Royaume Uni : les dépenses militaires du gouvernement pour l’Ukraine atteignent près de 3  milliards de livres

Le gouvernement conservateur britannique augmente les dépenses militaires pour la guerre par procuration menée par l’OTAN contre la Russie.

La semaine dernière, le Premier ministre Boris Johnson, s’adressant au parlement ukrainien par vidéoconférence, a promis l’envoi de 300  millions de livres sterling supplémentaires d’équipements militaires. En quelques jours, cette somme a été augmentée d’un milliard de livres pour atteindre 1,3  milliard de livres.

Cette décision fait suite à l’annonce, la semaine précédente, de l’envoi à partir du mois de mai de 8.000  soldats britanniques dans toute l’Europe pour participer à une suite de manœuvres, dans le cadre d’un des plus grands déploiements de troupes depuis la guerre froide.

Des chars chargés sur des plate-formes de camions militaires dans le cadre de l’arrivée de troupes et d’équipements militaires britanniques supplémentaires à la base du Groupement tactique de l’OTAN à Tapa, en Estonie, le vendredi  25  février 2022. (AP Photo/Sergei Stepanov)

Ce nouveau financement porte l’engagement financier du Royaume-Uni à près de 3  milliards de livres sterling. Il vient s’ajouter au soutien déjà existant de 1,5  milliard de livres sterling accordé à Kiev. Ce dernier comprend au moins 200  millions de livres d’équipement militaire, 400  millions de livres d’aide et subventions au gouvernement ukrainien, et le déblocage de plus de 700  millions de livres de prêts supplémentaires de la Banque mondiale par le biais de garanties de prêt.

Annonçant ce financement dans un article du Mail on Sunday, le chancelier Rishi Sunak a déclaré: «Nous sommes inébranlables dans notre soutien au peuple ukrainien – et ce montant supplémentaire de 1,3  milliard de livres sterling nous permettra de continuer à lui fournir le soutien militaire et opérationnel dont il a besoin pour se défendre contre Poutine».

S’exprimant au nom d’une des principales puissances ayant permis l’encerclement de la Russie par l’OTAN pendant 30  ans, qui a provoqué la guerre, il a ajouté cyniquement: «nous travaillons sans relâche pour mettre fin à ce conflit».

Alors que des millions de gens sont jetés dans la pauvreté après plus d’une décennie d’austérité et une crise des prix alimentée par la pandémie et la guerre en Ukraine, Sunak s’est montré implacable. La priorité était au militarisme et à la défaite de la Russie. Sunak s’est vanté que «ce nouveau financement signifie que l’ampleur de notre soutien à nos amis ukrainiens est désormais la deuxième après les États-Unis. Cela signifie également que le taux de nos dépenses pour un conflit militaire est maintenant aussi élevé qu’il l’était en 2009. Cet époque était au plus fort de l’Irak et de l’Afghanistan, lorsque nous avions 43.000  soldats activement déployés au combat».

Plus d’un million de personnes ont été tuées dans ces guerres, dont des centaines de soldats britanniques. Selon le ministère de la Défense en 2015, ces aventures illégales avaient coûté plus de 21  milliards de livres sterling. Leur coût a été payé par d’écrasantes mesures d’austérité, les coupes dans les budgets de la Santé et de l’Éducation et le dépeçage des services publics.

Le Premier ministre Boris Johnson (à gauche) écoute le Chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak. Ce dernier informe le gouvernement à la réunion hebdomadaire du Cabinet avant de prononcer sa déclaration de printemps à la Chambre des communes. 23/03/2022. (Photo : Andrew Parsons/No 10 Downing Street/Flickr)

Les entreprises d’armement britanniques se lèchent les babines en prévision des profits de guerre. «Ce financement contribuera également à donner un coup de fouet à l’industrie de pointe de la défense au Royaume-Uni, en créant des emplois de qualité dans tout le pays», a annoncé Sunak. «Le Premier ministre et le secrétaire à la Défense accueilleront ce mois-ci une réunion des fabricants d’armes. Ils vont discuter de l’accélération de la production en réponse à la demande accrue créée par le conflit» a-t-il poursuivi.

La vaste augmentation des dépenses de guerre fait suite au lobbying concerté de la part de parlementaires.

Cette semaine, le Times a révélé que le secrétaire à la Défense Ben Wallace avait exigé que Sunak augmente le budget militaire dans sa «déclaration de printemps». Selon ce journal, «Wallace a dit à Sunak au début de l’année que l’inflation et les dépenses liées à l’envoi d’armes en Ukraine signifiaient que la Grande-Bretagne risquait de ne pas respecter ses engagements en matière de dépenses pour l’OTAN d’ici 2025, selon une lettre fuitée. Sunak n’a pas traité la lettre de Wallace comme une demande formelle d’augmenter les dépenses de défense».

Cela a incité Tobias Ellwood, président de la Commission parlementaire de la Défense et l’un des principaux critiques conservateurs droitiers de Johnson, à intervenir dans les pages du journal. Vendredi dernier, quelques jours après l’annonce par Johnson de 300  millions de livres supplémentaires pour l’Ukraine – et avant l’annonce par Sunak du milliard de livres supplémentaires, Ellwood avait déclaré au Times: «Il ne devrait pas être nécessaire d’avoir un mémo du ministère de la Défense pour comprendre à quel point la sécurité européenne se détériore… Les vastes coupes effectuées dans le nombre de nos troupes – comme dans nos chars, véhicules de combat, navires et avions – doivent être inversées, si nous voulons jouer un rôle sérieux dans le renforcement du flanc oriental de l’OTAN».

Ellwood, ainsi que Wallace et d’autres hauts responsables conservateurs étroitement liés aux hauts gradés de l’armée, ont demandé à Johnson de porter les dépenses de défense à 3  pour cent du PIB, contre 2  pour cent actuellement.

Les interventions de Wallace et d’Elwood sont une revendication à peine déguisée du poste de Johnson, au cas où il serait contraint de se retirer avant la conférence du parti conservateur en octobre. Une autre candidate à la direction, la ministre des affaires étrangères Liz Truss, a déclaré que l’objectif de 2  pour cent devait être «un plancher, pas un plafond».

Des inquiétudes partagées par l’élite dirigeante. En mars, des journalistes du Financial Timesse sont demandé: «Le Royaume-Uni doit-il modifier sa stratégie de défense après la guerre en Ukraine»? Ils ont noté que «l’armée va perdre plus tôt que prévu l’ensemble de son parc de plus de 700  véhicules de combat d’infanterie Warrior et un tiers de ses chars de combat principaux Challenger  II. Sur le plan opérationnel, les forces terrestres britanniques sont désormais les plus réduites depuis le XVIIIe  siècle, avec seulement 72.500  soldats réguliers».

Selon le Times, «Johnson aurait parlé à plusieurs reprises à Wallace de la lettre et fait valoir que ce n’était pas le bon moment pour augmenter les dépenses de défense. Il a souligné que le ministère de la Défense avait reçu une aide importante lors de la révision des dépenses cinq mois plus tôt».

Sunak avait déjà accordé 24  milliards de livres sur quatre ans en dépenses militaires supplémentaires, la plus forte augmentation par un gouvernement depuis la fin de la Guerre froide. Johnson s’est également engagé à construire quatre nouveaux sous-marins à capacité nucléaire, pour un coût de 31  milliards de livres.

Lorsque Sunak a annoncé une déclaration de printemps sans nouvelles dépenses militaires, c’était au milieu de spéculations qu’il y avait jusqu’à 10  milliards de livres de réserves de dépenses qu’on destinait à l’armée. Le WSWS avait noté: «Les médias bourgeois et les hauts responsables des forces armées à la retraite exigeant une force militaire rapidement élargie, la seule conclusion qu’on puisse tirer est que le Parti conservateur se prépare à une augmentation sismique dans un avenir immédiat de l’argent dépensé pour les préparatifs de guerre avec la Russie en Europe». Cette évaluation a été confirmée.

Ceux qui, dans les milieux gouvernementaux, insistent pour donner la priorité au militarisme et à la guerre trouvent leurs principaux alliés au Parti travailliste. Se présentant comme le «Parti de l’OTAN», les députés de Sir Keir Starmer s’allient au Parti conservateur pour former un seul et même Parti de la guerre. La semaine dernière, le secrétaire d’État ‘fantôme’ à la Défense du Parti travailliste John Healey, interviewé par le site web iNews, a dit: «[le député travailliste] David Lammy et moi-même nous sommes rendus à Kiev, avant l’invasion russe. Nous avons été en mesure de dire qu’il y avait au Royaume-Uni un soutien et une solidarité unie face à l’intensification de l’agression russe».

John Healey, secrétaire ‘fantôme’ à la Défense du Parti travailliste, déclare au groupe de réflexion RUSI en mars dernier: «Le soutien du Labour à la dissuasion nucléaire n’est pas négociable. La question est réglée. De Kinnock à Corbyn – en passant par Blair, Brown et Miliband – cela a été, et restera, la politique du Parti travailliste». (Crédit : John Healey-Facebook) [Photo: John Healey-Facebook]

iNews écrit: «Healey appelle à une réécriture rapide de la politique de défense et de la politique étrangère [du gouvernement], connues collectivement sous le nom de Revue intégrée (RI) qui vient d’être publiée l’année dernière». La RI était maintenant un obstacle à une défaite de la Russie, a déclaré Healey. «Elle était censée être axée sur la menace, mais elle ne mentionnait ni la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan ni la menace russe en Ukraine. Elle a largement négligé l’Europe. Et elle s’est laissé emporter, Boris Johnson ayant proclamé cette tendance jusque dans l’Inde-Pacifique».

«C’est bien d’envoyer un nouveau porte-avions pour une tournée d’année sabbatique dans le Pacifique. Mais son vrai travail doit être dans l’Atlantique et en Méditerranée. Il est marginal par rapport à l’équilibre des forces dans l’Indo-Pacifique, mais dans l’Atlantique, dans l’Arctique, pour ce qui est de la sécurité de l’Europe du Nord, il est essentiel», a déclaré Healey.

Healey a vanté le gouvernement travailliste de Tony Blair: «Nous avons réalisé la plus forte augmentation soutenue des dépenses de défense depuis deux décennies, après les Twin Towers [les attentats du 11 septembre]. [L’invasion de l’Ukraine] exige ce type de réaction de la part du gouvernement. S’il est prêt à le faire, il aura notre soutien».

iNews commente: «Le Parti travailliste signe également au gouvernement l’équivalent d’un chèque en blanc pour un soutien politique à de nouvelles dépenses de défense si l’examen qu’il souhaite voir achevé d’ici juillet en indique la nécessité».

(Article paru d’abord en anglais le 9 mai 2022)

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