Des cheminots canadiens expriment leur appui pour la grève du rail britannique

Les travailleurs du rail du Canada suivent de près la grève de 50.000 travailleurs du rail en Grande-Bretagne, qui se transforme en une confrontation politique ouverte avec le gouvernement conservateur et l’ensemble de l’élite dirigeante. Les grévistes, qui ont débrayé pendant une journée mardi et à nouveau le 23 juin, sont diabolisés par le gouvernement conservateur et l’opposition du Parti travailliste parce qu’ils exigent un salaire qui permet de vivre et des conditions de travail décentes.

Une locomotive du Canadien Pacifique à Calgary, en Alberta [Photo: Jason Corbett / CC BY 4.0] [Photo by Jason Corbett) / CC BY 4.0]

Le premier ministre britannique Boris Johnson, qui a montré la voie aux puissances européennes en acheminant de grandes quantités d’armes vers l’Ukraine pour alimenter la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie, a clairement indiqué la détermination de son gouvernement à supprimer des milliers d’emplois, à attaquer les conditions de travail et à réduire les salaires. Les travailleurs reconnaissent de plus en plus que l’attaque de l’élite dirigeante contre les cheminots n’est que le début d’un assaut planifié sur les salaires et les conditions de tous les travailleurs pour payer la facture de la guerre à l’étranger et l’enrichissement de l’oligarchie financière dans le pays. Comme l’a déclaré un cheminot britannique en grève au World Socialist Web Site, «Le gouvernement veut marcher sur les pieds de tout le monde. Je pense qu’il faut une grève générale. C’est tellement évident depuis un certain temps maintenant parce que c’est une attaque contre la classe ouvrière. Les riches deviennent de plus en plus riches et il n’y a jamais eu autant de millionnaires et de milliardaires. C’est scandaleux.»

Les travailleurs canadiens du rail connaissent de première main les conditions désespérées auxquelles sont confrontés leurs collègues britanniques. Environ 750 travailleurs de la signalisation et des communications de CN Rail sont en grève depuis samedi pour demander des augmentations de salaire et des améliorations des horaires de travail. Ils se battent contre un régime d’horaires qui les envoie pendant des semaines dans différentes régions, loin de leurs familles.

Une série de grèves déterminées au Canada pour l’amélioration des conditions de travail, la fin des régimes d’horaires brutaux et les augmentations de salaire ont été trahies au cours des dernières années grâce aux efforts combinés des syndicats et aux menaces d’intervention du gouvernement pour criminaliser la grève.

En 2019, les Teamsters ont saboté une grève au CN Rail en intimidant les travailleurs pour qu’ils acceptent un contrat bourré de reculs dont ils n’ont appris les termes que quelques semaines après leur retour au travail. Plus tôt cette année, les Teamsters ont ignoré un vote de grève écrasant au CP Rail, permettant à l’entreprise de mettre en lock-out 3000 chefs de train et mécaniciens. Les Teamsters ont ensuite accepté l’arbitrage exécutoire pour régler le différend, un processus antidémocratique qui implique qu’un fonctionnaire nommé par le gouvernement impose des conditions d’emploi aux travailleurs, qui ne peuvent pas voter ou faire de grève pour s’y opposer.

Les trahisons répétées des luttes des travailleurs du rail par les syndicats et le refus des gouvernements fédéraux successifs de réglementer les sociétés ferroviaires très rentables ont contribué aux conditions dangereuses sur les chemins de fer. Lundi, un train du CN Rail transportant de la potasse a déraillé près de Thunder Bay, en Ontario. Les déraillements – dont certains sont mortels – sont devenus un événement courant sur le réseau ferroviaire canadien. En février 2019, trois travailleurs du rail ont perdu la vie lorsqu’un train a déraillé sur un tronçon de voie notoirement dangereux près de Field, en Colombie-Britannique, par un froid glacial.

En réponse à la dernière trahison des Teamsters, les travailleurs du CP ont mis sur pied le Comité des travailleurs de la base du CP, indépendamment des syndicats, afin d’unifier les luttes des travailleurs du rail à travers le Canada et l’Amérique du Nord pour obtenir de meilleures conditions de travail. Comme le déclare la déclaration fondatrice du Comité, «La lutte au CP Rail est un champ de bataille clé pour les travailleurs du Canada, des États-Unis et du monde entier. Alors que les élites dirigeantes se préparent à plonger le monde dans une guerre catastrophique potentiellement menée à l’aide d’armes nucléaires, elles ne peuvent tolérer aucune dissidence de la part des travailleurs à l’intérieur de leurs frontières. L’entente d’arbitrage que le CP, les Teamsters et le gouvernement Trudeau tentent de nous imposer nous privera de tout droit de faire la grève, d’effectuer la grève du zèle ou de négocier toute amélioration de nos conditions pour les années à venir. S’ils y parviennent, des méthodes draconiennes similaires seront employées contre les travailleurs partout dans le monde.»

Le WSWS a reçu des déclarations de solidarité pour la grève des chemins de fer britanniques de la part des membres du Comité des travailleurs de la base du CP.

Paul, mécanicien et ancien représentant syndical, a rappelé comment les travailleurs du rail ont été «amadoués, qualifiés de champions, de héros et autres» pendant la pandémie. «Cette lutte, notre lutte, est continue et évidente pour quiconque se donne la peine de regarder», a-t-il poursuivi. «De plus, l’endroit d’où regarder est la table de cuisine des travailleurs. S’asseoir ailleurs, c’est ne même pas être capable de voir les problèmes dans toute leur ampleur. Ce point de vue, cette position, les vies que la plupart d’entre nous mènent sont invisibles pour ceux qui occupent des positions de pouvoir et qui mettent nos tables. Pire encore, ils ne veulent même pas s’asseoir avec nous... et certains pensent qu’il n’y a pas de lutte des classes.

«En tant que représentant syndical au Canada, il est vite devenu évident que ma principale fonction était de rappeler à la direction que mes membres étaient des personnes réelles, et non une marchandise, un numéro ou un verbe mais un nom.»

Paul a fait référence à une remarque du grand socialiste américain Eugene Debs, qui résume l’objet de la grève ferroviaire britannique: «Je m’oppose à un ordre social dans lequel il est possible pour un seul homme qui ne fait absolument rien d’utile d’amasser une fortune de centaines de millions de dollars, tandis que des millions d’hommes et de femmes qui travaillent tous les jours de leur vie s’assurent à peine de quoi mener une existence misérable.»

Paul a conclu son message en disant: «De chez moi à chez eux, je me tiens aux côtés des travailleurs de Grande-Bretagne et plus particulièrement des cheminots en ce moment... en toute solidarité.»

Mark, un mécanicien de l’Alberta, a envoyé la déclaration suivante en soutien à la grève:

«Je suis né en Grande-Bretagne au milieu des années 1960, descendant de la classe ouvrière des mineurs, des infirmières et des cheminots – en d’autres termes, en plein coeur de la lutte syndicale qui allait se poursuivre tout au long de ma vie et, sans doute, au-delà. Mon père, mon grand-père et mes arrière-grands-pères ont conduit des trains en temps de guerre et de paix, ont extrait du charbon et sont morts jeunes. Nos femmes, pendant des générations, ont soigné les malades. Accueillie en héros quand c’était opportun, traitée de scélérate quand tous cherchaient une juste récompense et une appréciation de leur travail, ma famille a fait les frais d’une guerre d’usure unilatérale contre les secteurs les plus nécessaires du travail industriel. J’ai quitté la Grande-Bretagne il y a trente ans pour le Canada et, assez ironiquement, je suis devenu cheminot.

«Même dans ce vaste pays de richesses et de privilèges, les luttes ouvrières se poursuivent sans relâche. Nous, les cheminots canadiens, subissons la même dégradation que nos frères et sœurs du monde entier, imposée par l’esprit reptilien du capitalisme, dont les protagonistes sont, en pratique, d’une autre espèce humaine que nous. Nous vivons dans un environnement où les profits et la rémunération des dirigeants s’envolent et où les normes de travail et la sécurité s’effondrent tout aussi rapidement.

«Nous, cheminots canadiens, nous tenons aux côtés de nos frères de Grande-Bretagne et d’ailleurs, affligés par les excès lâches de nos employeurs, mais portés par notre solidarité. Votre combat en Grande-Bretagne est identique au nôtre au Canada, tous deux produits d’une source commune de pensée impérialiste, de richesse et de disparité de classe. Par conséquent, nous devons faire front commun, non pas par avarice inconvenante, mais par dignité et fierté. Rares sont ceux qui partagent notre dévouement, rares sont ceux qui jouissent de la fierté que nous tirons des graves responsabilités que nous assumons avec aisance et grâce. Nous ne demandons rien de plus que l’équité et la sérénité: au lieu de cela, nous recevons un mépris ignoble.

«Faites la grève parce que c’est votre dernière option dans une situation qui en a peu. Tenez bon, soyez résilients, soyez respectueux, montrez-leur le professionnalisme pour lequel nous sommes connus. Gagnez pour vous, gagnez pour nous, soyez un exemple pour les travailleurs du monde entier. Montrez-leur que nous méritons une vie de labeur en respectant le caractère sacré de nos existences et de notre rôle dans la société. Nous valons plus; nous n’exigeons rien de moins.»

(Article paru en anglais le 23 juin 2022)

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