Les membres du parti de Zelensky présentent un projet de loi pour la censure de l'internet

Les membres du parti Serviteur du peuple du président ukrainien Volodymyr Zelensky ont présenté un projet de loi visant à criminaliser la diffusion de «fausses informations» sur Internet et dans les réseaux sociaux portant atteinte à la «sécurité nationale» de l’Ukraine.

Apparemment, le projet de loi vise les comptes «robots» coordonnés par les «services spéciaux russes» qui, comme l’affirment les auteurs du projet de loi, «mènent des actions d’influence informationnelle contre les intérêts de l’État ukrainien».

Mais en réalité, la formulation du projet de loi est si générale que n’importe qui pourrait être arrêté pour avoir publié des informations que le gouvernement nationaliste de droite de Kiev considère comme de la «désinformation».

En vertu du projet de loi proposé, les législateurs disposeraient de pouvoirs étendus pour arrêter toute personne participant à la «création, l’acquisition, l’utilisation ou la vente de comptes, y compris ceux contenant des informations sciemment fausses», ainsi qu’à «l’affichage et la diffusion d’informations inexactes».

Quiconque diffuse de «fausses informations» dans l’intention de «porter atteinte à la souveraineté, à l’intégrité et à l’inviolabilité territoriales, à la capacité de défense, à la sécurité nationale, étatique, économique ou informationnelle de l’Ukraine, ou d’exercer une influence sur la prise de décision ou l’adoption ou l’absence d’actions par des organes de l’État ou des organes autonomes locaux, ou par des fonctionnaires de ces organes» serait également passible d’arrestation et d’une peine d’emprisonnement de 5 à 7  ans, ainsi que de la confiscation de ses biens personnels.

Selon les cinq auteurs du projet de loi – tous membres du parti Serviteur du peuple de Zelensky – la loi est nécessaire au nom de la «sécurité nationale» et pour «disposer d’un arsenal législatif aussi large que possible pour lutter contre les personnes qui, individuellement ou collectivement, se livrent à des attaques informationnelles, en diffusant des informations fausses et/ou manipulatrices».

Bien que la mesure ne soit pas encore entrée en vigueur, le projet de loi est un nouvel exemple du caractère autoritaire et droitier d’un gouvernement ukrainien qui cherche à cacher la vérité, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Ukraine, sur sa guerre par procuration avec la Russie soutenue par l’OTAN. Dans cet effort, le gouvernement ukrainien travaille en étroite collaboration avec ses bailleurs de fonds de l’OTAN et en particulier avec l’impérialisme américain.

La semaine dernière, Ilia Vitiuk, chef du département de la cybersécurité de l’information au Service de sécurité de l’Ukraine (SBU), a admis dans une interview avec le journaliste Lee Fang à l’occasion d’une conférence sur la cybersécurité à San Francisco que le FBI ciblait régulièrement la supposée «désinformation» russe sur Facebook ; et ce, à la demande du gouvernement ukrainien.

«Dès que nous avons des traces ou des preuves de campagnes de désinformation via Facebook ou d’autres ressources provenant des États-Unis, nous transmettons ces informations au FBI, tout en écrivant directement à Facebook», a déclaré Vitiuk.

Lorsqu’on lui demande comment il détermine ce qui est «faux», Vitiuk répond que la véracité de l’information n’a aucune incidence sur son statut de «désinformation».

« Lorsque les gens me demandent ‘‘Comment faites-vous pour savoir si c’est faux ou vrai?’’ C’est en effet très difficile dans un tel flux d’informations», a déclaré Vitiuk. Je réponds: «Tout ce qui est contre notre pays, considérez-le comme faux, même s’il ne l’est pas. En ce moment, pour notre victoire, c’est important d’avoir ce genre de compréhension, de ne pas se laisser berner».

Si le projet de loi proposé par les membres du parti de Zelensky devenait une loi, pratiquement n’importe qui en Ukraine pourrait être arrêté et jeté en prison pour 5 à 7  ans, comme le prouvent les commentaires de Vitiuk.

La presse occidentale dépeint régulièrement Zelensky comme un George Washington des temps modernes s’opposant à «l’impérialisme russe», mais la vérité est qu’il est à la tête d’un gouvernement oligarchique droitier qui bafoue régulièrement les droits démocratiques les plus élémentaires.

Avant la guerre, le gouvernement de Zelensky s’en est pris régulièrement aux médias pro-russes, interdisant trois chaînes de télévision populaires associées au leader du parti d’opposition ‘Pour la vie’, Viktor Medvedchuk. Selon Zelensky, ces chaînes «faisaient de la propagande anti-ukrainienne» et «interféraient avec le processus d’intégration du pays dans l’Union européenne».

Medvedchuk, un associé du président russe Vladimir Poutine qui a précédemment servi d’intermédiaire entre les oligarchies ukrainienne et russe, a ensuite été accusé de trahison et assigné à résidence.

Avec le déclenchement de la guerre totale, le gouvernement Zelensky, utilisant le service de sécurité du pays (SBU), accélère la répression des droits démocratiques fondamentaux. Cela, alors que plus de 100.000  soldats ukrainiens ont été tués dans un pays de tout juste 40  millions d’habitants.

Tous les partis politiques anti-OTAN sont désormais interdits, les restrictions sur la langue et la culture russes ont fortement augmenté, et toute dissidence par rapport à la ligne belliciste de Kiev est sévèrement punie.

Début janvier, le gouvernement Zelensky a adopté une loi permettant au Conseil national de la radiodiffusion du pays de censurer télévision, presse écrite et journalisme en ligne, ainsi que réseaux sociaux et moteurs de recherche comme Google. Les sites d’information non officiellement «enregistrés en tant que médias» auprès du droitier gouvernement ukrainien peuvent être fermés sans décision de justice.

Alors que les partisans occidentaux de Zelensky ignorent ces mesures autoritaires comme des décisions temporaires et nécessaires en temps de guerre, la classe dirigeante ukrainienne se prépare à une guerre qui, de l’aveu même de Zelensky, pourrait durer des dizaines d’années.

Dans une longue interview accordée la semaine dernière à des journalistes norvégiens, danois, suédois et finlandais, Zelensky, selon la BBC, «n’a pas exclu que la guerre en Ukraine dure des dizaines d’années. Il a fait remarquer qu’aucun territoire ukrainien, y compris la Crimée, ne devait rester sous occupation russe».

Pendant que Zelensky, un acteur multimillionnaire, envisage une guerre sans fin et soutenue par l’OTAN avec la Russie, les Ukrainiens de la classe ouvrière continuent de souffrir du chômage dû à la guerre et de mourir. On estime que près de 200.000  Ukrainiens ont déjà perdu la vie en un peu plus d’un an, et que des centaines de milliers d’autres ont été blessés, sur une population d’avant-guerre de moins de 40  millions. Les mesures de plus en plus répressives et ouvertement dictatoriales du gouvernement sont sans aucun doute motivées avant tout par l’opposition croissante de la population à la guerre.

Comme l’a montré un récent article du média ukrainien Strana, le gouvernement exigeant des hommes ukrainiens qu’ils s’enregistrent auprès de l’armée pour obtenir un emploi, beaucoup sont désormais tiraillés entre le chômage et le risque de recevoir une convocation de l’armée et d’être envoyés au front.

Rostislav Kravetz, un avocat représentant ceux qui cherchent à éviter la conscription, a déclaré à Strana qu’avant la guerre, la preuve de l’enregistrement militaire était une «simple formalité», comme c’est le cas dans de nombreux autres pays.

«Aujourd’hui, elle est obligatoire. Et beaucoup ont peur de recevoir une convocation dès qu’ils se présentent au bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire. Mais l’une des histoires d’horreur est celle-ci: “Il est plus facile pour les commissaires militaires de vous attraper”. En effet, c’est le cas. Après tout, les chefs d’entreprise et d’organisation sont l’un des canaux officiels d’envoi des citations à comparaître. En transmettant une citation à travers un employeur, il est facile de prouver qu’elle a été délivrée en bonne et due forme, ce qui signifie que celui astreint au service militaire ne pourra pas s’y soustraire en disant: “Je n’ai pas reçu de citation du tout”. En outre, plusieurs amendes pour non-comparution avec remise prouvée de la convocation peuvent servir de base à une condamnation pénale déjà sévère, qui peut aller jusqu’à trois ans de prison», a déclaré Kravetz.

(Article paru d’abord en anglais le 4  mai 2023)

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