Le procureur général du Sri Lanka ordonne l’arrestation de responsables des violences collectives contre les manifestants anti-gouvernement

Sur ordre du procureur général Sanjay Rajaratnam, la police sri-lankaise a commencé l’arrestation d’une vingtaine de dirigeants de la horde qui a violemment attaqué des manifestants anti-gouvernementaux le 9  mai.

Parmi les 22  personnes arretées figurent d’anciens ministres, des députés et des dirigeants locaux du Sri Lanka Podujana Peramuna (SLPP) du président Gotabhaya Rajapakse. Le procureur général a également ordonné l’arrestation de l’inspecteur général adjoint de la police chargé de la région de Colombo, Dehabandu Tennakoon, en rapport avec l’attaque.

Les militants anti-gouvernementaux occupent depuis plus d’un mois le Galle Face Green, dans le centre de Colombo. Ils exigent la démission du président et de son gouvernement et la fin des difficultés intolérables causées par la flambée des prix et les pénuries chroniques de produits de première nécessité. Certains militants avaient également commencé à manifester devant la résidence officielle du Premier ministre, Mahinda Rajapakse.

On avait acheminé de diverses régions du pays par bus plus d’un millier de nervis du SLPP jusqu’à la résidence officielle du Premier ministre où on les a excité jusqu’à la frénésie. Ils ont d’abord attaqué des manifestants non armés à l’extérieur de la résidence, puis s’en sont pris aux manifestants de Galle Face Green, un peu plus loin. Là, ils ont détruit des abris temporaires et tabassé les manifestants, blessant plus de cent personnes.

Un nervis d’extrême droite attaque une hutte des manifestants à Galle Face Green [Photo : Facebook].

La police n’a pas bougé et a laissé la horde libre de se déchaîner sur Galle Face Green. Plus tard, elle a dispersé les assaillants avec du gaz lacrymogène et un canon à eau. Aucun des agresseurs n’a été arrêté.

En réponse, des milliers de travailleurs et d’autres personnes ont afflué sur Galle Face Green pour s’opposer à l’attaque et demander l’arrestation immédiate des responsables. Des travailleurs de la santé, de la poste et des ports se sont immédiatement mis en grève et de nombreuses autres catégories de travailleurs ont rejoint une grève générale le lendemain.

L’indignation publique générale n’a cessé de croître au cours de la semaine écoulée face à l’absence d’arrestations et de poursuites des responsables de cette attaque flagrante contre les manifestations anti-gouvernementales.

Après avoir traîné des pieds, le procureur général a finalement demandé à l’inspecteur général de la police et au département des enquêtes criminelles (CID) d’arrêter les 22  personnes en question et de les conduire devant les tribunaux.

Outre l’inspecteur général adjoint Tennakoon, l’ancien ministre Johnston Fernando, le ministre d’État, Sanath Nishantha, les députés Sanjeewa Edirimanne et Milan Jayatilake, et le maire de Moratuwa Samanlal Fernando figurent parmi les autres personnes à arrêter.

Le quotidien Lankadeepaa indiqué qu’il avait demandé si on allait prendre des mesures à l’encontre du Premier ministre Mahinda Rajapakse, qui a démissionné en réponse au tollé provoqué par l’attaque. Il avait été largement critiqué pour avoir incité les assaillants.

Les journalistes de Reuters à Colombo ont rapporté qu’ils avaient vu des personnes entrer dans le meeting à la résidence du Premier ministre en scandant: «Le pouvoir de qui? Le pouvoir de Mahinda!»

Selon Reuters, une vidéo montrait Mahinda Rajapakse demandant de manière rhétorique s’il devait démissionner. On lui répondit que «non». «Cela signifie», a-t-il dit, «que je n’ai pas besoin de démissionner… J’ai toujours été du côté du pays… Je suis prêt à faire n’importe quel sacrifice pour le bien du peuple».

Mahinda Rajapaksa, ancien Premier ministre du Sri Lanka [Crédit : Wikimedia Commons]

Dans la vidéo, l’ancien ministre Johnston Fernando déclare à l’assemblée: «Préparez-vous… Commençons le combat. Si le président ne peut pas… il doit nous passer la main. Nous allons nettoyer Galle Face».

Tout ce que le département du procureur général a dit à Lankadeepa,cependant, c’est que l’enquête était en cours.

Jusqu’à présent, la police a arrêté Sanath Nishantha et Malith Jayatilake, on les a présentés au tribunal hier et placés en détention provisoire jusqu’au 25  mai. On a arrêté quatre autres personnes figurant sur la liste.

On a laissé libre de ses mouvements Johnston Fernando, une personnalité très en vue du SLPP. Il a même assisté aux séances du Parlement cette semaine. Le CID a interrogé l’inspecteur général adjoint Tennakoon pendant huit heures, mais ne l’a pas arrêté malgré l’ordre du procureur général.

La police et les autorités sri-lankaises sont connues pour étouffer les affaires concernant des hommes politiques et d’autres personnalités très en vue. S’ils ne parviennent pas à dissimuler leurs crimes, ils trouvent des boucs émissaires pour que les vrais coupables ne soient pas inquiétés.

L’attaque contre les manifestants anti-gouvernementaux était une provocation délibérée visant à créer les conditions d’une répression généralisée de l’État contre le mouvement de protestation de masse.

Elle est intervenue immédiatement après une deuxième grève générale et un hartal, le 6  mai, auxquels ont participé des millions de travailleurs et de petites entreprises de toute l’île, et qui ont entraîné l’arrêt de l’économie. La précédente grève générale d’une journée, le 28  avril, avait elle aussi été largement soutenue

La classe ouvrière est entrée en lutte non seulement contre le gouvernement, mais contre l’ensemble de l’establishment politique, y compris les partis d’opposition et les syndicats qui avaient appelé à la grève. Dans la nuit du 6  mai, le président a proclamé l’état d’urgence, renforçant ses pouvoirs déjà très étendus, dont celui de mobiliser l’armée.

À la suite de l’attaque du 9  mai à Galle Face Green, le président a saisi le prétexte de représailles violentes au domicile de ministres et de députés. Il a mobilisé l’armée et la police dans toute l’île et imposé un couvre-feu de 24  heures dans tout le pays. Les soldats ont reçu l’ordre d’appliquer strictement la loi et de tirer à vue sur les émeutiers et les pillards. Des postes de contrôle militaires ont été montés dans tout le pays.

Comme a prévenu le Parti de l’égalité socialiste (PES), les attaques violentes contre des personnalités du gouvernement et l’incendie de leurs maisons ne feraient que faire le jeu de la réaction et de l’appareil d’État.

Les actions en justice contre les nervis du SLPP et leurs dirigeants traînent en longueur, mais la police a rapidement arrêté de nombreuses personnes impliquées dans les manifestations de représailles. Jusqu’à présent, 900  personnes ont été arrêtées sur la base d’images de vidéosurveillance et de plaintes officielles.

La démission de Mahinda Rajapakse du poste de Premier ministre a plongé le pays encore plus dans la crise politique. La classe dirigeante cherche désespérément un financement d’urgence auprès du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres sources afin de pouvoir payer les importations essentielles de nourriture, de carburant et de médicaments. Tout sauvetage financier s’accompagnera inévitablement de mesures d’austérité sévères qui ne feront qu’aggraver la crise sociale à laquelle les travailleurs sont confrontés.

Dans un geste désespéré la semaine dernière, le président Rajapakse a nommé Ranil Wickremesinghe, leader du parti de droite United National Party (UNP), au poste de Premier ministre. Celui-ci est connu pour appliquer impitoyablement les diktats du capital financier international et pour servir les intérêts géopolitiques de Washington. Pendant des mois, il a reproché au gouvernement de ne pas avoir engagé plus tôt des discussions avec le FMI.

Dans un discours à la nation le 16  mai, Wickremesinghe a prévenu que les prochains mois seraient les plus durs que quiconque ait jamais affronté. Il a exposé l’ampleur de la crise financière du pays dans le but de forcer la population à accepter ces difficultés comme inévitables.

L’UNP est largement discrédité et Wickremesinghe, ancien premier ministre, est son seul parlementaire. Mais les partis d’opposition, dont le Samagi Jana Balawegaya, l’Alliance nationale tamoule et un groupe «indépendant» ayant récemment rompu avec la coalition au pouvoir de Rajapakse, ont tous déclaré qu’ils soutiendraient le «travail de développement» de Wickremesinghe.

Les syndicats sont également rentrés dans le rang. Après avoir promis d’appeler à une grève générale illimitée si le président et le gouvernement ne démissionnaient pas, ils ont abandonné leurs posture bidon pour se contenter de protestations symboliques. Dès le départ, leur objectif était de détourner la colère et l’opposition croissantes de la classe ouvrière et de l’étouffer.

Le PES a expliqué de nombreuses fois qu’il n’y avait pas de solution à la crise sociale à laquelle font face les travailleurs dans le cadre du système de profit ou des frontières nationales du Sri Lanka. La tourmente qui secoue le Sri Lanka est une manifestation particulièrement aiguë de la crise mondiale du capitalisme.

Le gouvernement dirigé par le président Rajapakse et le Premier ministre Wickremesinghe imposera implacablement aux travailleurs les diktats du FMI et n’hésitera pas à recourir à des mesures d’état policier contre toute opposition.

L’état d’urgence est toujours en vigueur. Un couvre-feu nocturne est toujours en vigueur. Des troupes armées ont été déployées dans tout le pays, y compris près des zones de libre-échange. La répression des réseaux sociaux a été intensifiée.

Le PES exhorte la classe ouvrière à prendre les choses en mains pour défendre les droits sociaux et démocratiques en formant des comités d’action sur les lieux de travail, dans les usines, les plantations et les quartiers. Le PES a également défini la politique pour laquelle ces comités peuvent lutter afin de répondre aux besoins urgents auxquels les travailleurs sont confrontés.

En construisant de telles organisations de combat, la classe ouvrière peut rallier derrière elle les pauvres et les opprimés. En outre, elle peut jeter les bases d’une lutte politique pour un gouvernement ouvrier et paysan et pour l’application d’une politique socialiste. Une telle lutte nécessite de se tourner vers les travailleurs confrontés à des attaques similaires dans le monde, notamment en Inde et en Asie du Sud, et de combattre avec eux pour un avenir socialiste.

(Article paru d’abord en anglais le 19 mai 2022)

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