Les transports parisiens font grève contre l’inflation et la casse sociale

Hier, les transports parisiens ont fait grève contre la réforme des retraites et pour une revalorisation salariale face à l’inflation qui sévit à travers le monde. Cette puissante grève, que certains syndicats de la fonction publique ont rejoint, a démontré à nouveau la capacité des travailleurs à stopper l’économie.

D’énormes embouteillages longs de 350km ont dominé Paris, alors que le métro et de large sections du RER étaient à l’arrêt. Cinq lignes de métro (2, 8, 10, 11, 12) étaient totalement fermées et toutes les lignes non-automatisées n’avaient qu’un service réduit aux heures de pointe. Les lignes A et B du RER, exploitées par la RATP, étaient à un train sur trois ou un train sur deux, mais les autres lignes du réseau régional, gérées par la SNCF, fonctionnaient normalement.

En même temps, cette grève a mis en évidence le gouffre social qui sépare les travailleurs des appareils syndicaux. En effet, après l’expérience de nombreuses grèves revendicatives mais ensuite étouffées par les appareils syndicaux, qui venaient d’isoler et de mettre fin à la grève des raffineries, les travailleurs ont boudé les rassemblements syndicaux hier.

Moins de 2.000 personnes ont manifesté avec la CGT à Paris, quasiment tous des bureaucrates ou délégués syndicaux, alors que des centaines de personnes défilaient dans les villes de province. A Rouen, Pascal Morel, le secrétaire général de l’Union départementale-CGT de Seine-Maritime, a déclaré: «Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas beaucoup de monde ce matin que la question du pouvoir d'achat est réglée».

En fait, la grève à la RATP démontre que n’est pas la combativité ouvrière qui fait défaut. En France et à travers le monde, les travailleurs, désillusionnés sur l’action des confédérations syndicales, refusent de s’engager sur des actions en lesquelles ils ont perdu confiance. Si l’élite dirigeante en profite pour renforcer les forces néofascistes, des processus moléculaires parmi les masses préparent une réorientation explosive et révolutionnaire de la classe ouvrière.

Le Parti de l’égalité socialiste met en avant la voie tracée par le Comité international de la IVe Internationale (CIQI). Contre la hausse vertigineuse des prix, la guerre menée par l’Otan contre la Russie en Ukraine, la mort en masse due au Covid et le danger d’une crise énergétique et économique intensifiée cet hiver, les travailleurs doivent casser le diktat des appareils sur leurs luttes. Il faut une rébellion contre les confédérations syndicales nationales et la formation à l’échelle internationale de comités de la base, indépendants des bureaucraties syndicales.

En effet, l’effet démobilisateur de ces bureaucraties est apparu pleinement lors de la manifestation à Paris. Quand elles recrutent des ouvriers du rang, ce n’est pas pour leur fournir les bases pour mener des luttes, mais pour leur inculquer l’idée démoralisée que les ouvriers sont passifs et qu’ils faut se résigner à des actions nationales contrôlées par des appareils corrompus.

Le WSWS a interviewé Faouzi Abou Rayan, un délégué CGT à la RATP membre de Révolution permanente, une tendance politique moréniste issue du NPA pabliste d’Olivier Besancenot.

«Ce matin on a été à la maison de la RATP et on n’a rien obtenu. … Ils nous ont mis une personne qui n’était même pas mandatée pour négocier avec nous», a-t-il dit. Il a ajouté, «L’inflation a monté, ça fait longtemps. … Tu regardes les produits alimentaires, ils ont augmenté 15 ou 25 pour cent, ça devient très critique. Le point d’indice a été gelé pendant dix ans, donc pendant dix ans on a perdu du pouvoir d’achat.»

A cause du coût de l’énergie, a-t-il ajouté, «Je n’ai pas encore mis le chauffage chez moi, la nuit il fait froid. Ce n’est plus tenable.»

Il a marqué des désaccords avec la direction syndicale, notamment sur leur décision de négocier les attaques contre les retraites avec Macron: «Les dirigeants de la CGT, ils ne représentent pas les travailleurs, c’est mon point de vue. Ils sont hors-sol. Ils ont négocié des choses sur les retraites, ils n’avaient pas à les négocier.»

Interrogé sur la nécessité de s’opposer à la guerre de l’Otan contre la Russie en Ukraine, il a répondu: «L’inflation a été en partie, même énormément provoquée par ce conflit, alors que nous on n’a rien à voir là-dedans. Les travailleurs russes ont été réquisitionnés; de l’autre côté les travailleurs ukrainiens c’était la même chose. De toute façon, dans toutes les guerres ce sont les masses ouvrières qu’on envoie au combat.»

A propos de ses attaches à Révolution permanente, les reporters du WSWS lui ont demandé ce qu’il pensait du soutien du NPA aux guerres de l’Otan en Libye et en Syrie. Il a dit que c’était lié à un «manque de repères».

A présent, a-t-il ajouté, «que ce soit les partis de gauche ou les partis de droite, il y a un racisme qui s’est ouvert au niveau de la parole. Ils se sont permis de dire des choses avec le langage de l’extrême-droite qui ont poussé au racisme, sur le dos des musulmans, des étrangers. A la fin, ils alimentent la haine. On sait très bien que le capitalisme veut utiliser le racisme pour diviser les travailleurs.»

Quand les reporters du WSWS ont demandé s’il avait examiné la scission de 1953 entre les ancêtres pablistes du NPA et le CIQI, qui a maintenu la continuité trotskyste de la lutte contre les appareils staliniens et nationalistes, il a dit qu’il n’avait pas le temps. Il a rendu une prétendue passivité des ouvriers responsable de la dégénérescence de la «gauche» officielle: «Les gens sont arrivés dans une zone de confort, il y avait pas mal de conquêtes sociales. On a profité.» A partir des années 1970, a-t-il dit, «il y avait une période baba cool».

De même, le WSWS a interviewé Benjamin Carlier, délégué CGT à la SNCF, qui était mobilisé «pour les retraites, les salaires, le coût de la vie». Il a observé que les travailleurs «réduisent déjà leurs dépenses, ils achètent de la viande moins souvent … ils achètent de moins en moins cher.»

Interrogé sur l’isolement et l’étranglement de la grève dans les raffineries par les appareils syndicaux, il a réagi: «Édouard Philippe il a dit, regardez les gilets jaunes, c’était le bordel, on l’a passé. Les grèves de machin, on l’a passé. Ils s’en foutent, ils savent que les gens ne peuvent pas perdre un mois de salaire, c’est une semaine maximum. Les gens ne peuvent pas perdre 500 euros par semaine, ils tiennent beaucoup les gens comme ça.»

Quand les reporters du WSWS ont souligné la responsabilité des appareils syndicaux, qui ont un budget annuel de 4 milliards d’euros mais qui ne paient jamais les salaires des grévistes, il a réagi: «Entre les différents syndicats, les répartitions d’argent, comment c’est réparti en soi, c’est vrai que c’est opaque. … Certains anciens patrons [de la CGT] comme Bernard Thibault étaient un peu trop placés avec le haut, et on sentait qu’une fois qu’il avait été remercié, il fallait arrêter de faire grève.»

Il a avoué que les intérêts des bureaucrates syndicaux militent contre la mobilisation de la classe ouvrière contre la guerre à travers les syndicats: «On parlait des guerres, ça devrait être fait différemment. Mais ça voudrait dire bouger des lignes de certaines choses qui n’ont peut-être pas envie de bouger, quand même. C’est peut-être une question de générations.»

Pourtant, quand les reporters du WSWS ont évoqué la construction d’un mouvement international, indépendant contre les problèmes mondiaux tels que la guerre, la pandémie, et l’inflation, il a réagi: «Déjà en France c’est compliqué, alors en Europe, je ne sais pas.»

En réalité, les témoignages des délégués CGT démontrent la nécessité pour la classe ouvrière de la rupture prônée par le PES avec les appareils syndicaux nationaux. La montée internationale de la lutte des classes dont fait partie la grève de la RATP souligne que les conditions objectives émergent pour cette révolte et la montée en puissance du rôle du CIQI.

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