Les États-Unis accordent 40  milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, une escalade majeure de la guerre par procuration de l’OTAN avec la Russie

Mardi soir, la Chambre des représentants a approuvé par 357  voix contre 48 une aide militaire record de 39,8  milliards de dollars à l’Ukraine, quelques heures seulement après que le texte du projet de loi eut été rendu public. On s’attend à ce que le Sénat approuve lui aussi ce projet de loi et qu’il soit présenté au président Joe Biden pour ratification au cours de la semaine.

Ce projet de loi représente une escalade extraordinaire de la guerre par procuration que l’OTAN mène contre la Russie en Ukraine.

Cette loi va même au-delà des 33  milliards de dollars requis par le gouvernement Biden. Le montant représente 5  pour cent du budget militaire total des États-Unis, qui s’élève à 782  milliards de dollars. Ces presque 40  milliards viennent s’ajouter aux 13,67  milliards de dollars approuvés par le Congrès au début de la guerre, et portent l’aide totale à l’Ukraine à plus de 53  milliards de dollars en juste deux mois. C’est plus d’aide qu’aucun pays n’a reçu des États-Unis depuis au moins deux décennies.

La quasi-totalité de cet argent sert directement à financer la guerre menée contre la Russie. Selon le magazine Politico, sur les 39,8  milliards, 11  milliards seraient consacrés à des transferts d’armes et d’équipements des stocks militaires américains directement à l’Ukraine; 8,7  milliards serviraient à reconstituer les stocks d’armes envoyés sur le front (contre 3,3  milliards que la Maison-Blanche avait requis); 6  milliards iraient à l’Initiative d’assistance à la sécurité en Ukraine, qui permet au gouvernement d’acheter des armes à des contractants pour les envoyer ensuite à l’armée ukrainienne; et 3,9  milliards serviraient à financer l’extension des déploiements de troupes et des autres opérations militaires de l’OTAN en Europe. Seuls 900  millions de dollars sont prévus pour les 5,9  millions de réfugiés ukrainiens.

Ces sommes faramineuses ont été adoptées par les deux partis alors qu’une misérable somme de 10  milliards de dollars pour l’aide aux victimes de la COVID-19 a été abandonnée sans cérémonie par les démocrates, alors même que le gouvernement Biden attend la contamination de 100  millions en autome et en hiver prochains.

Après le million de morts dû à la COVID-19 aux États-Unis, la classe dirigeante ne fait même plus semblant de vouloir sauver des vies. Elle tente au contraire, de facon désespérée et irresponsable, de détourner les immenses tensions de classe vers l’extérieur. Elle pousse à l’escalade de la guerre de par procuration de l’OTAN en Ukraine, jusqu’à un conflit toujours plus direct et ouvert avec la puissance nucléaire qu’est la Russie.

La prétendue aile «gauche» du Parti démocrate s’aligne complètement sur cette campagne de guerre et conspire pour tenter d’étouffer toute discussion publique sur ses implications. Exprimant son soutien à la pression exercée par Nancy Pelosi et Chuck Schumer pour faire passer le paquet d’aide militaire au Congrès au plus vite, le sénateur Bernie Sanders – prétendument «de gauche» – a déclaré: «Nous devrions toujours avoir un débat, mais le problème est que l’Ukraine est actuellement au milieu d’une guerre très intense. Je pense que chaque jour compte, et je pense que nous devons répondre aussi fortement et vigoureusement que nous le pouvons».

Les implications de ce nouveau paquet «d’aide» sont immenses. L’historien réputé de l’Allemagne nazie, Adam Tooze – qui soutient ouvertement l’OTAN dans le conflit – a averti dans un commentaire pour le Guardianque cette aide, si elle est approuvée, «signifiera que nous ne finançons rien moins qu’une guerre totale». Il a écrit cela à propos de la somme moins importante de 33  milliards initialement proposée par la Maison-Blanche.

Le paquet d’aide à l’Ukraine a été adopté dans le cadre de la réactivation par le gouvernement Biden de la loi ‘Prêt-bail’ [Lend-Lease] introduite par les États-Unis en mars 1941, permettant un soutien militaire direct à leurs alliés contre l’Allemagne nazie et le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Invoquant le spectre d’une troisième guerre mondiale dans The Guardian, Tooze nota que la loi de mars 1941 marquait le moment où les États-Unis «abandonné leur neutralité» dans la guerre, où ils n’étaient entrés officiellement qu’en décembre 1941.

Dans un geste que l’on ne peut que qualifier de sinistre, Biden a choisi le lundi 9  mai, date anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui a coûté 60  millions de vies, pour signer la loi Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act de 2022. Les États-Unis peuvent désormais facilement prêter et louer des armes directement à l’Ukraine ou aux pays d’Europe de l’Est pour la guerre.

Tout est fait pour chloroformer l’opinion publique quant aux énormes dangers liés à cette escalade délibérée du conflit de l’OTAN avec la Russie.

Alors que des informations indiquent que la Russie a effectivement pris le contrôle de grandes parties de l’est de l’Ukraine, la Directrice du renseignement national Avril Haines a déclaré mardi à la Commission des forces armées du Sénat, «nous ne sommes pas convaincus que le combat dans le Donbas mettra effectivement fin à la guerre».

Haines a affirmé, «notre avis [est] qu’il n’y a pas de potentiel imminent pour que Poutine utilise des armes nucléaires», ceci parce que Poutine se servirait d’armes nucléaires s’il percevait une menace existentielle pour son régime ou pour la Russie et s’il croyait que l’OTAN «intervenait ou était sur le point d’intervenir dans ce contexte».

Mais c’est précisément ce que l’OTAN et surtout les États-Unis ont signalé à chaque étape du conflit, cherchant en permanence à provoquer la Russie pour qu’elle intensifie la guerre. À lui seul, le gouvernement Biden a déjà acheminé en Ukraine des milliards de dollars d’armes, de chars, de missiles antichars, de munitions et d’autres armes, influençant directement le cours d’une guerre qui a coûté la vie à des milliers de civils ukrainiens et de soldats russes. D’autres membres de l’OTAN, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et la Pologne, ont également fourni des milliards de dollars d’armes, de chars et d’autres aides militaires.

Dans la toute dernière provocation, on a divulgué des information qui confirment que les États-Unis avaient fourni des renseignements pour aider Kiev à assassiner des généraux russes et à couler le Moskva, le navire amiral de la flotte russe en mer Noire. Les États-Unis affirment maintenant que pas moins de 10  généraux russes auraient été tués dans cette guerre, un chiffre stupéfiant pour un conflit à peine vieux de trois mois.

Encouragé par les puissances impérialistes et travaillant de concert avec les milices néonazies armées par l’OTAN, le gouvernement ukrainien de Volodymyr Zelensky fait également tout ce qu’il peut pour intensifier la guerre. S’adressant au Financial Times mardi, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a annoncé que vu que l’Occident continuait d’acheminer des armes à l’Ukraine, Kiev se préparait désormais à reprendre la Crimée, annexée par la Russie en mars 2014, et le Donbass. «Bien sûr, la victoire pour nous dans cette guerre sera la libération du reste de nos territoires», a-t-il déclaré.

En fait, en mars 2021, le gouvernement ukrainien avait déjà approuvé une nouvelle stratégie militaire visant explicitement à «récupérer» la Crimée et le Donbass, ce qui revenait à l’époque à une annonce que l’Ukraine préparait la guerre. Cette stratégie, soutenue par le gouvernement Biden, était l’une des nombreuses provocations qui ont poussé le Kremlin à son invasion, une tentative désespérée de prévenir une action militaire potentiellement dévastatrice d’une Ukraine soutenue par l’impérialisme, et pour forcer les puissances impérialistes à la table des négociations.

Après trois mois de guerre, il est clair que cette décision était non seulement criminelle mais encore un mauvais calcul désastreux de la part du régime de Poutine. Loin de se montrer disposées au compromis, les puissances impérialistes font au contraire leur possible pour étendre la guerre et saigner l’armée russe à blanc, tout en collaborant avec une partie de l’oligarchie russe pour un changement de régime à Moscou.

Le régime de Poutine – issu de la destruction de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne et du pillage des biens de l’État par l’oligarchie – ne peut répondre à la pression croissante de l’impérialisme qu’en attisant le nationalisme russe et en menaçant de déployer ses armes nucléaires.

La lutte contre la guerre dépend maintenant entièrement du développement d’un mouvement socialiste anti-guerre dans la classe ouvrière internationale. Un tel mouvement doit lier la lutte contre la guerre à une lutte contre la pandémie et l’inégalité sociale, et contre leur cause profonde : le système capitaliste.

(Article paru d’abord en anglais le 11 mai 2022)

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