L’Organisation mondiale de la santé doit se réunir d’urgence pour examiner la propagation mondiale des infections par le virus de la variole du singe

Un comité du Groupe consultatif stratégique et technique sur les risques infectieux à potentiel pandémique et épidémique (STAG-IH) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) devait se réunir vendredi pour examiner l’explosion soudaine des cas de la variole du singe dans le monde.

Plus de 130 cas de la variole du singe connus (80) ou suspectés (50) sont en cours d’investigation dans 12 pays non africains: Belgique, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suède et Royaume-Uni, ainsi que le Canada, l’Australie et les États-Unis.

Cette image prise au microscope électronique en 2003 et mise à disposition par les Centres for Disease Control and Prevention (CDC) montre des virions matures de la variole du singe, de forme ovale, à gauche, et des virions immatures sphériques, à droite, obtenus à partir d’un échantillon de peau humaine associé à l’épidémie chez des chiens de prairie de 2003 [Photo AP/Cynthia S. Goldsmith, Russell Regner/CDC] [AP Photo/Cynthia S. Goldsmith, Russell Regner/CDC]

Un seul de ces cas confirmés a été lié à un voyage en provenance du Nigeria, un pays connu pour avoir une variole du singe endémique. L’homme, qui a développé une éruption cutanée le 29 avril, s’est rendu au Royaume-Uni le 4 mai et a informé les autorités de ses symptômes. Il a été isolé immédiatement, et des échantillons de peau ont été envoyés pour un test PCR au parc scientifique de Porton Down, qui a confirmé l’infection le 7 mai.

Ce qui inquiète les responsables de la santé publique est que les cas sont géographiquement dispersés en Europe, dans l’Atlantique et jusqu’en Océanie. Ils soupçonnent que la maladie s’est propagée sans se faire détecter pendant un certain temps. Ces développements ne devraient pas être surprenants, puisque toutes les restrictions sociales contre la COVID ont été levées et que les vols internationaux ont commencé à transporter des centaines de millions de passagers cette année. Pendant ce temps, les efforts de santé publique ont été décimés par deux années de vagues ininterrompues d’infections.

Le directeur régional de l’OMS pour l’Europe, le Dr Hans Kluge, a fait remarquer que «la variole du singe est généralement une maladie autolimitée, et la plupart des personnes infectées se rétablissent en quelques semaines sans traitement. Cependant, la maladie peut être plus grave, notamment chez les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées». Il reste à savoir si une infection antérieure au SRAS-CoV-2 prédispose les personnes aux complications de la variole du singe.

Le séquençage génomique de la souche actuelle de la variole du singe suggère qu’il s’agit du clade (famille génomique) d’Afrique de l’Ouest, moins grave, dont le taux de létalité est inférieur à un pour cent, ou de la version bénigne. Le clade du bassin du Congo a un taux de létalité de 10 pour cent. Dans un article publié vendredi dans Nature, on peut lire: «On ne sait pas exactement dans quelle mesure la souche à l’origine des épidémies actuelles diffère de celle de l’Afrique de l’Ouest, ni si les virus qui apparaissent dans les différents pays sont liés entre eux».

La Dre Raina MacIntyre est épidémiologiste des maladies infectieuses et spécialiste de la variole du singe à l’université de Nouvelle-Galles-du-Sud en Australie. Elle a déclaré que les réponses à ces questions sont essentielles pour déterminer si cette augmentation soudaine des cas serait le résultat d’une mutation qui permet au virus de la variole du singe de transiter plus efficacement que les versions ancestrales. Elles permettraient également de déterminer si les épidémies peuvent être rattachées à une origine unique.

La directrice adjointe de la division des pathogènes à haut risque et de la pathologie des CDC, Jennifer McQuiston, a déclaré en début de semaine à propos de l’épidémie de variole du singe: «Nous assistons à une augmentation du nombre de cas confirmés et suspects dans le monde, nous avons l’impression que personne n’est en mesure de déterminer l’ampleur et la portée de cette épidémie. Et, étant donné le nombre de voyages entre les États-Unis et l’Europe, je suis certaine que nous allons voir des cas aux États-Unis».

Actuellement, six personnes qui étaient des contacts proches de l’homme qui a pris l’avion pour le Royaume-Uni depuis le Nigeria sont suivies. Un autre homme du Massachusetts atteint de la variole du singe avait été au Québec, où plusieurs cas ont été confirmés. Un autre homme actuellement à l’hôpital Bellevue fait l’objet d’une enquête sur l’infection, selon le département de la santé de la ville de New York.

Ces cas disparates impliquent une propagation non détectée. Habituellement, la maladie se manifeste par des lésions qui commencent sur le visage et se propagent aux autres parties du corps, formant des cloques qui éclatent, puis cicatrisent, conduisant aux lésions cutanées pathognomoniques (spécifiques à la maladie). La conséquence ici est que la variole du singe ne passe pas inaperçue pour la personne infectée ou les autres. Si le virus de la variole du singe se propage de manière asymptomatique, cela aurait des conséquences importantes pour la santé publique.

Les autorités sanitaires sont également perplexes quant au fait que la plupart des cas concernent des hommes jeunes et d’âge moyen, dont beaucoup sont gais ou bisexuels et ont des rapports sexuels avec des hommes (GBMSM). MacIntyre a déclaré à Naturequ’elle soupçonne «que le virus a été introduit par coïncidence dans une communauté de GBMSM et qu’il a continué à y circuler.» De tels reportages conduiront certainement à stigmatiser une fois de plus cette communauté, comme pour le VIH (sida).

Cependant, le Dr Kluge a prévenu: «Alors que nous entrons dans la saison estivale dans la région européenne, avec des rassemblements de masse, des festivals et des fêtes, je crains que la transmission ne s’accélère, car les cas actuellement détectés concernent des personnes ayant une activité sexuelle, et les symptômes ne sont pas familiers pour beaucoup».

Les vaccins contre la variole offrent une protection de 85 pour cent contre la variole du singe, car le virus de la variole est très similaire. Cependant, la vaccination contre la variole a pris fin en 1980 lorsque la maladie a été éradiquée. Cela signifie que les personnes de moins de 45 ans ne sont pas vaccinées et sont donc totalement sensibles au virus de la variole du singe. Cela inclut bien sûr tous les enfants, qui ne sont pas moins gravement infectés, comme ils l’ont été jusqu’à présent avec le virus SRAS-CoV-2. De plus, des décennies d’affaiblissement de l’immunité contre la variole ont probablement rendu les personnes âgées à nouveau vulnérables.

Les autorités de santé publique tentent de rassurer le public en lui disant que des stocks suffisants de vaccins antivarioliques, y compris des traitements antiviraux contre le virus de la variole du singe, sont disponibles. Mais au lieu d’utiliser ces vaccins dans le cadre de campagnes de vaccination de masse, les professionnels de la santé utiliseraient une méthode appelée «vaccination en anneau», où les contacts étroits des patients infectés recevraient ces traitements. Toutefois, cela implique qu’un programme de recherche des contacts serait nécessaire pour détailler chaque chaîne de transmission.

Les pays commencent à conclure des contrats avec le fabricant du vaccin antivariolique, la société danoise Bavarian Nordic. Mercredi, la société a déclaré que BARDA (l’autorité de recherche et de développement biomédicaux avancés du ministère américain de la Santé et des Services sociaux pour le stock national stratégique) avait exercé une option de 119 millions de dollars pour fabriquer les doses lyophilisées de Jynneos (vaccin anti-variole et anti-variole du singe vivant, sans réplication) en 2023 et 2024 afin de remplacer le stock actuel de vaccin en vrac, selon Fierce Pharma.

Ils ont dit aussi: «L’entreprise américaine Emergent BioSolutions dispose également d’un vaccin antivariolique approuvé par la FDA, ACAM2000, qui n’est pas disponible dans l’UE. Emergent a obtenu un prix pouvant atteindre 2 milliards de dollars pour fournir l’ACAM2000 au Strategic National Stockpile sur une période de 10 ans».

(Article paru en anglais le 21 mai 2022)

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