«Toute infirmière qui se respecte fuirait HCA en hurlant»: une infirmière de Pennsylvanie décrit son expérience de travail chez Healthcare Corporation of America

Le World Socialist Web Site a reçu une lettre d’une infirmière nommée K. qui souhaite rester anonyme par crainte de représailles de la part de son employeur. Son histoire est très inquiétante et témoigne de l’environnement physiquement, mentalement et émotionnellement épuisant auquel les infirmières et les travailleurs de la santé sont confrontés dans les chaînes d’hôpitaux privées.

Une infirmière aide un patient à changer de position pendant qu’elle le soigne dans l’unité COVID-19 du Providence Holy Cross Medical Center de Los Angeles, le lundi 13 décembre 2021 [AP Photo/Jae C. Hong] [AP Photo/Jae C. Hong]

Sa lettre fait principalement référence à son travail d’infirmière itinérante pour HCA (Healthcare Healthcare Corporation of America). HCA est la plus grande société privée de soins de santé au monde et possède environ 185 hôpitaux et plus de 2.000 établissements de soins de santé dans plus de 21 États des États-Unis et du Royaume-Uni. En avril de cette année, le chiffre d’affaires de cette société privée s’élevait à plus de 14,9 milliards de dollars. Outre les hôpitaux, HCA possède des centres de chirurgie, des urgences indépendantes, des centres de soins d’urgence, des centres de diagnostic et d’imagerie, ainsi que des cliniques sans rendez-vous et des cliniques médicales dans tous les États-Unis.

En tant que société privée faisant partie du Fortune 500, HCA a des liens politiques étroits avec l’establishment. En particulier, l’association de HCA avec le Parti républicain est remarquable. Le frère du fondateur de HCA, Thomas First, William Harrison First, est médecin, homme d’affaires et homme politique. Il a été sénateur républicain du Tennessee de 1995 à 2007. L’ancien PDG de HCA, Rick Scott, est un sénateur américain républicain junior de Floride depuis 2019 et a été le 45e gouverneur de Floride de 2011 à 2019. Au Royaume-Uni, le chef du Parti travailliste sir Keir Starmer a reçu des dons d’actionnaires de HCA.

La lettre suivante a été légèrement modifiée pour plus de clarté.

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J’ai été infirmière itinérante ainsi qu’infirmière diplômée, notamment en tant qu’infirmière d’urgence en traumatologie dans des établissements de niveau 1 pour la plupart. Les problèmes de personnel, qui étaient le résultat direct des décisions de la direction de faire toujours plus avec toujours moins, sont ce qui m’a incité à travailler comme infirmière itinérante.

En tant qu’infirmières itinérantes, nous avons été obligées de gérer des ratios de personnel de 8 pour 1 à WellSpan à York, en Pennsylvanie, alors que les infirmières se cachaient dans les salles de traumatologie. La sévérité d’un cas était ignorée si un lit était libre. Je recevais trois ou quatre cas de niveau 1 de l’ESI (Emergency Severity Index, un algorithme de triage à cinq niveaux qui évalue le cas d’un patient de 1, ou le plus grave, à 5, le moins grave, en fonction de la nature de son urgence). En «principe», cela nécessiterait un ratio de 1 pour 1 et éventuellement une deuxième infirmière pour aider. Je n’avais généralement pas d’infirmière auxiliaire certifiée, car elles étaient toutes appelées à faire de la «surveillance» dans un ratio de 2 pour 1.

HCA, qui est propriétaire de HealthTrust, qui dirige WellSpan, comptait sur des volontaires non qualifiés pour «surveiller» des patients psychotiques/homicides/suicidaires pouvant être âgés d’à peine six ans jusqu’à des patients gériatriques. La plupart d’entre eux présentaient de graves problèmes de santé, mais étaient «médicalement autorisés» presque immédiatement après leur admission, de sorte que les résidents/surveillants des urgences n’étaient pas responsables de leurs soins.

Il y avait un patient chronique, profondément autiste, victime d’agression sexuelle au milieu de son adolescence. Il était si violent qu’aucun médicament (extrêmement puissant: kétamine, thorazine, ativan, geodon) ne pouvait le contrôler. Ses parents, qui ne pouvaient pas gérer sa violence, le déposaient régulièrement aux urgences de WellSpan, à York. Le patient était enfermé dans une pièce sans fenêtre pendant des mois. Sa nourriture consistait en «ce qu’il pouvait manger», comme des Oreos, des Doritos et des bonbons, et on ne lui apportait aucune aide psychiatrique.

Lorsque ses parents déposaient le patient à WellSpan, les infirmières du personnel se sont regroupées pour éviter que l’une d’entre elles n’ait à s’occuper de cette personne ultra-violente, qui fonçait tête première dans les fenêtres en plexiglas.

WellSpan l’enfermait simplement en «isolement», sans fenêtre, sans rembourrage, sans literie et sans aucun soin psychiatrique. On lui administrait simplement des doses de plus en plus fortes de thorazine et d’autres antipsychotiques jusqu’à ce qu’il finisse par dormir pendant 30 minutes.

Chacune des infirmières refusait de s’occuper du patient pendant plus de quatre heures, car il donnait régulièrement des coups de poing et des coups de pied, mordait et utilisait des objets dans la chambre comme armes contre presque tout le personnel et le personnel de soutien. Le personnel de sécurité était agressé au point que beaucoup ont reçu des blessures qui ont nécessité des soins d’urgence. La direction a autorisé la détention de ce patient, car son assurance était fournie par l’État.

Lorsque WellSpan a été «nominé» par une entité inconnue pour un prix concernant son «excellence» en matière de soins psychiatriques, ce patient avait été torturé, isolé, privé de tout type de soins psychiatriques ou de stimulation et son état avait rapidement décliné au cours des 44 jours de son isolement.

Le gouverneur de Pennsylvanie [note: l’actuel gouverneur de Pennsylvanie est le démocrate Tom Wolf] devait assister à cette cérémonie de remise de prix. Cette cérémonie devait se dérouler dans le stationnement et non à la fin d’une visite de l’établissement, afin que le gouverneur puisse «prétendre de manière plausible» qu’il n’était pas au courant des conditions réelles de l’hôpital. Cela l’empêchait également d’avoir tout type d’interaction avec le personnel, les infirmières itinérantes et le personnel de soutien.

Ce jeune patient a été menotté à un chariot et escorté jusqu’à l’un des hôpitaux psychiatriques locaux où une «unité entière» a été vidée de tout objet afin qu’il soit simplement hébergé pour le moment, jusqu’à ce que la visite du gouverneur soit terminée.

WellSpan appartient à HCA, la même société à but lucratif qui possède des établissements comme Lewis Gale à Blacksburg, en Virginie, et d’autres dans la région de Richmond. Les infirmières itinérantes savent qu’on ne doit jamais accepter une tâche dans un établissement HCA en raison des dangereux ratios de personnel, du manque de fournitures, des patients violents et de la pratique notoire de l’hôpital de ne pas payer les itinérants pour leur travail.

Il ne s’agit pas seulement de l’absence de congés payés. HCA n’a pas payé la rémunération d’infirmières itinérantes depuis des années. Cela se produit généralement lorsqu’un itinérant quitte un contrat en raison d’un risque élevé de perdre sa licence et de problèmes de personnel dangereux ou lorsqu’un itinérant refuse des tâches qui sont dangereuses.

HCA est bien connu pour ses décisions dangereuses en matière de personnel. Lewis Gale à Blacksburg employait deux infirmières diplômées dans son service d’urgence de 25 lits, «comblant les trous» avec des techniciens médicaux d’urgence et des aides-soignants. L’infirmière responsable «senior» avait 6 mois d’expérience.

Le ratio dans la salle d’urgence était de 12 pour 1. Je suis bien placée pour le savoir, car j’ai passé toute une équipe à faire de l’observation après que Lewis Gale m’ait offert une somme d’argent obscène pour travailler dans cette salle d’urgence. Bien sûr, on m’a demandé de signer un accord de non-divulgation avant que je sois engagée. J’ai vu des patients en crise d’hypertension, presque en état de choc, allongés dans des lits avec des alarmes hurlantes et personne pour les aider.

J’ai vu des patients psychiatriques errer dans les couloirs, s’uriner dessus, avec des excréments qui coulaient le long de leurs jambes et traîner cette saleté dans toutes les urgences. Pas une seule personne ne s’est levée pour diriger le patient vers sa chambre. Il n’y avait personne qui était désignée pour le faire. C’est la norme dans tous les établissements HCA.

Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle quelqu’un voudrait travailler pour HCA. À moins que la famille de l’infirmière demeure à côté, et qu’elle peut vivre gratuitement. Toute infirmière qui se respecte fuirait HCA en hurlant.

(Article paru en anglais le 2 juillet 2022)