Vote écrasant des cheminots britanniques pour la grève

Les cheminots de 15 compagnies ferroviaires et de l’infrastructure de Network Rail ont voté en faveur d’une grève industrielle pour défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs conditions.

Environ 40.000 membres du syndicat Rail, Maritime et Transport (RMT) ont voté, 89 pour cent d’entre eux votant pour la grève, avec un taux de participation de 71 pour cent. Les gardes, le personnel des quais et des billetteries, les agents d’entretien des voies et les équipes de signalisation figuraient parmi les personnes qui devaient voter.

Les travailleurs du rail sont confrontés à un assaut historique sur les emplois, les conditions de travail et les salaires, avec des réductions de 2,5 milliards de livres sterling. 2.500 emplois ont déjà été supprimés par le biais d’un plan de départs «volontaires», et des milliers d’autres sont voués à la destruction alors que le gouvernement Johnson poursuit ses plans pour la «Great British Railways».

Malgré un vote de grève sans ambiguïté de la part des cheminots – le plus important depuis la privatisation des chemins de fer en 1994 – le RMT a une fois de plus remis l’initiative politique au gouvernement, en appelant à des négociations.

Dans un communiqué publié mardi soir, le RMT a annoncé: «Le syndicat va maintenant exiger des pourparlers urgents avec Network Rail et les 15 sociétés d’exploitation ferroviaire qui ont été mises au vote afin de trouver une solution négociée au conflit sur les salaires, les emplois et la sécurité».

Mick Lynch (WSWS Media)

Mick Lynch, secrétaire général du RMT, a déclaré: «Nous espérons sincèrement que les ministres encourageront les employeurs à retourner à la table des négociations et à élaborer un accord raisonnable avec le RMT». Chargé de fixer des dates de grève, le Comité exécutif national (NEC) du RMT a reporté toute décision sur la grève limitée à sa prochaine réunion, le 31 mai.

Le RMT utilise le vote de grève comme monnaie d’échange, dans le but de faire pression sur le gouvernement et les employeurs pour qu’ils reprennent leur collaboration avec les syndicats ferroviaires. Le NEC a annoncé: «Nous notons qu’avant le vote, des réunions régulières ont eu lieu au niveau de l’ensemble du secteur. Nous appelons donc à la convocation d’un forum sectoriel qui réunit les employeurs, le Rail Industry Recovery Group (RIRG), le groupe de coordination des employeurs), le ministère du Transport et les syndicats du secteur ferroviaire afin d’aborder les questions relatives à ce conflit.

Ceci doit servir de sérieux avertissement aux travailleurs du rail. Le secrétaire aux transports, Grant Shapps, a commencé à établir le RIRG en décembre 2020 pour entamer une restructuration radicale pro-marché. Profitant de l’effondrement des recettes tarifaires pendant la pandémie, le gouvernement a dévoilé un programme massif de «gains d’efficacité» comme prélude à la reprivatisation des compagnies ferroviaires qui avaient été nationalisées en 2020.

Les syndicats RMT, ASLEF, Unite et TSSA ont rejoint le RIRG, signant son accord-cadre d’habilitation qui s’engageait à «s’attaquer à l’efficacité et aux économies de coûts» dans le cadre des plans du gouvernement conservateur qui vise à «reconstruire et moderniser» les chemins de fer.

S’adressant au Mirroraprès les résultats de mardi, alors que les journaux annonçaient une grève nationale, Lynch a déclaré: «C’est un conflit industriel ordinaire. Ce n’est pas un conflit avec un programme politique. Le seul programme politique qui est promu est celui de ce gouvernement. Et son programme consiste à maintenir les gens à bas salaire et à les appauvrir pour assurer l’austérité».

La déclaration de Lynch confirme que le RMT ne mènera aucune lutte politique contre les projets du gouvernement Johnson. En effet, le processus de vote du RMT n’a fait aucune mention de GB Railways, malgré son rôle de fer de lance dans le programme de privatisation du gouvernement.

Alors que Lynch déclare que le RMT n’a pas de programme politique, le gouvernement Johnson ne cache pas ses propres plans. Au cours du week-end, Shapps a prévenu que son gouvernement légiférerait pour interdire les grèves ferroviaires si les niveaux de service minimum ne sont pas maintenus. Il a déclaré au Sunday Telegraph: «S’ils en arrivaient vraiment à ce point, des niveaux de service minimum seraient un moyen de protéger ces lignes de fret et ce genre de choses».

La promesse du Parti conservateur d’interdire les grèves ferroviaires s’inspire de la législation antigrève espagnole sur les «services essentiels», héritée de la dictature fasciste de Franco.

Avec une inflation à son plus haut niveau depuis 40 ans, la classe dirigeante britannique a réagi nerveusement à la perspective d’une grève ferroviaire nationale. Des dizaines d’articles de journaux et d’éditoriaux ont averti que de telles grèves devaient être évitées à tout prix, soulignant la crise déjà périlleuse de la chaîne d’approvisionnement. Le Telegraph, le Timeset le Financial Timesont tous invoqué le précédent de la grève générale de 1926.

On a largement cité le secrétaire général du syndicat TSSA, Manuel Cortes, qui a affirmé que «les perturbations seront sans précédent. Je pense que nous n’avons rien vu de tel depuis la grève générale de 1926, la dernière fois où les trois syndicats ont fait grève ensemble. Et nous allons coordonner notre action. Ce sera un été de mécontentement».

La grève générale britannique de 1926 a rassemblé 1,5 million de travailleurs qui ont soutenu la lutte des mineurs contre les réductions de salaire et l’allongement des horaires. Elle a pris un caractère insurrectionnel, menaçant le pouvoir capitaliste en Grande-Bretagne, mais a été trahie par le conseil général de la Confédération des syndicats britanniques (Trades Union Congress) qui a mis fin à la grève après neuf jours. La grève générale a eu lieu moins de 10 ans après la révolution russe et était dirigée par des socialistes. Mais le Parti communiste, sous la direction politique de Joseph Staline, a joué un rôle crucial dans la défaite de la grève en entretenant des illusions chez les dirigeants syndicaux «de gauche» qui ont étranglé la grève.

Tandis que des millions de travailleurs luttent pour leur survie, la presse conservatrice et «libérale» a raison de craindre l’émergence d’un mouvement de masse unifié de la classe ouvrière. Mais presque un siècle après la grève de 1926, l’idée que Cortes, Lynch et compagnie puissent organiser une telle offensive est risible. À la tête d’organisations corporatistes totalement intégrées aux structures du patronat et de l’État, ces fonctionnaires bien payés sont des adversaires implacables de la classe ouvrière. Une grève générale ne se développera que dans l’opposition politique aux syndicats et par une rupture organisationnelle avec eux.

Alors que Lynch prétend n’avoir «aucun programme politique», le RMT réprime l’opposition des travailleurs du rail et la canalise derrière le Parti travailliste. Pour le métro de Londres, Lynch a présenté le Parti travailliste comme un allié des travailleurs du rail, invitant ses députés à prendre la parole lors de rassemblements et appelant le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, à «décider de quel côté vous êtes». Khan met en œuvre des réductions de 400 millions de livres au nom des conservateurs et a dénoncé les grèves dans le métro de Londres.

Le soutien des travaillistes au programme ferroviaire du gouvernement conservateur est un secret de polichinelle. L’année dernière, lors du débat à la Chambre des communes concernant le livre blanc sur les chemins de fer britanniques, Shapps a remercié les députés travaillistes pour leur «soutien tacite» et leur «accueil partiel» des propositions du gouvernement.

Le livre blanc du gouvernement sur les chemins de fer britanniques (Source: gov.uk)

Le RMT demande la fin du gel des salaires, l’interdiction des licenciements obligatoires et l’engagement qu’«aucun changement préjudiciable ne sera apporté aux pratiques ou aux conditions de travail». Mais de tels engagements sont incompatibles avec le projet GB Railways de Johnson, qui est fondé sur la destruction de la sécurité, des emplois, des salaires, des conditions et des pensions.

Alors que le gouvernement poursuit ses plans, y compris la mise en place d’une équipe de transition GB Railways dirigée par le patron de Network Rail, Andrew Haines, la préoccupation majeure du RMT est de conserver son partenariat corporatiste avec le gouvernement et les employeurs du secteur ferroviaire, d’où leur demande centrale de négociations via le RIRG.

Aucune confiance ne peut être accordée à la RMT et compagnie. Des comités de grève de la base doivent être créés dans chaque dépôt et lieu de travail pour prendre la direction du conflit. De tels comités peuvent gagner le soutien massif des travailleurs du Royaume-Uni et du monde entier qui protestent contre l’inflation galopante et l’austérité. Alors que les gouvernements capitalistes prétendent que «l’argent n’existe pas» pour les transports, la santé, l’éducation et d’autres nécessités, la richesse des milliardaires atteint des sommets et des milliards sont canalisés dans la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie. La seule réponse à l’anarchie et à l’irrationalité du système de profit capitaliste est la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 26 mai 2022)

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