Washington réactive les sanctions impérialistes après que le gouvernement vénézuélien a disqualifié la candidate soutenue par les États-Unis

Le gouvernement Biden a annoncé lundi qu’il empêcherait à nouveau le Venezuela de vendre de l’or. L’annonce faisait suite à la décision de la Cour suprême vénézuélienne de disqualifier la candidate à la présidence choisie par l’opposition soutenue par les États-Unis, María Corina Machado.

George W. Bush rencontre Maria Corina Machado le 31 mai 2005 [Photo: White House, Eric Draper]

La Maison-Blanche a également menacé d’abroger d’ici avril toutes les licences permettant au Venezuela de commercialiser du pétrole et d’autres produits, à moins que le gouvernement du président Nicolás Maduro n’autorise Machado à se présenter et ne libère davantage de prisonniers liés à l’opposition.

Le gouvernement Maduro a certifié une poignée de candidats mineurs aux élections présidentielles de cette année, mais plusieurs sondages montrent que seule Machado pourrait battre Maduro.

Les licences américaines avaient suspendu certaines sanctions économiques en octobre dernier en échange de la promesse de Maduro d’organiser des élections générales en 2024 et de libérer des prisonniers.

Les sanctions ont été le principal responsable de la catastrophe humanitaire en cours. En réduisant le principal marché d’exportation du Venezuela et sa source de réserves étrangères — les achats américains de pétrole — et en gelant 5,5 milliards de dollars sur des comptes internationaux, les sanctions ont empêché le Venezuela d’importer de la nourriture, des médicaments et d’autres produits essentiels.

En outre, Washington a confisqué la filiale pétrolière de l’État vénézuélien aux États-Unis, CITGO, et la Cour suprême des États-Unis s’est prononcée en faveur de sa cession à des vautours financiers.

Le Center for Economic and Policy Research a constaté que les sanctions américaines ont provoqué plus de 40.000 décès rien qu’en 2017-2018 et ont privé 300.000 Vénézuéliens de l’accès aux soins de santé en 2019, juste avant la pandémie de COVID-19. Plus de 7 millions de Vénézuéliens ont fui le pays, sur une population de 30 millions, depuis 2014.

Cela a finalement servi à faire pression sur une partie du corps des officiers vénézuéliens pour qu’ils se retournent contre Maduro et mènent une série de tentatives de coup d’État ratées soutenues par les États-Unis. Cela inclut l’auto-proclamation de Juan Guaidó en tant que président par intérim en 2019 ; une invasion ratée en 2020 semblable à la débâcle de la «baie des Cochons» et menée par des mercenaires américains cherchant à kidnapper les dirigeants vénézuéliens ; et une tentative manquée d’assassinat par drone contre le président.

Les actions de Biden poursuivent le régime de piraterie et de sanctions impérialistes lancé par Obama et largement intensifié par Trump, dont l’objectif a été de soumettre les Vénézuéliens par la faim, la maladie et la souffrance de masse, d’évincer le gouvernement chaviste et d’installer une marionnette américaine qui romprait les liens avec l’Iran, la Russie et la Chine.

Alors que l’axe USA-OTAN intensifie sa guerre contre la Russie en Ukraine, étend la guerre contre l’Iran au Moyen-Orient et se prépare à une conflagration avec la Chine, Washington cherche à rétablir son contrôle semi-colonial de l’Amérique latine. Celle-ci avait servi de plate-forme et de fournisseur clé de matières premières durant les deux premières guerres mondiales.

En décembre dernier, le Sénat américain a organisé un forum intitulé «Overlooking Monroe», au cours duquel la cheffe du ‘Commandement Sud’ de Joe Biden, la générale Laura Richardson, a déclaré: «Il est temps d’agir» contre l’influence chinoise dans la région.

Pas plus tard que le 19 janvier, la générale Richardson, qui supervise essentiellement la politique américaine dans la région du point de vue militaire, a indiqué que les «plus grandes réserves de pétrole du monde» au Venezuela constituaient l’une des ressources clés de la région.

Pékin a aidé Caracas à contourner les États-Unis et à vendre une fraction de sa production pétrolière passée; toutefois, les recettes ont été en grande partie consacrées au remboursement de la dette du Venezuela envers la Chine, qui a refusé d’accorder de nouveaux prêts.

Maduro et son Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), anciennement dirigé par le défunt président Hugo Chávez, parlent au nom de la «boli-bourgeoisie». Cette faction de la classe dirigeante nationale et du commandement militaire s’est énormément enrichie grâce à des systèmes de corruption liés à des contrats gouvernementaux, à la spéculation financière et à une décennie de prix élevés du pétrole, tirés par une croissance chinoise qui s’est achevée en 2014.

Au cours de cette décennie, les États-Unis sont toutefois restés le principal acheteur de pétrole vénézuélien, tandis que les sanctions ultérieures ont montré la capacité de Washington à réduire brutalement le total des exportations vénézuéliennes. L’économie du pays s’est contractée d’environ 80 pour cent, selon le FMI.

En conséquence, la boli-bourgeoisie a cherché à négocier avec l’impérialisme américain, tout en tirant parti de ses liens avec la Chine, la Russie et l’Iran, et du potentiel de flambée des prix de l’énergie dans le contexte de la guerre au Moyen-Orient.

Plus récemment, Caracas a menacé de prendre le contrôle de la région d’Essequibo, longtemps contestée, dans l’ex-colonie britannique voisine du Guyana et a déployé des troupes à la frontière. Le conglomérat américain Exxon Mobil a considérablement augmenté la production de ses réserves pétrolières offshore dans les eaux contestées, ce qui réduit considérablement la position de négociation de Maduro.

[Photo by Central Intellgence Agency / CC BY-SA 4.0]

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Légende: Carte du Guyana , avec des lignes de tirets indiquant les zones contestées. [Photo par Central Intellgence Agency/CC BY-SA 4.0]

Pour sa part, le Pentagone a renforcé sa présence et ses manœuvres militaires au Guyana , et le gouvernement russe de Vladimir Poutine a annoncé la semaine dernière qu’«une visite [de Maduro] est en cours de préparation; elle est nécessaire». Maduro et Poutine se sont entretenus en décembre. Ces manœuvres soulignent la possibilité que le Guyana et le Venezuela deviennent un nouveau front dans une guerre mondiale qui ne cesse de s’étendre.

Sur le plan intérieur, le gouvernement Maduro a fait porter tout le poids de la crise sur les épaules de la classe ouvrière et a été incapable, en raison de son caractère de classe capitaliste, de faire appel aux travailleurs des États-Unis ou d’ailleurs pour qu’ils le soutiennent contre l’agression américaine.

Le fait qu’une marionnette impérialiste patente comme Machado, qui a longtemps appelé à des sanctions américaines plus importantes et même à une opération militaire américaine au Venezuela, soit censée battre Maduro aux élections est une condamnation dévastatrice du chavisme, de sa prétendue révolution «bolivarienne» et de l’ensemble de la «marée rose» latino-américaine.

La pression de Washington s’est maintenue avec des hauts et des bas lors des négociations entre le gouvernement Maduro et l’opposition parrainée par les États-Unis, qui se déroulent actuellement à la Barbade.

La décision de la Cour suprême sur la disqualification de Machado se basait sur l’affirmation initiale du procureur général en 2014 que Machado n’avait pas inclus les paiements d’assistance nutritionnelle dans sa déclaration de patrimoine. Cela fut complété par des accusations d’implication dans la corruption de la part de la clique de Guaidó, soutenue par les États-Unis, et de soutien aux sanctions draconiennes imposées par les États-Unis.

Le 22 octobre dernier, la coalition d'opposition soutenue par les États-Unis, Plataforma Unitaria Democrática, a organisé des primaires dans des circonstances douteuses, affirmant que 2,3 millions de personnes y avaient participé et que 93 % d'entre elles avaient voté pour Machado.

L’opposition a décliné l’offre du tribunal électoral vénézuélien de l’aider à organiser les primaires et a rejeté une demande de report du vote au mois de novembre.

Une semaine plus tard, le Tribunal suprême de justice du Venezuela décidait de suspendre les résultats des primaires de l’opposition et ordonnait la présentation de tous les documents relatifs à leur organisation, à l’enregistrement des candidats et aux résultats des scrutins. Le tribunal a ensuite averti que la Commission nationale des primaires devrait rendre compte de la participation de candidats interdits comme Machado.

Le procureur général a ensuite annoncé l’ouverture d’une enquête sur les primaires et leurs organisateurs, soupçonnés de fraude électorale, de délits financiers et de conspiration, puis la Cour suprême a confirmé que Machado restait disqualifiée.

Machado a annoncé lundi qu’elle poursuivrait sa campagne présidentielle malgré tout et a dénoncé Maduro pour ne pas avoir respecté l’accord de la Barbade.

Parallèlement aux élections, Maduro avait libéré plusieurs dizaines de prisonniers liés à l’opposition, dont au moins deux anciens bérets verts qui avaient participé à l’invasion ratée de 2020. La Maison-Blanche elle, a libéré Alex Saab, un allié de premier plan de Maduro qui avait été enlevé par les autorités américaines au Cap-Vert.

Mais la semaine dernière, Caracas a arrêté plus de 30 civils et soldats accusés d’avoir planifié l’«assassinat» de Maduro et le négociateur chaviste à la Barbade, Jorge Rodriguez, a averti mardi que de nouvelles sanctions entraîneraient des représailles «sévères» contre l’opposition. Caracas a ensuite menacé de revenir sur son accord réactionnaire d’accepter des vols de rapatriement en provenance des États-Unis et transportant des réfugiés vénézuéliens.

Il est devenu évident que les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière ne font pas partie des considérations des deux parties qui négocient à la Barbade ou sur l’Essequibo. Face à la menace immédiate d’une nouvelle dévastation économique, d’une guerre et de conspirations continues en vue d’un coup d’État de droite à Caracas, les travailleurs vénézuéliens doivent tirer les conclusions politiques nécessaires de l’impasse politique du «bolivarisme». Et de celle de toutes les forces ayant soutenu Chavez ou Maduro et promu un «front populaire» avec des sections de la bourgeoisie prétendument capables de s’opposer à l’impérialisme.

Les travailleurs doivent se mobiliser indépendamment de toutes les factions de l’élite dirigeante et se tourner vers le mouvement de masse émergeant des travailleurs d’Amérique latine, des États-Unis, d’Europe et du monde contre la guerre et l’exploitation capitaliste. Cela nécessite la construction d’une nouvelle direction trotskyste dans la classe ouvrière, une section du Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article paru d’abord en anglais le 1er février 2024)

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