Les travailleurs en France se mobilisent contre la réforme des retraites, Macron et la guerre

Hier était la deuxième journée d’action à l’appel de l’intersyndicale contre la réforme des retraites qui prévoit de faire passer l’âge minimum de la retraite à 64 ans et la durée de cotisation à 43 ans. Cheminots, travailleurs de l’énergie et de la RATP, des raffineries et des fonctionnaires se sont mobilisés contre cette réforme et plus largement contre le gouvernement Macron et la guerre.

Place d'Italie mardi 31 janvier

La mobilisation a été plus forte que celle du 19 janvier qui avait rassemblé deux millions de personnes. Selon les syndicats, 28.000 personnes ont manifesté à Nantes, bien plus que le 19. Il y avait 205.000 personnes à Marseille, 80.000 à Toulouse, 25.000 à Nice et 18.000 à Toulon. Selon la préfecture, 23. 000 personnes se sont rassemblées à Rennes, où comme auparavant les forces de l’ordre ont fait usage des canons à eau contre les manifestants. A Paris la CGT annonce 500.000 manifestants, soit 100.000 de plus que pour la journée du 19 janvier.

La première ministre Elisabeth Borne, qui avait annoncé que l’âge de départ à 64 ans n’était pas « négociable », a mobilisé 11.000 policiers en France, dont 4.000 à Paris.

Une ligne de policiers anti-émeute divise les manifestants à la fin de la manifestation contre le projet de repousser l'âge de la retraite en France, au monument des Invalides, mardi 31 janvier 2023 à Paris. [AP Photo/Thibault Camus]

Cette grève fait partie d’une montée de grèves de masse à travers l’Europe. Hier, alors que les travailleurs des raffineries turques faisaient une grève du zèle et les aiguilleurs du ciel espagnols étaient en grève, 12.000 travailleurs manifestaient à Bruxelles. Cheminots, travailleurs des transports, personnels de l’éducation et soignants belges manifestaient pour les salaires et contre l’inflation, et pour une meilleure reconnaissance de leur travail.

Aujourd’hui des grèves sont attendues en Grande-Bretagne et en Finlande. Les syndicats finlandais ont proposé des augmentations de 5 pour cent alors que l’inflation est déjà à 10 pour cent, et des grèves sont attendues dans de nombreux secteurs. Au Royaume-Uni, un demi-million de grévistes sont attendus aujourd’hui alors que professeurs des écoles, cheminots, fonctionnaires, professeurs d'université, conducteurs de bus et agents de sécurité font tous grève. Le bureau du premier ministre au 10 Downing Street a averti que la journée sera « très dure».

Partout, à travers l’Europe et au-delà, ce sont des problèmes non pas nationaux mais internationaux et mondiaux qui mobilisent les travailleurs: inflation, austérité, crise sanitaire, et la guerre. La montée de l'opposition à la guerre parmi les manifestants en France, après l’annonce par Macron d’un budget militaire faramineux de 400 milliards d’euros, est particulièrement significative.

Ces grèves posent d'emblée des questions essentielles de perspective : la nécessité de déborder les appareils syndicaux nationaux, d’unifier les travailleurs par-delà les frontières nationales, et de s’opposer aux politiques des appareils syndicaux et de leur « dialogue social » avec Macron. Avant tout, il faut s’opposer à l’escalade effrénée des puissances de l’OTAN dans leur guerre contre la Russie en Ukraine, offensive que l’appareil de la CGT a soutenue explicitement.

Valérie, travailleuse en milieu scolaire handicapé a dit au WSWS à Paris qu’elle craignait que l’envoi de chars en Ukraine par Macron et d’autres puissances de l’OTAN ne provoque une conflagration mondiale : « C'est vrai que le risque existe. Oui j'ai peur de tout ça. Mais voilà, je me lève le matin et je me dis je me bats aussi pour moi, je me bats pour mon fils, je me bats pour mes enfants, on se bat tout le temps ».

A Paris, le WSWS a rencontré Maxime, libraire, qui a dit qu’il était venu manifester «contre la réforme des retraites de Macron et pour lutter contre le fait de travailler deux ans de plus pour des retraites qui vont être très basses. Et voilà le métier de libraire n’est pas beaucoup rémunéré. Quand on est employé de librairie, on s'en sort avec pas grand-chose et ce qui est certain c'est que là on nous annonce 64 ans comme âge de départ à la retraite. Pour la plupart d'entre nous, on sait qu’on verra plutôt 67, 68, voire carrément 70 ans ».

Maxime

Maxime a pointé les vastes sommes que Macron dépense sur la guerre et la police, et la fortune personnelle de Bernard Arnault (213 milliards d’euros), l’homme le plus riche au monde : «Il y a beaucoup d'argent pour l'armée, la police et pour la sécurité. Par contre, voilà l'idée qu'il faut aider, qu’il faut augmenter les salaires des travailleurs, il n’y en a pas. Alors que voilà, l'homme le plus riche du monde qui est Français. Durant les deux quinquennats de Macron, c'est énormément d'aides renouvelées aux entreprises et ce sont les travailleurs qui sont censés raquer derrière, voilà ».

Il a dit espérer que la mobilisation provoquerait une explosion sociale : « Je crois que le mouvement contre la réforme des retraites, ça cristallise aussi pas mal de frustrations de ce qui s'est passé du début du quinquennat, même avant ça en fait. On espère un peu que ça va permettre d'être un déclencheur pour d'autres mobilisations derrière, comme il a pu y avoir les ‘gilets jaunes’ à l'époque qui ont mené à d'autres mouvements, contre la loi sécurité globale, contre tout ça».

Le WSWS a aussi rencontré les lycéens Nawelle, William et Jihan qui manifestaient contre l’âge minimum de la retraite à 64 ans : «Ils veulent mettre la retraite très tard pour tout le monde, sachant qu'il y a des métiers qui sont plus pénibles ou plus compliqués que d'autres. Et donc du coup c'est sûr qu'il y en a qui mourront avant d'avoir leur retraite, et on n’a pas envie de mourir avant d'avoir la retraite. On veut déjà profiter de la vie et avoir la retraite assez tôt pour la continuer le reste de vie».

Des lycéens manifestent à Paris

Jihan a souligné l’importance de l’unité entre les lycéens et les travailleurs : «Je pense que c'est bien que les lycéens se sentent concernés. C'est mieux de se réveiller et de combattre cette injustice avant. Juste après le lycée, ils iront travailler ou feront des études et devraient travailler donc ils sont très proches des travailleurs ».

A Amiens, la mobilisation a été supérieure à celle du 19 janvier, peut-être 18.000 comprenant cette fois-ci une présence des étudiants. Le WSWS a rencontré Augustine, lycéenne venue avec ses camarades, qui a dit : « Nous avons manifesté devant notre lycée pour amener les gens à Amiens. On est là pour soutenir nos aînés. Le budget pour l’armée de Macron est un choix politique en soutien des guerres dans l’intérêt du système ».

Manifestants à Amiens

Rémi, étudiant en histoire à l’université Jules Verne, a dénoncé « les conditions des travailleurs en pleine période d’inflation. La situation s’est dégradée. Il faut arrêter les dépenses inutiles comme le budget militaire. Ils ont enrichi les patrons pendant le Covid. Maintenant les gens ont du mal à se nourrir ».

Trois amis étudiants en science politique à l’université Jules Verne ont dénoncé la réforme des retraites de Macron comme « illégitime ». Louise a dit : « Macron rend la vie des jeunes précaire. On veut profiter de notre jeunesse sans avoir peur de ce qui nous attend dans 50 ans. On n’a pas d’avenir sous ce système. Les budgets militaires sont inquiétants. Ce n’est pas le moment pour faire cela, alors qu’on se bat pour notre vie ».

Mathieu a dit au WSWS : « Nous sommes les travailleurs de demain, mais on nous crache à la figure. Nos années d’études ne comptent pas pour les cotisations à la retraite. On voit l’état de santé de nos parents à la retraite à 60 ans. Cela sera pareil pour nous ! On se bat contre ça mais ils ne tiennent pas compte de l’opinion de la rue ».

Les étudiants protestent contre la réduction des retraites à Amiens

La question décisive est de mener une lutte qui unifiera les travailleurs internationalement contre la guerre impérialiste menée par l’OTAN et l’austérité sociale dictée par l’oligarchie financière. La politique de guerre de classe menée par Macron est un impératif pour dégager les centaines de milliards d’euros nécessaires à financer la guerre. Les travailleurs à travers l’Europe et au-delà entrent objectivement dans une lutte contre la guerre qu’il faudra mener consciemment.

Cela nécessite avant tout d’ôter le contrôle des luttes aux appareils syndicaux nationaux qui négocient avec Macron et les autres gouvernements de l’OTAN, et de construire des comités de la base, indépendants des bureaucraties syndicales et de leurs alliés politiques. Seules de pareilles organisations, mobilisés sur une perspective socialiste pour stopper la guerre et faire chuter des gouvernements réactionnaires comme celui de Macron, seront à même de mettre fin à la guerre sociale menée contre les travailleurs.

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