Les forces de l’ordre françaises attaquent les manifestations du 1er mai

Le dimanche 1er mai est tombé cette année une semaine après le second tour des présidentielles et la réélection d’Emmanuel Macron. Macron, le «président des riches» élu par défaut comme en 2017, alors que des millions de personnes votaient pour lui uniquement pour faire barrage à la candidate Marine Le Pen, a envoyé de vastes unités de police menacer et tabasser les manifestants.

C’était un signe clair et net que les promesses creuses de Macron d’utiliser une «méthode refondée» et d’écouter le peuple sont une fraude politique. Il dépense des milliards d’euros pour participer à l’escalade militaire de l’Otan contre la Russie; il sabre les retraites et l’assurance-chômage et veut imposer le travail aux bénéficiaires du RSA et des frais d’inscription massives aux étudiants; et il veut éliminer les mesures anti-Covid. Les travailleurs comprennent que Macron prépare une confrontation sans merci avec la classe ouvrière.

Des policiers anti-émeutes arrêtent un manifestant après des affrontements lors d'une marche de démonstration du 1er mai de la République, Bastille à Nation, à Paris, France, le dimanche 1er mai 2022. [AP Photo/Lewis Joly] [AP Photo/Lewis Joly]

Les manifestants étaient 16.000 à Marseille et des milliers à Lyon, Lille, Strasbourg, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Rennes. De violents accrochages ont opposé les forces de l’ordre aux manifestants notamment à Nantes et à Rennes, où les policiers ont fait usage de multiples grenades de désencerclement. En tout, des centaines de milliers de personnes ont manifesté, le ministère de l’Intérieur évoquant pour sa part le chiffre de 106.000.

A Paris ils étaient des dizaines de milliers, souvent avec des pancartes qui critiquaient Macron et le danger d’extrême-droite. Les policiers ont attaqué les cortèges à plusieurs reprises et ont nassé de nombreux manifestants place de la Nation avant de permettre l’évacuation via le métro. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, sympathisant de l’Action française, d’extrême-droite, a dit que ses forces avaient interpellé 45 personnes.

En réalité, les forces de l’ordre ont violemment attaqué des manifestants. Une vidéo a capturé les flics qui tabassaient une jeune femme sans défense en lui fracassant le crâne, alors qu’une autre femme criait: «Elle ne fait rien!»

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Les reporters du WSWS sont intervenus à Paris pour discuter avec les manifestants de l’appel lancé par le Parti de l’égalité socialiste, section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), à boycotter le second tour Macron-Le Pen, et à mobiliser la classe ouvrière dans un mouvement politique indépendant contre les deux candidats d’extrême-droite.

De nombreux manifestants avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon de la France insoumise (LFI) au premier tour, dans l’espoir d’obtenir une politique plus à gauche. Mélenchon a remporté le vote des jeunes et des quartiers ouvriers des grandes villes au premier tour, mais il n’a lancé aucun appel plus large à ses électeurs de se mobiliser ce 1er mai. Il a reçu 22 pour cent du vote, soit presque 8 millions de voix, mais il cherche des alliances électorales avec le PS, un parti discrédité du patronat, et s’offre en tant que premier ministre à Macron.

Les reporters du WSWS ont parlé à Georges, un électeur de Mélenchon qui a dit que, malgré ses doutes, il espérait toujours que Mélenchon lutterait pour le progrès: «Il peut nous emmener dans le mur, je ne dis rien par rapport à ça. Mais l’écart entre lui et tous les autres partis actuels, avec Macron, est énorme.»

Quand les reporters du WSWS ont fait observer que Mélenchon est un ex-ministre PS étroitement lié aux appareils syndicaux, Georges a dit espérer que les travailleurs pourraient déjouer cet obstacle: «Même (Mélenchon) peut se faire déborder, parce qu’il y a une énorme colère. Il essaie de canaliser ça, mais ça ne va pas forcément marcher. On a d’autres perspectives, il faut un autre changement plus important que ça. De toute façon, l’émancipation des travailleurs viendra d’eux-mêmes.»

Les reporters du WSWS ont aussi parlé à Romain, un jeune qui a dit: « Je n’étais pas d’accord avec toutes les idées de Mélenchon, mais je me suis dit que c’était l’occasion que la gauche soit présente au second tour. J’ai voté Macron au second tour, je ne sais pas si je regrette, mais je n’étais pas satisfait en tout cas.» Romain a dit espérer que Mélenchon serait à gauche «de la politique du PS et de la politique du Parti communiste, qui pour moi ne représente pas les idées communistes qu’il devrait défendre.»

Romain a dit être d’accord en général avec le principe de l’appel du PES au boycott, soulignant les obstacles à une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Il a pointé le rôle des partis que les médias font passer pour la gauche - tels que LFI, le PCF stalinien ou le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pabliste - qui ont refusé leur soutien aux «gilets jaunes» mobilisés contre les inégalités sociales et contre Macron en 2018.

Il a dit: «Pendant le mouvement des gilets jaunes, dès le début, l’appareil médiatique a discrédité le mouvement. Même à gauche, ils n’ont pas pris à bras le corps le mouvement pour des raisons électoralistes. Ils ne savaient pas si cela allait être bien vu. Là ils auraient dû dire qu’ils étaient du côté du mouvement social, du côté des travailleurs, des personnes qui galèrent pour boucler leurs fins de mois.»

Le WSWS a aussi parlé à Christophe, un postier et «gilet jaune» qui venait de quitter le syndicat CGT stalinien. Interrogé sur le second tour entre Macron et Le Pen, Christophe a répondu par une obscénité et a expliqué qu’il avait voté Mélenchon.

Christophe a ajouté qu’il s’inquiète de la guerre Otan-Russie et qu’il méprise les prétentions de l’Otan à défendre l’Ukraine ou la démocratie. Il a dit que les puissances de l’Otan sont «les plus gros brigands au monde. S’ils font quelque chose, c’est pour le fric et pour le pouvoir.»

Mélenchon était au rassemblement parisien et a serré la main du premier secrétaire du PS, Olivier Fautre, alors que LFI et le PS négocient une position commune aux élections législatives en juin. «Nous sommes à quelques millimètres de nous entendre tous», a dit Mélenchon. Il a ajouté que LFI garantissait à tous ses partenaires - PS, PCF, Verts - «qu'ils auraient un groupe à l'Assemblée nationale » distinct de celui de LFI.

Mélenchon fait tout son possible pour garder en vie ces partis en état de mort cérébrale. Les Verts et le PCF étaient à moins de 5 pour cent, et le PS à moins de 2 pour cent aux présidentielles; tous risquent l’anéantissement aux législatives. Mélenchon réagit non pas en mobilisant les travailleurs contre ces partis et pour faire chuter Macron, mais en faisant tout son possible pour que ces partis discrédités continuent à avoir accès au financement garanti aux groupes parlementaires à l’Assemblée.

L’appel du PES à boycotter l’élection Macron-Le Pen visait à préparer les travailleurs aux luttes à venir, en forgeant une opposition irréconciliable aux deux candidats. L’élection de Macron et sa poursuite d’une programme d’extrême-droite donne raison à la position du PES. L’opposition à la politique de guerre impérialiste, d’infection de masse au coronavirus, et d’austérité sociale draconienne de Macron doit s’affranchir des manœuvres électorales de Mélenchon, de ses satellites politiques et du PS, qui au pouvoir a mené les mêmes politiques que Macron.

Les questions décisives pour les travailleurs et les jeunes sont d’abord de construire leurs propres comités d’action, indépendants des appareils syndicaux nationaux, pour s’opposer à Macron et relier leurs luttes à celles qui émergent à travers le monde; et de construire le PES en tant qu’alternative trotskyste aux partis de pseudo-gauche des classes moyennes aisées, tels que LFI.

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