatiques sont ressentis de manière disproportionnée par la classe ouvrière et les pauvres, en particulier par le biais d'événements météorologiques extrêmes plus fréquents et dévastateurs tels que les ouragans, les incendies de forêt et les vortex polaires, pour n'en nommer que quelques-uns.

Le rapport souligne également le lien entre les conséquences sur les systèmes naturels et la société humaine. La destruction des écosystèmes accroît notre vulnérabilité au changement climatique, limitant les possibilités d'adaptation. À l'inverse, la pollution généralisée de l'environnement et la destruction des habitats entraînent une sensibilité accrue au changement climatique pour les écosystèmes restants.

Les conséquences pour la biodiversité sont stupéfiantes. Le rapport note que jusqu'à 14 pour cent de toutes les espèces terrestres et d'eau douce sont menacées d'extinction, même si les températures mondiales sont limitées à une augmentation de 1,5 °C. Dans des scénarios de réchauffement plus élevé, près d'un tiers de ces espèces pourraient disparaître à jamais. « Le changement climatique a causé des dommages substantiels et des pertes de plus en plus irréversibles, dans les écosystèmes terrestres, d'eau douce, côtiers et marins de haute mer. »

Pour limiter ces effets catastrophiques et irréversibles, chaque fraction de degré et chaque année compte. La possibilité de limiter le réchauffement à 1,5 degré existe toujours mais s'éloigne rapidement. Pour y parvenir, une réduction de 45 pour cent des émissions mondiales est nécessaire au cours des huit prochaines années. Cependant, les engagements actuels des gouvernements nationaux réaffirmés à Glasgow l'année dernière, s'ils sont respectés, entraîneront une augmentation des émissions de 14 pour cent sur la même période.

Le contraste entre la trajectoire du capitalisme et ce qui est nécessaire pour assurer un avenir à l'humanité sur terre est saisissant. Le rapport intervient alors que les gouvernements du monde entier abandonnent tout effort pour contenir une pandémie qui a déjà tué des millions de personnes et que les grandes puissances préparent leurs armes nucléaires.

La valeur de l'évaluation du GIEC n'est pas que les dirigeants des gouvernements capitalistes seront d'une manière ou d'une autre poussés à l'action par des preuves indiscutables d'une catastrophe à l'horizon. Chaque rapport détaillant avec plus de certitude les sombres conséquences du changement climatique se heurte à un échec total dans les rituels annuels du sommet sur le climat. La classe dirigeante a prouvé son indifférence à la mort en masse.

Les avertissements contenus dans le rapport soulignent l'urgence pour la classe ouvrière internationale de s'unir dans la lutte pour le socialisme et de réorganiser fondamentalement la société pour répondre aux besoins humains, et non au profit.

(Article paru en anglais le 2 mars 2022)

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