Tandis que le gouvernement libéral dilapide des milliards pour la guerre

Un Canadien sur cinq mange moins en raison de la hausse des prix des aliments

Une récente enquête commandée par Banques alimentaires Canada a révélé qu’un nombre croissant de Canadiens déclarent être confrontés à la faim et à l’insécurité alimentaire en raison de la hausse de l’inflation et des coûts du logement. En avril, l’inflation a atteint son plus haut niveau depuis trois décennies, soit près de 7%.

Une banque alimentaire (Source: US Air Force)

L’enquête, menée par Mainstreet Research, montre qu’une personne sur cinq, soit environ 7 millions de Canadiens, déclare aujourd’hui souffrir de la faim, 23% d’entre eux déclarant qu’ils mangent moins «qu’ils ne le devraient» parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour se nourrir. Le pourcentage de ceux qui gagnent moins de 50.000 $ par an et qui mangent moins est presque le double de la moyenne générale.

Les banques alimentaires du Canada constatent généralement une baisse de la demande pendant les mois d’été, mais cette année, il n’y a eu aucun signe de ralentissement. «Les banques alimentaires de la plupart des régions du Canada connaissent un afflux de Canadiens qui visitent les banques alimentaires pour la première fois: un nombre qui a augmenté jusqu’à 25% dans certaines régions, ce que nous n’avions pas vu depuis les premiers mois de la pandémie», a déclaré Kirsten Beardsley, directrice générale de Banques alimentaires Canada.

«Le plus grand signe que l’inflation a un impact sérieux sur la faim et l’insécurité alimentaire au Canada, c’est que la raison pour laquelle les gens disent venir aux banques alimentaires est en train de changer», a noté Beardley. «Par le passé, les gens se tournaient vers les banques alimentaires en période de perte d’emploi ou en raison d’une baisse de salaire, mais au cours des six derniers mois, les Canadiens nous disent qu’ils manquent d’argent pour se nourrir en raison de la hausse des coûts du logement, de l’essence, de l’énergie et des aliments.»

Selon Statistique Canada, les consommateurs ont payé leur épicerie 9,7% de plus en avril qu’il y a un an, soit la plus forte augmentation en une année depuis septembre 1981. Le prix des pâtes a augmenté de 19,6 pour cent, celui des produits céréaliers de 13,9 pour cent, celui du pain de 12,2 pour cent et celui des fruits frais de 10 pour cent.

S’adressant à CBC News, Breanna Cordeiro, d’Oakville en Ontario, a déclaré que la hausse du prix de l’essence combinée à la stagnation des salaires a obligé sa famille à trouver des moyens d’économiser. «Quand on regarde le budget, on se demande où on peut faire des coupures, dit-elle. Et malheureusement, parfois, ça doit être la nourriture». Opter pour des repas sans viande et faire des provisions en fonction de ce qui est en solde peut aider, mais même dans ce cas, la mère de deux enfants dit que cela peut être difficile. «La circulaire sort tous les mercredis ou jeudis, et c’est du genre: “C’est en solde? C’est le prix en rabais? C’est ce que l’on payait plein prix, il y a tout juste six mois”», dit-elle.

Le Stop Community Food Centre, une banque alimentaire de Toronto, ne peut pas suivre le nombre grandissant de personnes qui arrivent affamées à ses portes, et a été contraintes de réduire la quantité de nourriture qu’elle donne à chaque personne. Les trois sites de la banque alimentaire servent actuellement environ 400 repas par jour, soit une augmentation de 40% par rapport à 2019. Pendant la pandémie, elle permettait aux familles de venir chercher des provisions deux fois par mois, mais elle a été contrainte de modifier cette politique. Maria Rio, directrice du développement et des communications, a déclaré à The Breach: «Avec les coûts de l’alimentation et l’augmentation des nouveaux clients, cela est devenu de plus en plus difficile à maintenir, alors maintenant nous sommes revenus à un accès d’une fois par mois par ménage.»

Le secteur de l’épicerie au Canada est monopolisé par cinq grandes sociétés: Loblaws, Costco, Sobeys, Metro et Walmart, qui possèdent plus de 60% des ventes de produits alimentaires sur le marché de détail. Toutes les grandes chaînes soutirent tout ce qu’elles peuvent à leurs clients et leurs employés. L’économiste David Macdonald, du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), rapporte que les épiceries «ont enregistré 7,3 milliards de dollars de bénéfices avant impôts en 2021». C’est «plus du double de ce qu’ils dégageaient l’année précédant la pandémie», selon Macdonald.

La montée en flèche des profits des grandes entreprises, d’une part, et la stagnation des salaires des travailleurs, d’autre part, à mesure que le coût de la nourriture et des autres produits de première nécessité augmente, ne sont pas simplement le produit des forces économiques, mais le résultat voulu des politiques menées par les partis politiques de l’establishment et les syndicats depuis des décennies.

Les syndicats ont imposé aux travailleurs une série de reculs après l’autre, tout en sabotant systématiquement leurs luttes contre les réductions de salaire en termes réels, la suppression d’avantages sociaux tels que les ajustements au coût de la vie, et la destruction d’emplois. Tous les partis politiques, des néo-démocrates de «gauche» aux conservateurs de droite, ont supervisé la mise en place d’un régime à faible taux d’imposition et déréglementé qui s’est avéré être une manne financière pour les super-riches et les grandes entreprises.

Cette évolution de longue date a été accélérée de façon spectaculaire par la pandémie de COVID-19. Le gouvernement libéral fédéral, appuyé par les syndicats et le NPD, a remis du jour au lendemain 650 milliards de dollars aux marchés financiers et aux grandes banques pour protéger leur immense richesse, tout en forçant les travailleurs à rester au travail dans des conditions dangereuses alors que le virus mortel se propageait.

Avec la montée en flèche de l’inflation au cours des derniers mois, les travailleurs ont lutté contre la camisole de force qui leur est imposée par les syndicats et ont mené des luttes militantes pour obtenir des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail. Parmi ces luttes, notons celles de 40.000 travailleurs de la construction en Ontario, plus de 20.000 travailleurs du secteur public au Nouveau-Brunswick et les cheminots du Canadien Pacifique.

Conscients de la colère qui monte chez les travailleurs, les néo-démocrates ont cherché de façon absurde à se présenter, dans une série de déclarations démagogiques, comme les amis des travailleurs.

Le 8 juin, le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a publié sur TikTok et Instagram une vidéo de lui-même s’exprimant à la Chambre des communes sur la lutte à laquelle est confronté un nombre toujours plus grand de travailleurs pour se nourrir. «Dans ce pays, un Canadien sur quatre souffre de la faim parce qu’il ne peut pas payer l’épicerie. En même temps, les sociétés font des profits records. Elles battent record sur record. Notre plan consiste à taxer les bénéfices en trop», a affirmé Singh.

Personne ne peut prendre au sérieux une telle attitude cynique. Le NPD de Singh soutient le gouvernement libéral minoritaire depuis 2019 avec l’appui total de la bureaucratie syndicale. Il a soutenu le sauvetage des super-riches par le gouvernement Trudeau au début de la pandémie et la campagne de retour au travail, qui visait à faire payer aux travailleurs les centaines de milliards de dollars mis à la disposition des banques et des grandes entreprises. Dans le même temps, tous les députés néo-démocrates ont soutenu les budgets libéraux qui ont inclus des milliards de dollars supplémentaires pour le financement de l’armée canadienne.

En mars de cette année, le NPD a signé un accord de «confiance et d’approvisionnement» qui permettra au gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau de rester en place jusqu’en juin 2025. Le NPD et ses alliés dans les syndicats ont explicitement affirmé que l’accord était nécessaire pour assurer la «stabilité politique», permettant au Canada de continuer à jouer un rôle majeur dans la guerre des puissances impérialistes contre la Russie.

Comme l’avait alors expliqué le WSWS, «La tâche spécifique du NPD et de ses alliés syndicaux sera d’étouffer les luttes ouvrières, tout en offrant aux libéraux une couverture de “gauche”alors que le gouvernement poursuit l’agression impérialiste et pivote vers une nouvelle austérité et la “croissance de l’économie”: un euphémisme pour une série de politiques favorables aux entreprises, de la déréglementation à la privatisation.»

Le taux d’inflation monte en flèche depuis plus d’un an, alors que les politiques de l’élite dirigeante imposent à la classe ouvrière les coûts économiques du refus de mettre fin à la pandémie et des subventions massives accordées aux riches sociétés. Depuis plus de deux ans, le NPD collabore avec les syndicats et les libéraux pour étouffer les grèves et refuser les revendications salariales légitimes, tout en favorisant les ambitions impérialistes du Canada dans le monde.

Yves Giroux, le directeur parlementaire du budget, a récemment publié un rapport indiquant que le gouvernement fédéral devrait consacrer 75,3 milliards de dollars supplémentaires à la défense au cours des cinq prochaines années pour que le Canada atteigne l’objectif de l’OTAN de consacrer deux pour cent du PIB à la défense. Sur la base des chiffres du gouvernement, Giroux prévoit que les dépenses militaires totales du Canada passeront de 36,3 milliards de dollars au cours de l’exercice 2022-23 à environ 51 milliards de dollars en 2026-27.

Malgré les belles paroles de Singh sur l’imposition des sociétés, son parti est la cinquième roue d’un gouvernement qui s’est engagé à faire en sorte que les fonds nécessaires au financement du programme de réarmement massif du Canada proviennent de la destruction de ce qui reste du filet de sécurité sociale et de l’exploitation accrue de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 18 juin 2022)

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